chapitre 3

Chapitre 3

Le soir du dîner, Mathilda avait soigneusement choisi un restaurant élégant et discret, espérant que le cadre favoriserait une conversation sincère. Elle arriva un peu en avance, profitant de quelques minutes de calme pour se préparer mentalement. Elle savait que Nicolas serait difficile à convaincre, mais elle était déterminée à percer cette carapace de méfiance et de cynisme qu’il semblait avoir érigée autour de lui.

Quand Nicolas arriva, il la salua avec un léger sourire, visiblement un peu surpris par l’endroit. Elle l’invita à s’asseoir, appréciant la façon dont il semblait à la fois à l’aise et hors de son élément, comme s’il prenait soin de ne rien laisser paraître. Après avoir échangé quelques politesses, ils commandèrent leurs plats et se lancèrent dans une conversation polie, légèrement hésitante.

Mathilda prit une gorgée de vin, cherchant un moyen d’aborder des sujets plus personnels. « J’ai l’impression que nous venons de deux mondes très différents, Nicolas. Mais ça ne m’empêche pas de vouloir comprendre comment vous voyez les choses. »

Il la regarda un instant, évaluant ses mots. « Je pourrais dire la même chose. C’est inhabituel pour moi de me retrouver ici, dans ce genre de restaurant, avec quelqu’un comme vous. J’ai toujours pensé que les gens de votre monde préféraient rester entre eux. »

Mathilda haussa les sourcils, amusée. « Les gens de mon monde ? » Elle sourit. « Vous dites ça comme si j’étais une créature exotique ou un spécimen rare. »

Il esquissa un sourire, l’ombre d’un rire traversant ses yeux. « C’est un peu l’impression que vous me faites. Vous vivez dans une bulle de luxe, de privilèges… c’est tout simplement un autre univers pour moi. »

Elle hocha la tête, acceptant son point de vue. « Vous avez peut-être raison. Mais ça ne veut pas dire que je ne suis pas capable de m’intéresser sincèrement à autre chose. Je ne suis pas qu’une héritière sans âme, Nicolas. »

Il la fixa, son regard soudain plus intense. « Et pourtant, vous êtes là, dans ce restaurant chic, à essayer de me convaincre du contraire. Pourquoi ? Pourquoi chercher à me prouver quelque chose, à moi ? »

Mathilda sentit un léger frisson face à cette question directe. Elle n’avait pas l’habitude que quelqu’un la confronte de cette manière. « Peut-être parce que… pour la première fois depuis longtemps, j’ai rencontré quelqu’un qui ne cherche pas à me flatter, mais qui me voit pour ce que je suis, sans détours. Vous ne savez pas à quel point c’est rare. »

Nicolas observa un silence, visiblement pensif. « Je crois que je comprends. Mais, au fond, Mathilda, est-ce que vous êtes prête à vivre dans un monde où tout n’est pas toujours parfait, où chaque décision est un compromis ? Parce que c’est ce qui définit mon quotidien. »

Elle soupira, secouant la tête avec un sourire triste. « Vous parlez comme si ma vie était exempte de défis. Mais ce n’est pas parce que je vis entourée de luxe que je ne connais pas les difficultés. Mes responsabilités sont… écrasantes, parfois. Il y a tellement de gens qui comptent sur moi, qui jugent mes décisions. »

Ils se regardèrent, cette fois en silence, chacun conscient que leurs vies, si différentes, partageaient pourtant certaines ombres communes. Nicolas rompit le silence, son ton plus doux : « Je n’avais pas pensé à ça de cette façon. Je suppose qu’on porte tous un poids différent. »

Leur repas continua, mais l’atmosphère s’était transformée. Ils parlaient de leurs valeurs, de ce qui les motivait, et petit à petit, les barrières entre eux semblaient s’effriter. Mathilda évoqua ses ambitions pour sa fondation, l’importance qu’elle attachait à faire une différence. Elle parla de ses projets pour aider des communautés locales, de sa vision d’un monde où les entreprises pouvaient jouer un rôle positif.

Nicolas écouta, et même s’il ne partageait pas entièrement son point de vue, il semblait sincèrement intéressé. « C’est admirable, ce que vous voulez faire. Mais vous devez savoir que le monde des affaires ne fonctionne pas toujours avec des idéaux. Il y a des sacrifices, des choix difficiles, des compromis qui nous laissent parfois des regrets. »

Elle hocha la tête, consciente de ses paroles. « J’en ai fait l’expérience aussi. Mais je pense que c’est précisément là qu’on doit s’accrocher à ses valeurs, sinon on finit par tout perdre, même soi-même. »

Il sourit, cette fois avec une admiration visible. « Je dois dire que je ne m’attendais pas à ce discours de votre part. Vous êtes plus… tenace que je l’aurais imaginé. »

Mathilda sourit en retour, appréciant cette rare lueur de reconnaissance dans ses yeux. « Peut-être que je suis plus que ce que les apparences laissent paraître. »

Mais cette complicité naissante ne tarda pas à céder place à une tension plus palpable. Mathilda posa son verre de vin, se penchant légèrement en avant. « Dites-moi, Nicolas… Est-ce que vous me trouvez capricieuse ? »

Il leva les yeux, visiblement surpris par sa question directe. « Eh bien… je ne dirais pas capricieuse, mais… disons que vous êtes une femme qui sait ce qu’elle veut. Et qui a l’habitude de l’obtenir. »

Elle retint un rire. « C’est une manière polie de dire capricieuse. »

Il sourit, haussant les épaules. « Peut-être. Mais ce n’est pas forcément un défaut. Parfois, il faut être exigeant pour arriver là où on veut. »

Leur échange avait pris un tournant plus intime, plus audacieux. Mathilda pouvait sentir cette attirance, subtile mais présente, qui les poussait à se tester, à se défier. Et Nicolas, bien qu’il garde sa réserve, semblait également troublé par cette dynamique.

Ils terminèrent leur repas, et Mathilda se surprit à ressentir un mélange d’agacement et de fascination. Nicolas avait une manière unique de lui tenir tête, de ne pas céder à son charme habituel. Il ne cherchait pas à la flatter, ni à profiter de sa position. En quittant le restaurant, elle sentait que leur relation venait de franchir un cap.

Sur le trottoir, Nicolas lui fit un signe de tête pour la saluer, prêt à partir. Mais avant qu’il ne s’éloigne, Mathilda posa une main sur son bras, le regardant dans les yeux. « J’ai apprécié ce dîner, même si je pense qu’on ne sera jamais d’accord sur tout. »

Il la fixa, cette fois avec une intensité qui la déstabilisa un peu. « Peut-être que ce n’est pas nécessaire. Parfois, les différences rendent les choses plus intéressantes, non ? »

Elle sourit, un sourire qui trahissait à la fois de la défiance et de l’admiration. « Alors, j’espère que vous êtes prêt pour un défi, Nicolas. Parce que je ne compte pas vous laisser vous éclipser si facilement. »

Il éclata de rire, un rire franc et chaleureux qu’elle n’avait encore jamais entendu. « Très bien, Mathilda. Considérez-moi intrigué. »

Ils se quittèrent sur ces mots, chacun retournant à son monde respectif, mais avec un sentiment de connexion qu’ils n’avaient pas prévu. Mathilda, en rentrant chez elle, se surprit à sourire. Elle avait trouvé en Nicolas quelqu’un capable de la comprendre, même sans la flatter ni l’aduler. Elle savait que les choses ne seraient pas simples entre eux, que leurs différences pourraient les opposer, mais elle était prête à relever le défi.

Et quelque part, elle espérait que lui aussi le serait.