Chapitre 3
Prunelle quittait la cour de la maison des parents de son confident lorsqu’un individu arriva. Sur le portail, le nouveau venu salua respectueusement le jeune garçon, malgré son jeune âge.
– Je suis venu te chercher deux fois de suite, ajouta l’étranger.
– Oh, je n’ai jamais le temps avec toutes ces visites, répondit Sage. Parfois, certaines personnes viennent me chercher pour résoudre des situations très difficiles chez elles. Ai-je le choix de dire non ? Je me laisse entraîner.
Pendant ce temps, Prunelle, installée sur le volant, faisait une intermittente reverse pour s’engager sur la route. Lorsqu’elle fut prête à partir, elle klaxonna aux deux jeunes hommes avant de s’élancer sur l’asphalte.
– Au revoir madame ! lança Sage à la visiteuse. Maintenant, rentrons à l’intérieur, dit-il au visiteur.
Ensemble, ils traversèrent la cour pour se rendre dans la chambre d’où madame Akanni venait de sortir.
– Alors, asseyez-vous, monsieur, et dites-moi en quoi je peux vous aider, invita Sage.
L’étranger s’assit et, fixant son interlocuteur du regard, esquissa un petit sourire avant de commencer son récit.
– En effet, je ne parviens plus à dormir, commença le nouveau venu. Permettez-moi de me présenter d’abord. On m’appelle Adonia, je suis un agent de santé et j’ai seulement vingt-trois ans. Actuellement, je suis en relation avec quatre jeunes filles. Elles m’aiment toutes éperdument et ont peur de me perdre. Il y en a une qui réside en ce moment en Côte d’Ivoire et elle me couvre de cadeaux. Chaque fois que je lui fais part de problèmes de santé, elle m’envoie quarante mille francs pour me faire soigner. En dehors de cette aide financière, elle m’envoie également des colis de temps en temps depuis la Côte d’Ivoire. Les trois autres sont ici au Bénin. Parmi ces trois, j’en aime profondément deux, tandis que pour la troisième, mes sentiments amoureux sont moins intenses. Je l’apprécie principalement pour son apparence physique, mais je n’éprouve pas beaucoup d’amour pour elle. Mon problème, c’est comment gérer cette situation avec ces trois filles ! Le cas de celle qui est en Côte d’Ivoire n’est pas encore une préoccupation pour moi, car elle devrait venir au Bénin avant de suspecter quoi que ce soit. Mon seul souci en ce moment, c’est la situation avec ces filles d’ici qui me fait peur. Je ne veux pas leur causer de souffrance. Je ne parviens plus à dormir à cause de la douleur que cela me procure.
Sage, confortablement assis, était complètement absorbé par les confidences de son interlocuteur.
– Monsieur, appela-t-il, j’ai écouté attentivement sans laisser échapper le moindre détail. Permettez-moi de vous dire une chose : pour éviter de faire souffrir ces filles comme vous le prétendez, la meilleure solution serait de leur dire qu’elles ont des rivales...
– Quoi ? s’écria soudain François.
– Oui ! C’est ce que vous devriez faire ! Il vaut mieux les informer dès maintenant avant qu’il ne soit trop tard, sinon vous ne saurez plus où mettre la tête.
Un silence total s’installa.
– Je les perdrai si je fais une telle chose, répondit François.
– C’est vrai, vous risquez de les perdre, mais laissez-moi vous dire une chose : on ne remplace jamais quelqu’un qu’on aime au profit d’un autre. Parmi ces quatre filles que vous avez mentionnées, il y en aura au moins une qui restera, tandis que les autres diront qu’elles ne peuvent pas supporter cette situation et qu’elles doivent mettre fin à cette relation. Je sais de quoi je parle. Si vous n’appliquez pas mes conseils à temps et que vous attendez trop longtemps, je vous assure que vous le regretterez. J’en ai fini.
François, d’un air calme, observait le jeune garçon et se demandait intérieurement si ce dernier ne perdait pas le contrôle.
– Donc, dit-il, si je comprends bien tes conseils, je dois informer chacune de ces filles que je suis intéressé par d’autres filles.
– Vous êtes libre de mettre en pratique mes suggestions ! N’oubliez pas que ce sont des idées que je vous ai proposées et que vous êtes finalement libre de les suivre ou de les rejeter !
François, se levant de son canapé, tendit un billet de cinq mille francs au jeune garçon.
– Désolé, je n’accepte pas d’argent. Ma sagesse n’est pas à vendre.
François fut surpris avant de reprendre sa marche vers la cour.
***
De retour chez elle, Prunelle, se remémorant les paroles du jeune garçon prénommé Sage, commença à regretter son comportement.
– Je sais que ce garçon a raison, mais après tout, cette fille d’Aïcha ne peut pas être bizarre, se dit la jeune femme, confuse.
Assise sur le canapé, Prunelle fixait le vide.
– Mais cela n’arrivera pas, se promit-elle en se levant brusquement.
***
Deux jours plus tard.
Il était seize heures lorsque Prunelle prit son téléphone pour composer un numéro. Elle mit l’appel en haut-parleur et attendit que son interlocutrice décrochât.
– Allô maman ? commença-t-elle.
– Oui, bonsoir, à qui ai-je l’honneur s’il vous plaît ? demanda une voix féminine à l’autre bout du fil.
– Appelez-moi Prunelle ; je suis enseignante dans une école de la région. J’ai obtenu votre numéro auprès de votre fille Aïcha.
– Très bien, madame ! Que puis-je faire pour vous ?
– En fait, j’aimerais qu’on se rencontre pour discuter d’un sujet qui me tient à cœur.
– Il n’y a pas de souci. Si ma fille vous a donné mon numéro, cela signifie qu’elle vous fait confiance ou que vous avez une relation de confiance. C’est à vous de me dire quand vous serez disponible pour qu’on puisse se voir. Sinon, je suis libre toute la journée aujourd’hui. Mais demain, je dois aller au marché.
– Merci pour votre honnêteté, maman Aïcha ! Alors, dites-moi où je peux vous retrouver.
– Je suis dans le quartier Arafat. Je ne sais pas si vous pouvez venir jusqu’ici.
– Bien sûr, je peux me rendre dans les environs dans quelques minutes.
– Ne vous inquiétez pas ! Dès que vous serez là, appelez-moi.
– Pas de problème ! On reste en contact.
Et c’est sur cette note que la communication prit fin. Prunelle se leva rapidement du canapé et se dirigea vers la cour.
***
Cinq semaines plus tard.
Après avoir rencontré les parents d’Aïcha, dirigée par l’enseignante, la jeune femme musulmane a rejoint le toit de Firmin.
L’entente entre elle et sa coépouse était parfaite. Elles se comprenaient bien. Elles partageaient même une assiette.
– J’imagine déjà quel prénom nous donnerons à ce bébé quand il naîtra, plaisanta l’enseignante.
– Je te laisserai lui donner un très joli prénom, répondit la future maman à son tour.
– Je peux déjà imaginer à quel point notre mari sera heureux de toi après la naissance de ce futur bébé.
– Tu es sérieuse ?
– Bien sûr ! Il a toujours rêvé d’avoir un enfant qui l’appellerait père, mais je ne lui ai jamais donné cette joie-là.
– Ce n’est rien !
– C’est quelque chose, bien sûr ! Penses-tu qu’une femme comme moi puisse se sentir utile sous le toit d’un homme ?
– C’est vrai, mais après tout, tout dépend de la volonté de Dieu.
– Je ne le refuse pas ! Et quel péché aurais-je commis envers Dieu pour qu’il me punisse ainsi ?
Un silence s’installa dans la chambre et régna pendant quelques secondes.
– Mais je ne cesserai jamais de prier, dit Prunelle lorsque la porte grinça et laissa apparaître une silhouette.
– Bonne arrivée, mon chéri, lança la parturiente en s’adressant au nouvel arrivant.
– Merci mon amour, répondit l’autre. Je continuerai à remercier le ciel et la terre de vous avoir fait mes meilleures épouses. Je suis tellement heureux de vous voir ensemble, en train de discuter et de vous taquiner ! Si seulement cette harmonie pouvait durer éternellement entre vous, je ne regretterai jamais ma vie de polygamie. Je vous aime, vous le savez.
Prunelle, lançant un clin d’œil à la jeune femme musulmane, sourit et murmura : nous aussi, nous t’aimons et nous t’aimerons toujours.
– Que cela soit ainsi, mes tendres chéries, murmura l’homme en uniforme militaire.
***
Sur le portail des Adébi était garée une Ferrari ; c’était le véhicule de Prunelle. Toujours assise au volant, la propriétaire de la voiture était au téléphone. La conversation avait duré quelques secondes seulement.
– D’accord, dépêche-toi, je t’attends ! finit-elle par dire en raccrochant.
Après quelques secondes, le jeune garçon prénommé Sage surgit de la cour de la maison.
– S’il te plaît, monte dans la voiture, ordonna madame Akanni au jeune homme.
Celui-ci, sans attendre une seconde, monta à bord du véhicule et s’installa près de la conductrice.
– Excuse-moi, je n’ai pas envie d’entrer dans la maison, s’excusa-t-elle.
– Il n’y a pas de souci, madame.
– Merci ! Je suis venue aujourd’hui pour te parler de la nouvelle épouse de mon mari. Elle s’est déjà installée et vit sous notre toit depuis quelques semaines maintenant. Et pour être honnête, tout se passe bien entre elle et moi. Depuis son arrivée, elle prend en charge toutes les tâches ménagères pendant mes heures de travail. Je l’apprécie sincèrement. Nous partageons nos repas et faisons presque tout ensemble. Je l’apprécie vraiment, je ne te mens pas. Nous avons une bonne relation.
Le jeune garçon poussa un long soupir et détourna son regard de son interlocutrice...
– Je suis heureux de savoir que vous êtes toutes les deux heureuses, vous et votre rivale, dit-il en fixant la vitre du véhicule. J’espère que c’est tout ce que tu voulais me dire !
– Oui ! Je reviendrai te parler de l’évolution de notre relation une autre fois.
– Super ! J’attends avec impatience votre prochaine visite, madame.
– Merci ! Alors, je t’emmène quelque part pour manger ?
– Oh non, merci pour votre générosité, madame !
– C’est toi qui es généreux ! Si seulement j’avais ta sagesse, je serais fière de qui je suis.
– La sagesse vient de Dieu. Madame, rentrez en toute sécurité et n’hésitez pas à saluer votre rivale de ma part.
– Je n’y manquerai pas.
Sur ces mots, Sage ouvrit la portière et descendit du véhicule de sa visiteuse.
– Au revoir, madame, ajouta-t-il en se dirigeant vers le portail.
***
Trois mois plus tard.
La cour de la clinique Garba, située dans le quartier Guèma, venait d’accueillir Aïcha, les yeux remplis d’appréhension. C’était enfin le jour de son accouchement. Laissant la voiture derrière elle, Prunelle se précipita vers les professionnels de santé qui vinrent rapidement au secours de la future maman avec un chariot.
