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02

Soledad ne tarda pas à appeler son père, encore plongé dans les bras de la Morphée. Celui-ci, revêtu d'un pagne noué autour de sa taille, accourut aussitôt. Sa surprise fut immense

lorsqu'il aperçut Castro, son ami d'enfance, autrefois inséparables.

- Castro ! S'exclama-t-il avec émotion, se précipitant vers lui.

- Mon cher ami Massayo ! lança Castro, ouvrant grand les bras.

Les deux hommes se serrèrent dans une étreinte chaleureuse, se cognant la tête de côté

deux fois de suite, avant de se heurter le front.

Papa Massayo se tourna vers ses filles qui les observaient avec émerveillement depuis un

moment déjà. D'un ton légèrement grognon, il leur ordonna de retourner vaquer à leurs

occupations et invita Castro à rejoindre sa cabane, où ils pourraient parler en toute intimité.

Anita, communément appelée maman Anny, s'empressa de se mettre en cuisine un peu

plus tôt que d'habitude. Elle avait au menu cuisiner du Koki.

Les effluves alléchants commençaient à emplir l'air. La vapeur s'élevait doucement des

paquets de feuilles de bananier soigneusement disposés dans le faitout en argile, créant une

atmosphère empreinte de mystère et de promesses gustatives. Maman Anny avait consacré des

heures à la préparation de ce chef-d'œuvre culinaire. Les haricots noirs qu'elle avait fermentés

à la veille avaient été méticuleusement triés et écrasés, transformés en une pâte onctueuse et

riche. L'huile de palme, d'un rouge profond, avait été incorporée avec précaution, conférant au

mets sa couleur caractéristique, telle une toile peinte par un maître artiste. Les paquets de Koki,

enveloppés dans les feuilles de bananier d'une couleur vert éclatant, offraient une protection

naturelle aux délicieuses créations de maman Anny.

Une fois le festin prêt, mama Anny s'approcha de la cabane de son mari, portant un

plateau en bois finement sculpté, orné de motifs traditionnels, sur lequel étaient disposés deux

paquets de Koki, comme des trésors prêts à être dévoilés.

Elle frappa doucement à la porte et entra avec précaution, ne voulant interrompre l'intense

moment de retrouvailles entre les deux amis, assis sur une natte tressée à la main, échangeant

des souvenirs et des rires.

D'une démarche élégante, elle s'approcha de papa Massayo, son regard empreint de

tendresse et de dévotion. Elle prit un paquet de Koki, défit délicatement la feuille de bananier

qui le recouvrait et la disposa avec soin dans l'assiette en inox de celui-ci. Puis, elle répéta le

geste en servant Castro avec la même attention.

Elle plaça ensuite ces bananes à peine mûres qui devait leur servir de complément, au milieu des deux autres éléments sur la table. Elle se dirigea vers une petite table à proximité,

où étaient disposés des verres. Avec grâce, elle prit une carafe d'eau et versa soigneusement

l'eau dans les verres, puis les plaça ensuite devant Papa Massayo et Castro.

Une fois terminé, maman Anny s'inclina légèrement devant son époux et son invité, les

souhaitant un bon appétit avant de s'éclipser discrètement, laissant les convives savourer le

repas en toute intimité.

Sans plus entendre, papa Massayo et Castro se mirent à dévorer le plat de Koki avec appétit.

Le parfum qui s'élevait du plat remplissait la pièce, ajoutant à leur excitation et à leur désir de

satisfaire leur faim grandissante. Leurs expressions de satisfaction et de plaisir étaient évidentes. Leurs yeux brillaient d'excitation et leurs sourires témoignaient de leur appréciation pour le

talent culinaire de maman Anny. Ils échangeaient des commentaires enthousiastes sur la saveur

et les techniques de cuisson utilisées, exprimant leur admiration pour ce savoir-faire, ce qui

encouragea papa Massayo à dévoiler à son ami les raisons qui l'avait poussé à épouser mama

Anny.

- C'est dans les délices de sa cuisine que j'ai été envoûté, alors qu'elle n'était qu'une enfant

de douze ans à peine. Elle officiait en tant que cuisinière et serveuse dans le restaurant

de sa mère, où je me rendais quasiment tous les jours. Pris d'une dépendance à ses mets

exquis, j'ai finalement décidé de me rendre chez sa mère, accompagné de ma famille

paternelle, afin de régler la caution pour sa fille et ainsi la préserver des petits voyous

qui convoitaient le restaurant avec des intentions similaire. Heureusement pour moi, sa

mère a accepté de me donner sa main à condition que je revienne lorsqu'elle atteindra

l'âge de seize ans.

- Seize ans ? Quelle éternité ! S'exclama Castro.

- Ma famille et moi avons insisté pour l'amener avec nous à cet âge-là, mais sa mère a catégoriquement refusé, prête à nous restituer notre argent et nos biens si nous insistions. Alors, j'ai accepté. Répliqua papa Massayo.

- C'est vraiment dommage. Notre société se délite. Nos grands-pères épousaient des

jeunes filles de dix ans. Mais de nos jours, à douze ans, on les considère encore

mineurs. Lança Castro.

- Le pire dans tout cela, c'est qu'elle n'a pas pu me donner de garçon , malgré la somme d'argent que j'ai versée pour sa dot. Si elle n'avait pas été aussi talentueuse en cuisine je l'aurais chassée depuis longtemps. Confia Papa Massayo.

- Humm, sans oublier les deux autres qui n'ont pas réussi à t'offrir un seul rejeton, rétorqua Castro.

Jade et Margueritte, affairées à la lessive derrière la fenêtre de la cabane, prêtèrent une

oreille attentive à la conversation entre les deux hommes, tout en feignant de se concentrer

pleinement sur leurs tâches.

Papa Massayo s'approcha furtivement du bas de son lit, où il avait dissimulé une bouteille

de vin de palme soigneusement enveloppé dans un chiffon. Il en sortit deux verres à cornes

anciens, les déposa avec délicatesse sur la table. Après s'être servis, ils levèrent leurs verres et,

sans plus attendre, portèrent leurs lèvres à la boisson qu'ils engloutirent d'un seul trait. Chaque

gorgée était accompagnée d'un sonore « glou-glou ». Le liquide ambré s'écoulait dans leurs gorges, apportant une sensation apaisante et réconfortante, laissant une empreinte délicieuse sur

leurs palais.

Ils poursuivirent leur conversation tout en sirotant le vin de palme.

- Jade et Margueritte ne me sont d'aucune utilité. Elles ne servent qu'à satisfaire mes besoins charnels. Au moins, pour cela, je les garde près de moi. Confessa papa Massayo.

Un rire complice s'échappa des lèvres des deux hommes, leurs éclats résonnant tels les

échos d'une confidence partagée. A ce moment précis, maman Anny fit son entrée dans la

cabane, prête à débarrasser la table. Elle s'exécuta avec diligence avant de s'éclipser à nouveau.

Castro, d'une voix feutrée, s'enquit:

- Pense-tu qu'elle ait surpris le fil de notre conversation?

Papa Massayo, arborant une expression altière, répliqua d'un ton péremptoire :

- Il semblerait, cher ami, que les préceptes de la Capital aient effleuré ton esprit et altéré

sa clarté. Aurais-tu donc oublié que la gent fèminine n'a point le droit de s'immiscer

dans les échanges virils ? C’est une abomination !

Castro acquiesça, hochant la tête en signe d'assentiment. Il savoura jusqu'à la demière

goutte de vin de palme qui gisait au fond de son verre, laissant échapper un soupir de

satisfaction

- Mille remerciements pour ton hospitalité, mon cher ami, articula Castro, se levant avec

grâce de la natte.

« Je me devais de t'informer de ma présence qui se dévoile telle une énigme au sein du village. Malheureusement, je me vois contraint de partir sur-le-champ, une réunion urgente

m'appelle. Nous poursuivrons nos échanges un autre jour », poursuivit-il.

- Ta présence est toujours bienvenue en ces lieux, cher ami. Rétorqua papa Massayo avec une courtoisie empreinte.

Les deux hommes quittèrent la cabane, leur chemin croisa celui des filles revenant de la

rivière, leurs récipients délicatement posés sur leurs têtes. Castro, captivé par la morphologie

de Soledad, la fixa discrètement pendant un court instant, un échange de regards qui ne passe point

inaperçu aux yeux avisés de papa Massayo. Ce dernier, posant sa main sur l'épaule de son compagnon, esquissa un sourire complice. Puis, Castro s'en alla laissant papa Massayo

regagner sa cabane.

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