Chapitre 5
Plus la nuit tombait, plus un nouveau jour se levait. Chaque jour, la famille Sabi se plaignait pour le besoin d’une domestique. Oui, toutes les charges d’entretien étaient revenues sur le compte de tout le monde à l’exception du père qui s’en contrefichait.
Il sonnait vingt-deux heures quand le repas, n’étant pas encore prêt, réunissait toutes les grandes filles de la famille à la cuisine à l’exception de Carlos, l’unique garçon.
Au salon, papotaient mari et femme quand le téléphone de Victoria, la mère des enfants, commença à sonner. Le saisissant, elle décrocha l’appel.
– Oui, ma chérie Abèni, comment vas-tu ?
– Je vais très bien, maman ! Et la famille ?
– Tout le monde va bien ! Alors, c’est possible que tu nous rejoignes demain avec tes colis ?
– Avec plaisir, maman ! C’est même pour cette raison que je vous appelle…
– Ah d’accord ! Viens demain matin avec tes colis. Nous avons vraiment besoin de toi dans notre ménage.
– Merci maman !
– Je t’en prie. Comment se porte ta mère ?
– Elle va très bien, maman !
– Bien de choses à elle !
– Je n’y manquerai pas, maman.
– Allez, porte-toi bien, ma chérie !
Sur cette dernière parole, Victoria raccrocha l’appel.
De l’autre côté du fil, Abèni, très affairée, rangeait ses affaires. À ses côtés, sa mère, une vieille femme d’une soixantaine.
– Et comment vas-tu emporter ton oiseau ? demanda-t-elle à sa fille.
– Je viendrai le chercher personnellement, répondit celle-ci.
– D’accord ! Sinon, tu ne peux pas quand même le prendre dans ta valise…
– Oh non, il va mourir. Je reviendrai le chercher.
– J’espère que le miroir ne va pas se briser ?!
– Oh, non, il n’aura rien !
– Ok !
Abèni, en compagnie de sa mère, fit tout son colis.
***
La nuit, comme une roulette, s’était roulée du ciel. Les rues de la ville de Dassa-Zoumè remplissaient peu à peu.
Dassa-Zoumè, autrefois cité parmi les villages, est désormais, grâce aux infrastructures, devenu une grande ville.
Ce matin très tôt, une moto venait de s’immobiliser devant le portail de la maison des Sabi. Du siège arrière, descendit une jeune fille qui, après avoir descendu son gros sac de la moto, tira son portefeuille et en sortit un billet de cinq cents francs. Sans attendre du reliquat, la jeune fille traîna son sac jusqu’à la terrasse du portail. Le conducteur, quant à lui, redémarra sa moto et s’en fut.
Abèni appuya sur la sonnerie et patienta un moment. Au bout de quelques minutes, une jeune fille vint ouvrir le portail. L’étrangère, poliment, s’inclina pour dire bonjour à la cadette de la famille.
– Bonne arrivée tata, répondit l’autre, vous pouvez entrer s’il vous plaît.
S’approchant d’elle, Juliette l’aida à traîner le sac jusqu’au salon.
– Un instant, j’irai appeler maman, promit Juliette.
Se hâtant vers les escaliers, la jeune fille disparut au bout de quelques secondes. Elle réapparut au bout de quelques autres secondes.
– Elle sera là dans un instant.
– Merci, vous êtes…
Abèni n’eut pas encore achevé sa phrase lorsque, des escaliers, commença à descendre Victoria. Souriant depuis là-haut, la jeune femme s’approchait doucement, doucement jusqu’à arriver tout près de la nouvelle venue.
– Bonjour maman, dit l’autre en s’abaissant.
– Oui, ma chérie, sois la bienvenue ! Maintenant que tu es là, prends ta valise et allons dans la chambre qui t’est admise.
Ensemble, les deux femmes montèrent des escaliers. Elles marchèrent jusqu’à arriver devant une porte. Victoria, poussant la porte, pénétra dans la pièce en premier.
– Voilà ! Ici, c’est ta chambre. Voici ton lit. Tu peux faire comme chez toi. Pas de stress ici, d’accord ?
– Merci, maman !
– Je t’en prie. Alors, allons rapidement je vais te montrer la cuisine et tout ce qui suit.
Abèni, sans dire un mot, rien que du sourire, se mit à la suite de sa patronne. Elles marchèrent jusqu’à arriver dans une petite pièce où, sur le gaz, mijotait la sauce. À côté, près du lavabo, une jeune fille lavait les assiettes.
– Bon travail, grande sœur ! s’exclama la nouvelle venue à l’adresse de l’aînée des Sabi qui avait le tour pour cuisiner.
– Merci, tata ! Soyez la bienvenue chez nous.
– Merci !
– Donc voilà la cuisine, répartit Victoria.
– J’ai vu, maman !
– Bien, Chancelle, tu peux laisser le reste des travaux et aller t’apprêter rapidement pour les cours.
– D’accord, maman !
Sans plus attendre, cette dernière se rinça les mains et disparut de la cuisine.
– Bien, Abèni, à tout à l’heure et bon ménage !
– Merci, maman ! Mais dites-moi, j’espère que ce n’est pas un problème pour le fait que je n’aie pas encore salué papa !
– Oh, ne t’inquiète pas ! Il est sous la douche. Je vais lui dire bonjour de ta part.
– Merci, maman ! Mais dites, que vais-je préparer pour midi ou bien vous ne rentrez pas à midi ?
– Bien sûr que mes enfants rentrent ! Non, aujourd’hui, puisqu’il y a de la sauce, il faut seulement préparer la pâte de maïs.
– D’accord, maman, je le ferai.
– Merci et à tout à l’heure.
Victoria disparut de la cuisine, laissant seule à seule sa nouvelle domestique. Cette dernière, s’approchant de la sauce sur le gaz, la remua et la referma. Tournant le regard dans la cuisine, elle trouva d’autres petites tâches à accomplir. Des minutes passaient et Abèni, sans se fatiguer, rangeait la cuisine. Elle était dans l’entrain de ses devoirs quand madame Sabi apparut.
– Bon travail ! Nous sommes en train de partir, ça fait à midi !
– D’accord, maman ! À très bientôt et bonne journée !
– Merci ma chérie.
Victoria, se précipitant vers la sortie, revint subitement.
– Dès que tu auras fini de cuisiner, il faut manger, ok ?
– D’accord, maman, merci !
La commerçante quitta cette fois la cuisine et s’en fut avec son sac à main.
Abèni, se donnant acharnement à ses devoirs, les finit au bout de quelques minutes. Lorsqu’elle eut fini, elle monta dans sa chambre. Ouvrant sa grosse valise, elle en sortit un miroir. Sur le miroir, elle prononça quelques paroles et tout à coup, à travers le miroir, elle commença à voir la disposition de toute la maison. À travers le miroir, Abèni voyait chambre par chambre de l’immeuble. C’est comme s’il y avait une caméra connectée au miroir et qui lui faisait voir tout de la maison. Le miroir en main, Abèni souriait tout en secouant la tête. Elle continuait de sourire jusqu’au moment où le miroir lui montra une statue, c’est une statue faite par les marabouts. Voyant la statue à travers le miroir, la jeune fille éclata de rire.
– Emmène-moi dans cette chambre, il faut que je parle avec cette statue.
Aussitôt qu’Abèni prononçait cette phrase, elle se retrouva dans la chambre où se trouvait la statue. En toute vérité, la statue ressemblait à la Vierge Marie mais ce n’était pas elle ; non et non.
Debout devant la statue, elle ricana pendant quelques secondes.
– Bonjour, comment vas-tu ? dit-elle à l’adresse de la statue.
– Oui, sois la bienvenue dans notre clan ! répondit la statue.
– Merci ! Je suis venue pour accomplir des missions ! Le sais-tu ?
– Oui, je le savais depuis ta première visite dans cette maison.
– Super ! Alors, tu vas m’aider dans ma mission ? Tu sais bien que nous sommes de la même origine !
– Bien sûr et je promets de te secourir avec plaisir ! En quoi veux-tu que je t’aide !
– Merci ! Dis-moi, n’y a-t-il pas des agents avec qui œuvrer dans la maison à part toi ?
– Si, qu’il y en a ! Il y a par exemple Minou, leur chat. En dehors de Minou, il y a aussi une poupée dans la maison que nous pouvons transformer en notre outil de travail.
– Merci ! Où se trouve alors la poupée ?
– Elle est au salon, sur la télévision.
– D’accord, merci ! Tu connais mieux la maison que moi. Je suis nouvelle et tu le sais. Alors, peux-tu me parler des membres de la maison ?
– Avec plaisir, répondit la statue. Pour commencer, ils ne sont pas de bonne entente dans la maison dans le domaine religieux. En dehors du père qui est venu me chercher pour la protection de la maison, la mère et tous les enfants sont tous de l’église catholique. Mais il y a une exception ! Parmi les trois filles de la famille, il y a une qui est têtue ; c’est la plus petite. Elle est la seule qui ne fréquente pas la même église que la mère et ses sœurs. Tous les dimanches, tout le monde s’habille pour aller prier mais la plus petite dont je te parle n’y va pas.
– Reste-t-elle à la maison ?
– Non, elle a une copine qui vient la chercher tous les dimanches pour l’emmener dans son église.
– Vraiment ? Quel genre d’église ?
– Oh, c’est une église de feu ! C’est une église très puissante ! Là, règne le feu du Saint-Esprit, c’est là qu’elle va avec la copine.
– Et ses parents la laissent s’en aller ?
– Je t’avais pourtant dit tout à l’heure que c’est une fille très têtue ! C’est une fille qui est née avec un grand entêtement. C’est ce que tout le monde accepte parfois dans la maison qu’elle autre refuse. Moins-un, on m’aurait déjà détrônée de cette maison à cause d’elle parce qu’elle a dit que je suis une idole et qu’il n’est pas admissible d’adorer ou de louer une idole. Si tu m’as vue encore présente dans cette maison, c’est parce que j’ai endormi l’esprit de tout le monde. Plusieurs fois j’ai essayé de lui montrer ma vraie face mais jamais, je ne suis arrivée. Sa puissance est si puissante que je ne sais d’où est-ce leur pasteur est allé trouver cela. Si tu veux donc vraiment aller jusqu’au bout de ta mission, tu devras faire très attention avec cette fille en question.
Un silence s’installa et demeura pendant quelques secondes avant de s’évanouir.
– Comment s’appelle cette fille ? questionna Abèni.
– Sarah !
– Sarah ! Elle est donc la plus terrible de la maison !
– Bien sûr ! La plus capricieuse. Tu le constateras très bientôt ! C’est d’ailleurs une fille très réticente. Elle ne s’agite pas comme les autres. Je te donne ses paramètres afin que tu saches les techniques à adopter pour l’avoir. Même ses propres parents ont le plus peur d’elle…
– Quoi ?
– C’est la vérité ! Tu peux t’amuser avec son frère et toutes ses sœurs mais attention, ne t’approche pas d’elle violemment.
Un autre silence s’installa et régna pendant quelques minutes.
– D’accord, merci pour tous ces détails ! Toi et moi, nous pouvons œuvrer ensemble n’est-ce pas ?
– Avec plaisir !
– Merci ! Maintenant, il faut que j’aille voir ce Minou et m’entretenir avec lui.
– Parfait ! Il reste le plus souvent au salon.
– Merci ! À tout à l’heure.
Comme le vent, Abèni disparut de la chambre où était debout la statue de la Vierge Marie, cette statue avec qui elle venait de parler à longueur de minutes.
La voilà enfin face à face avec le chat au pelage noir de la maison.
– Bonjour Minou, ça va ?
– Pas du tout ! Parce que j’ai trop faim.
– Oh là là ! Vas-tu manger la pâte avec la sauce et du poisson ?
– Oui, j’en veux !
– D’accord, à la fin de notre entretien, je t’en servirai…
– Non, il faut que je mange d’abord ! J’ai trop faim.
Abèni, à genoux devant son interlocuteur, l’observait incessamment. Elle haussa les épaules et se mit debout.
– Dans ce cas, suis-moi à la cuisine.
Abèni, se dirigeant vers les escaliers, Minou se mit à sa suite. Ils marchèrent jusqu’à arriver dans la cuisine où la nouvelle domestique servit la pâte dans une petite assiette et y ajouta la sauce et du poisson.
– Maintenant, mange vite, nous avons de choses sérieuses à se dire.
– Il n’y a pas de souci ! Accorde-moi quelques secondes.
Minou, rapprochant sa tête tout près du repas, commença à le manger.
