Bibliothèque
Français
Chapitres
Paramètres

Chapitre 5: MA MEILLEURE AMIE

Il y a des silences qui pèsent. Et d’autres qui apaisent.

Celui-là, entre nous, au début du trajet, était un mélange des deux.

On roulait depuis une trentaine de minutes, la radio en fond, les vitres entrouvertes. Emma regardait le paysage défiler sans dire un mot, le menton posé sur sa main. Moi, je jetais des coups d’œil furtifs, juste pour être sûr qu’elle allait bien.

Pas de cris. Pas de questions. Pas de décisions. Juste un week-end hors du monde.

Elle avait dit : “J’ai besoin d’un break. Mais avec toi.”

Et moi, j’avais répondu : “Alors on part.”

Ce n’était pas une fuite. Pas vraiment. C’était plus… une pause. Une parenthèse dans une vie trop pleine de virgules mal placées.

Ce week-end, c’était elle et moi. Comme avant.

Mais avec tout ce qui, désormais, ne se disait plus.

— Promets-moi qu’on n’en parle à personne, avait dit Emma en descendant de la voiture.

— De quoi ?

— De ce week-end. Pas d’Adam. Pas de ton boulot. Pas de nos vies compliquées. Juste toi et moi. Comme avant.

J’avais hoché la tête. Je savais ce qu’elle voulait dire. Elle ne fuyait pas. Elle cherchait un abri. Un endroit où elle n’avait pas besoin de prétendre. Et pendant deux jours, j’allais être cet endroit.

On avait loué un petit chalet au bord d’un lac, à deux heures de la ville. Rien de luxueux. Juste du bois, du silence, et la nature qui respirait à notre place.

La première soirée, on a bu du vin rouge sur la terrasse. Elle portait ce vieux sweat-shirt que je lui avais prêté un hiver et qu’elle n’avait jamais rendu. Elle disait qu’il sentait "le confort". Moi, je savais qu’il sentait nous.

— Tu te souviens quand on a campé dans ton jardin et qu’il a plu toute la nuit ?

— Et qu’on a fini trempés sous la véranda, à manger des chips et parler d’extraterrestres ?

— J’avais jamais autant ri, avait-elle soufflé, le regard perdu dans le noir.

Elle avait reposé son verre et s’était tournée vers moi.

— Tu penses qu’on a changé, toi et moi ?

J’avais réfléchi. Et j’avais dit :

— On a grandi. Mais j’espère qu’on a gardé les meilleurs morceaux.

Elle avait souri, mais ses yeux, eux, restaient flous.

Le lendemain, on est partis marcher autour du lac. Pas besoin de parler. On s’accordait naturellement, comme deux notes d’une même mélodie. Elle prenait des photos, moi je la regardais.

À un moment, elle s’est arrêtée.

— Si je t’avais rencontré aujourd’hui, sans notre passé… tu crois qu’on serait devenus amis ?

Je l’ai regardée. Et j’ai dit la vérité.

— Non.

Elle a levé les sourcils, surprise.

— Pourquoi ?

— Parce qu’aujourd’hui, je serais tombé amoureux de toi au premier regard. Et je crois pas que j’aurais su faire semblant d’être juste ton ami.

Elle n’a rien dit. Elle a juste baissé les yeux. Puis, dans un souffle :

— Et tu crois que j’aurais su faire semblant… moi aussi ?

Le vent s’est levé. Doucement. Mais aucun de nous n’a bougé.

La nuit était tombée doucement, enveloppant le chalet dans une lumière chaude. On avait préparé un dîner simple : pâtes, un peu de vin, des souvenirs.

Elle riait plus qu’à l’habitude. Pas bruyamment. Pas pour faire semblant. Juste assez pour me rappeler ce que j’aimais chez elle : cette façon qu’elle avait de rendre n’importe quelle pièce plus vivante.

— Tu sais ce que je me demande parfois ? a-t-elle lancé entre deux gorgées.

— Quoi ?

— Si on aurait été heureux, toi et moi.

Le silence s’est posé entre nous. Pas lourd. Juste vrai.

— Peut-être qu’on l’a été. Un peu. Par morceaux, ai-je répondu.

Elle a hoché la tête, comme si elle rangeait cette réponse quelque part dans un coin secret.

Plus tard, sur la terrasse, emmitouflée dans un plaid, elle a allumé une cigarette. Ce qu’elle ne faisait plus.

Elle m’a tendu le paquet.

— T’en veux une ? Pour ce soir seulement. Juste pour foutre la paix à nos bonnes résolutions.

J’ai accepté. On a fumé en silence, comme deux vieux amis qui n’avaient plus besoin de parler pour se comprendre.

Puis elle a murmuré, comme si elle parlait au vent :

— Je me sens moi-même ici. Avec toi. Et en même temps, je me sens coupable.

Je l’ai regardée.

— Coupable de quoi ?

— D’être bien, alors que je devrais être ailleurs. Avec lui. Ou du moins… pas ici.

Je n’ai rien dit. Parce qu’au fond, elle savait. Et moi aussi.

Ce soir-là, elle s’est approchée. A posé sa tête contre mon épaule. Et là, dans un souffle si discret que j’aurais pu croire l’avoir rêvé, elle a dit :

— J’ai peur que si je t’aime un jour, ce soit trop tard.

J’ai fermé les yeux.

Parce que j’avais peur que ce soit déjà le cas.

Elle s'était endormie et moi, je suis resté éveillé. À écouter sa respiration. À me demander si ce week-end serait un début… ou une fin.

_*A SUIVRE...*_

Téléchargez l'application maintenant pour recevoir la récompense
Scannez le code QR pour télécharger l'application Hinovel.