Chapitre 4
Prunelle abandonna ses élèves à l’école pour venir en aide à sa coépouse. Firmin, leur époux, était au travail.
– Excusez-moi, madame, appela le docteur, l’accouchement de votre sœur présente quelques complications mineures. Prenez cette ordonnance et rendez-vous rapidement à la pharmacie "Le Plateau" pour acheter ces médicaments, s’il vous plaît.
– D’accord, docteur, répondit la jeune femme enseignante en saisissant le papier qu’on lui tendait.
Prunelle se dirigea rapidement vers la cour de la clinique. Elle abandonna son véhicule et héla un conducteur de taxi-moto pour y aller vite.
– Pharmacie Le Plateau, s’il vous plaît. Allons-y vite ! dit-elle essoufflée au conducteur.
Sans un mot, celui-ci emmena rapidement la cliente sur son engin et ils partirent. Ladite pharmacie était située à cinq minutes de marche de la clinique, mais pour gagner du temps, Prunelle avait décidé de prendre un zém.
Deux minutes plus tard, ils arrivèrent devant la pharmacie.
– Je reviens dans quelques instants, dit-elle au conducteur en se dépêchant vers le bâtiment.
Sans attendre, Prunelle poussa la porte de la pharmacie et entra. Sans saluer les jeunes filles employées, elle leur tendit l’ordonnance.
– Faites vite, je vous en prie, leur dit-elle brusquement.
L’une des jeunes filles prit le document et disparut pour revenir quarante-cinq secondes plus tard.
– Passez à la caisse, s’il vous plaît, madame, lui lança-t-elle.
Sans attendre, Prunelle alla se tenir près d’une vitrine.
– Madame, cela fait quarante-sept mille francs, dit la caissière.
Promptement, madame Akanni prit son portefeuille, l’ouvrit et compta cinq billets de dix mille francs qu’elle tendit à la caissière d’une trentaine d’années.
Après avoir récupéré son colis, Prunelle se dirigea vers la porte, mais une voix la rattrapa pour lui annoncer qu’il restait de l’argent à récupérer. Elle fit demi-tour pour récupérer son reliquat.
Le conducteur la reprit pour la ramener à la clinique. N’ayant pas de monnaie, elle lui tendit un billet de cinq cents francs et se dirigea vers l’entrée de la clinique.
– S’il vous plaît, madame, votre monnaie ! lui lança le conducteur.
– Je te la donne, lui répondit-elle en s’écartant de la devanture de l’hôpital.
Arrivée à la salle d’attente, elle demanda le bureau du docteur. Elle alla frapper à la porte du bureau, et l’homme ne tarda pas à lui répondre.
– J’espère que je ne vous ai pas fait attendre longtemps ! Tenez, j’ai déjà acheté les articles, dit-elle.
Le monsieur prit le paquet et se dirigea en silence vers une autre pièce.
Cinq minutes… Dix minutes... et enfin quinze minutes... De la salle d’attente, on pouvait entendre les cris d’un nouveau-né. Le docteur sortit enfin de la pièce, un sourire aux lèvres.
– Félicitations, madame, votre sœur a donné naissance à un adorable petit garçon...
– Oh mon Dieu, je te suis très reconnaissante ! s’exclama Prunelle en s’agenouillant par terre, les mains levées vers le ciel.
Prunelle était extrêmement heureuse de la naissance de ce garçon. Elle fredonna une chanson de louange et commença à glorifier son Seigneur. La joie qu’elle ressentait pour l’arrivée de cet enfant était semblable à celle qu’elle aurait éprouvée si l’enfant était né de ses propres entrailles. Tout le monde la regardait prier en larmes. Elle remerciait son Dieu avec des larmes aux yeux, priant et chantant en même temps. Sa voix révélait combien elle avait attendu ce bébé, bien qu’il ne soit pas le fruit de son propre ventre. Elle continuait de prier et de chanter, même lorsque son téléphone sonnait dans son sac. Malgré la perturbation causée par l’appel, elle ne voulait pas abandonner son Dieu pour voir qui l’appelait. Elle loua Dieu pendant quinze minutes, mêlant pleurs et joie.
Le téléphone avait sonné plusieurs fois. Lorsqu’elle eut fini ses prières, elle essuya ses larmes d’un revers de la main et sortit enfin son téléphone de son sac. Elle vérifia son journal d’appels et vit que c’était son époux qui avait appelé. Elle le rappela à son tour.
– Allô chéri ? Elle a donné naissance à un adorable petit garçon. Non, je ne l’ai pas encore vu, il est en traitement. À tout à l’heure chéri.
Elle raccrocha ensuite.
***
Il était vingt heures lorsque la nouvelle maman et ses accompagnateurs se préparèrent à rentrer chez eux. Prunelle prit le nouveau-né dans ses bras et demanda à son époux de conduire tout le monde dans sa voiture.
– Mon véhicule transportera personnellement mon garçon et sa mère, ajouta-t-elle avec un large sourire.
Tout le monde éclata de rire et se conforma.
***
Vingt-et-une heures sonnèrent, et le salon des Akanni était empli d’une grande joie. Des boissons étaient dispersées ici et là. Champagne coulait à flots. Les convives buvaient et s’exclamaient de bonheur. Parmi eux, Prunelle était la plus heureuse. Sa voix mélodieuse résonnait dans la pièce alors qu’elle chantait des louanges. Sa joie était débordante.
– Je vais donner à cet enfant le prénom d’Espoir, déclara-t-elle.
Un youyou s’éleva de tous les coins de la pièce, accompagné d’applaudissements. Suite à la proposition de la jeune femme, tout le monde fut d’accord pour attribuer ce prénom au petit garçon.
La célébration de la naissance du petit garçon dura plusieurs heures. Lorsqu’elle prit fin et que chacun regagna son domicile, Prunelle décida de rester auprès de la nourrice pour prendre soin d’elle et du nourrisson. Elle abandonna sa chambre cette nuit-là pour rester avec maman Espoir.
***
Trois jours plus tard.
Depuis le jour de l’accouchement d’Aïcha, Prunelle avait renoncé à ses cours avec ses élèves. Une enseignante d’une classe voisine venait donner les cours aux enfants à sa place.
C’était dimanche et Prunelle appela son époux.
– Je reprendrai les cours demain, dit-elle. Pour le bien-être de notre fils Espoir, je souhaite engager une nounou qui pourra bien s’occuper de lui. Les vacances approchent. Quand je serai en congé, je pourrai prendre soin de lui.
Le mari, jugeant l’idée merveilleuse, accepta immédiatement. Prunelle saisit son téléphone et composa un numéro. Après quelques secondes, l’appel aboutit.
– Bonjour tata Eunicia, commença-t-elle.
– Oui, bonjour madame, répondit une voix à l’autre bout du fil.
– C’est à propos de tes services que je t’appelle.
– Je vous écoute, madame.
– J’ai discuté avec mon époux et il est d’accord. Alors, combien coûte ton service ?
– Madame, pour ce qui est de mon salaire, je suis payée deux fois par mois ; tous les quinze jours, je reçois vingt mille francs.
– Donc, cela fait quarante mille francs par mois ?
– Oui, quarante mille francs.
– D’accord, quand pourrais-tu commencer ?
– C’est urgent ?
– Oui ! Et je suis prête dès maintenant.
– Dans ce cas, vous pouvez venir me chercher ce soir.
– Parfait ! Je serai là à dix-neuf heures.
– Pas de souci, madame !
– Très bien, passez de bonnes choses à votre famille, conclut Prunelle avant de raccrocher.
Elle regarda son époux, prête à lui faire le compte rendu de la conversation, mais il l’interrompit d’un geste de la main.
– Tu n’as pas de compte à me rendre, dit-il. J’ai été témoin de toute la conversation, et je sais à quel point cet enfant est important pour toi. Je t’aiderai à payer cette femme...
– Non, hors de question ! C’est un engagement que j’ai pris, et je dois l’assumer. Et sais-tu pourquoi je veux engager cette professionnelle pour notre fils ?
– Non, explique-moi !
– Nous devons éviter que notre fils ait des taches sur son corps, car de nombreuses nouvelles mères, par manque de connaissances, laissent apparaître des imperfections sur le corps de leurs bébés, étant encore novices en la matière. Permets-moi de te donner un exemple concret. Dans ma classe, il y a un adorable petit garçon. Il est le plus mignon de la classe et même de toute l’école. Il a une peau claire et magnifique. Cependant, peux-tu imaginer que ce petit garçon ait un léger défaut dont sa mère est responsable ? Eh bien, oui ! Ses deux yeux sont légèrement décalés. Et sais-tu comment cela s’est produit ? Étant le premier enfant de sa mère, cette dernière a commis une petite erreur, si insignifiante qu’elle n’a même pas de sens.
– Parle-moi de cette erreur, je te prie.
– En fait, quand j’ai invité la mère du petit garçon pour lui demander si le défaut de Kamel était naturel, voici ce qu’elle m’a répondu : ‘‘Kamel est mon premier enfant. Lorsque je l’ai mis au monde, je n’ai trouvé personne pour m’aider à m’en occuper. Mes beaux-parents et mes parents vivent tous au village. Quand Kamel était petit, il avait peur de l’obscurité. Le soir, après l’avoir lavé, je le laissais seul dans la chambre pendant que je vidais l’eau du bain de la bassine. Il se mettait alors à pleurer. Mais dès que je mettais une lampe ou une lanterne près de lui et qu’il voyait la lumière, il se calmait. Je profitais de ces moments pour finir mes tâches inachevées. Parfois, Kamel essayait de tourner la tête pour regarder la lampe à pétrole que je laissais à sa portée. Inconsciemment, je ne savais pas que le fait de le laisser tourner les yeux vers la lampe aurait un effet sur lui. J’ai commencé à remarquer le défaut de mon fils six mois plus tard, mais il était déjà trop tard.’’ En disant cela, la mère de Kamel a fondu en larmes. Ses pleurs m’ont beaucoup touchée ce jour-là, et je lui ai demandé de se calmer. Ensuite, je lui ai demandé comment cela avait pu arriver. Elle m’a donné l’explication suivante : ‘‘Quand les enfants sont très jeunes, tous leurs membres sont très fragiles et peuvent être modifiés à tout moment. C’est ce qui a endommagé les yeux de mon enfant. J’ai toujours regretté cela, mais c’est arrivé faute d’avoir quelqu’un pour me guider.’’ C’est pourquoi je souhaite que notre fils Espoir soit suivi par une personne bienveillante. Tata Eunicia, la directrice de mon école, me l’a vivement recommandée et j’ai pleinement confiance en elle.
Firmin, écoutant attentivement son épouse, comprit d’où lui était venue l’idée d’engager une nounou.
– Mon amour, appela-t-il, Espoir est ton enfant ! Fais pour lui ce que tu ferais pour ton propre enfant.
– Oui, c’est ce que je ferai, répondit-elle.
Le couple discuta ensuite avec respect et considération du petit garçon.
***
Il était dix heures et Sage Adébi était déjà rentré de l’église. Assis sous la véranda de la maison de son père, il manipulait son téléphone lorsqu’il vit un appel s’afficher à l’écran. Il décrocha.
– Allô ? Je suis à la maison, vous pouvez passer, dit-il.
Il raccrocha puis un autre appel entra simultanément.
– Allô ? Oui, je suis à la maison, mais veuillez passer dans dix minutes s’il vous plaît, répondit-il avant de raccrocher.
Cependant, un autre appel attendait encore.
– Allô ? répondit-il, passez dans vingt minutes s’il vous plaît, dit-il avant de raccrocher.
Il éteignit ensuite son téléphone et le mit dans sa poche. Pendant ce temps, une jeune fille d’environ dix-neuf ans se tenait debout devant lui.
– Bonjour mademoiselle, dit-il, étiez-vous celle qui m’a appelé il y a quelques secondes ?
– Oui, c’est moi, répondit la nouvelle venue.
– D’accord, allons dans la chambre, dit Sage.
Et lui et la visiteuse se dirigèrent vers le salon.
– Asseyez-vous et dites-moi en quoi je peux vous aider, dit-il.
– Jeune Sage, commença la jeune fille, j’aimerais avoir des conseils concernant mon petit ami.
– Je vous écoute, répondit-il.
– Merci ! Je suis profondément amoureuse d’un homme. Nous nous sommes connus depuis l’école. Il était en terminale et moi en première lorsque nous avons commencé notre relation amoureuse. Après seulement quelques mois, il a obtenu son baccalauréat et est parti à Cotonou pour poursuivre ses études à Calavi. Au début de son départ, nous nous appelions régulièrement et nous échangions des messages sur les réseaux sociaux. Cependant, depuis trois mois, il ne semble plus chercher à prendre de mes nouvelles. Parfois, il ne répond même pas à mes appels et pire encore, je le vois en ligne et il met des heures à répondre à mes messages. Je ne sais pas ce que j’ai fait de mal et il ne décroche mes appels que quand il veut. Je ne veux pas le perdre mais je suis à court d’idées sur ce qu’il faut faire. S’il te plaît, aide-moi, j’ai besoin de suggestions.
Le fils des Adébi poussa un long soupir et se frotta l’œil gauche avant de s’engager dans la discussion.
– Je vous en prie, mademoiselle, votre bonheur ne se trouve pas dans les bras de cet homme. Vous perdez inutilement votre temps à l’attendre. Vous devez comprendre que l’amour ne fonctionne pas de la manière dont vous l’imaginez. L’amour repose sur des principes. On aime ceux qui nous aiment et on se tient éloigné de ceux qui prétendent nous aimer. Permettez-moi de vous dire que cet homme ne partage pas vos sentiments. Vous êtes la seule à l’aimer dans cette histoire. Vous avez mentionné qu’il a complètement changé depuis trois mois. Il ne vous appelle pas et c’est vous qui faites tous les efforts en l’appelant, et il ne cherche même pas à vous répondre. On pourrait supposer qu’il est occupé et c’est pourquoi il n’a pas répondu. Mais dites-moi, serait-il occupé toute la journée au point de ne pas pouvoir vous faire un petit signe, même s’il n’a pas assez de crédit pour vous contacter ? Ne voyez-vous pas qu’il y a quelque chose de suspect ? C’est un premier signe ! Vous le voyez en ligne et vous lui écrivez en premier, mais il met du temps à vous répondre. Ne soupçonnez-vous rien ? Ma chère, mettez votre homme à l’épreuve ! Voici ce que vous pouvez faire : cessez de l’appeler et de lui écrire. Si vous communiquez avec lui sur Facebook et qu’il ne vous répond pas, désactivez la discussion instantanée et discutez avec vos autres amis. Sur WhatsApp, si vous n’avez pas la dernière version qui vous permet de désactiver la confirmation de lecture, alors ne vous connectez pas à WhatsApp du tout. Gardez votre numéro de téléphone actif, mais ne l’appelez pas. Faites cela pendant une semaine. Si pendant cette période, votre prétendu homme ne vous appelle pas et ne vous laisse aucun message, alors comprenez que votre homme ne mérite plus votre temps et que vous vous fatiguez pour rien. Il est inutile de courir après quelqu’un qui ne ressent rien pour vous, sinon vous finirez par pleurer constamment.
La visiteuse, d’un calme remarquable, tendait l’oreille pour saisir les paroles de son interlocuteur.
– J’ai tout entendu ce que vous avez dit et je vous assure que je reviendrai dans une semaine pour vous tenir informé de la suite.
– Cela me fera plaisir ! Dans ce cas, je vous souhaite bonne chance.
Sur ces mots, la jeune fille se leva et se dirigea vers la cour. À peine avait-elle quitté le salon qu’une autre personne y fit son entrée.
