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CHAPITRE 16

– Que ronronnes-tu à voix basse là, hein, sale fille ? me cria-t-elle.

Je n’eus point peur de lui avouer ma vérité.

– Tantine, sans vous mentir, je ne pourrai que vous suivre après m’être douchée.

Si seulement je pouvais imaginer d’avance que cette phrase me coûterait chère, je n’oserais point la prononcer. Lorsque les mots de ma phrase rattrapèrent ma tutrice, l’expression de son visage changea et devint dur.

– Quoi ? Ne t’ont-ils pas dit qu’ici, c’est l’obéissance avant réclamation ? m’admonesta-t-elle d’un ton dur et féroce.

Je voulais à peine prononcer quelques mots lorsque tout à coup, je reçus une paire de gifle sur les deux joues.

Tout de suite ? Mon Dieu ! Moi qui suis venue il y a à peine quelques heures, on commence déjà à m’asséner des paires de baffes ? Quelle serait ma vie en deux semaines ; en deux mois ou en un an ? J’étais foutue.

Les joues se mirent à me brûler. Et malgré les joues qui me brûlaient à feu, je fis quand même l’effort de me calmer parce que je n’avais plus outre mesure. J’obtempérai l’exigence de ma nouvelle patronne avec les larmes aux yeux. J’enfourchai mes sandales et montai à bord du véhicule qui s’impatientait à cause de moi. Après une intermittente reverse, la voiture se lança sur la chaussée et...

Au bout de quelques minutes, nous arrivâmes sur les points de vente : une minutieuse superette. Environ quinze minutes après, les clients commençaient à venir un à un. Ma tante que je fus obligée de nommer d’ores et déjà sous le titre Patronne, me servait les repas que j’allais poser sur la table de ses clients.

Ce matin-là, le comportement de ses soi-disant clients me stupéfiait. Lorsque j’arrivais au bord des tables de ces gens-là, d’aucuns me touchaient les fesses ; d’autres me touchaient les seins pendant que d’autres osaient même à se donner du luxe plaisir de me soulever la jupe prétextant voir la couleur du slip que j’avais porté.

Étais-je devenue pour eux une prostituée où chacun devrait s’en profiter ? Jamais ! J’avais le cœur serré ; un cœur qui respirait au gré d’une colère très forte.

Au fond de moi, une colère sourde grondait. J’avais envie de verser les larmes comme j’en avais l’habitude. Mais à quoi était bon de pleurer alors que la solution était bien là ?

Une idée me vint aussitôt à l’esprit : celle de faire du mal à ces imbéciles de soûlards.

Alors pour prendre ma propre vengeance puisque j’avais aussi mes propres droits même si j’étais dorénavant traitée telle une orpheline de père ou de mère ou des deux à la fois, je me mis à injurier tout bas ces imbéciles de clients ; je toisais d’autres comme si je pouvais leur casser la gueule. Ceux qui insistaient malgré ma colère, je cognais leurs mains contre la table.

Quoique fissent ces voyous en ce premier jour, je supportai tout. Ma patronne et moi vendîmes du matin au soir. Nous vendîmes du lever du jour jusqu’au coucher du soleil.

Il sonnait dix-sept heures. Ma tante m’interpella et me tendit une feuille. Sur la feuille, on y lisait quelques traces de stylo bleu : c’était la liste des emplettes à faire. Elle me situa un marché appelé “ marché Arzêkè ”. C’était sûrement le plus grand marché de la ville de Parakou.

Une rage folle semblait brûler mes veines. Sinon, comment est-ce que moi qui suis nouvellement venue et qui suis encore novice dans une telle grande ville pourrais toute seule me rendre dans un tel marché si ce n’était pas de la méchanceté débordante ? Que me voulait cette dame ? Est-ce la mort ? Et si par mégarde je me perdais ? Que dira-t-elle à mes parents ? Ce qui me faisait le plus peur était comment j’allais réussir à revenir de ce marché même si j’arrivais à le parvenir par l’intermédiaire des indications des habitants que je rencontrerais en cours de chemin ?

De toute ma vie durant, seul le Seigneur avait toujours été mon protecteur et qui me sauvait des griffes de l’oiseleur. Il ne m’abandonnait jamais, cet incréé être. Il était mon seul et unique ami. Tant pis aux idiots qui ne croient point en son existence. Moi, j’y crois fermement puisqu’il est toujours avec moi, omnipotent et omniprésent.

Alors, je me confiai à cet être suprême qui ne m’abandonnât jamais malgré tout.

– Gare à toi si tu tardes à revenir ici, me lança ma tante d’une voix menaçante.

Obéissante, je pris le pavé et commençai à suivre les indications que m’avait données cette dame avant mon départ.

Moi qui ai toujours aimé faire du chichi, j’étais dans les rues avec une sale robe tachetée d’huile rouge. J’avais porté un haillon. J’avais honte de moi-même ; de ma nouvelle condition de vie mais bizarrement je n’avais aucun choix. Ma vie était identique à celle d’un esclave. Je ne pouvais rien revendiquer.

J’amorçais ma marche sans ne rien demander à personne. Arrivée à un niveau, j’ai fini par me perdre. Je ne savais plus quoi faire. C’est alors que je finis par demander de secours aux piétons. Je demandais aux passants l’itinéraire qui menait au marché Arzêkè.

Par bonheur et aussi gentils qu’étaient ces gens, j’arrivai à affronter le marché avec grand succès. Le marché était diablement vaste et populeux. Et pour ne pas me perdre à nouveau, je pris la ferme résolution de rester à l’entrée du marché pour faire mes emplettes et repris mon chemin.

Sur le trajet du retour, je ne faisais que demander le chemin menant au quartier Banikanni pour ne plus me perdre une seconde fois. Et puisque Dieu ne m’avait jamais abandonnée ni délaissée, les Princes Kobourou m’indiquaient la voie et au bout d’une heure environ, je revins au restaurant saine et sauve. Cette méchante dame était assise, les pieds croisés l’un sur l’autre.

– Enfin, tu es revenue ? me demanda-t-elle.

Je l’observai et n’eus même pas encore ouvert les lèvres pour y répondre d’un « oui » ou d’un « non » lorsqu’elle continua avec une autre tranche de phrase.

– Tu sais ce que tu vas faire maintenant ? Rentre à la maison et commence à écraser les condiments avant que je ne revienne.

Oh Seigneur ! On dirait que cette femme serait tombée sur la tête quand elle fut encore jouvencelle. Sinon comment un être humain écraserait sur une meule, une bassine de tomates mélangées aux piments, oignons, ails et aux poivres ? Tout le monde pourrait le faire, en tout cas pas moi, jamais de la vie.

Décontenancée, j’écarquillai grand les yeux car, les condiments étaient en espèce. Et de surcroît, je détestais le gaz que dégageaient des oignons. Et, ces oignons que je détestasse à vie étaient de grosses tailles parmi ses maudits condiments que je lui avais ramenés du marché.

– Pourrais-tu me donner la signification de ce regard hostile avec lequel tu me regardes ?

Je ne pipai mot.

– N’est-ce pas à toi que je parle ? Hein ? Pourquoi me regardes-tu de cette façon ? Ou bien tu veux m’avaler ?

Si seulement je disposais effectivement d’une force surnaturelle pouvant me permettre à avaler cette diablesse, je le ferais sans attendre qu’elle me le demandât en amont.

– Mais madame, je ne ...

Ouf ! Je me souvins que cette dame m’avait déjà interdit le matin de ne plus l’appeler sous ce nom de « madame » et je me tus subitement. Certes, c’en fut déjà trop tard !

Sans pitié, cette dame me fit signe de la main de l’approcher. N’ayant aucun choix, je m’approchai d’elle. Elle me saisit les oreilles ; me les pinça et me les tira fort. Elle les lâcha et les reprit encore de plus belle. Cette fois, elle me les pinça pendant un bon moment avant de me les lâcher. Pendant ce temps, je tordais d’affreuses douleurs.

Après me les avoir lâchées, vu combien elles me brûlaient, je les touchai et à ma grande stupéfaction, mon oreille gauche saignait. Je fus emportée par un grand courroux et fixai ma tante du regard. Il me plut de lui manquer du respect mais je gardai mon calme sinon, je risquerais encore plus gros.

« Calme-toi et sache que ta souffrance ne sera jamais éternelle même si elle doit prendre un peu du temps » me chuchota une voix.

Et comment traduirait-on d’abord cette attitude si j’osais lui articuler une expression chiante ? Ne serait-ce pas de l’impolitesse ?

Ma vie, elle n’est tourmentée que d’affres.

Sur ce, je gardai ma quiétude puis ensemble, nous prîmes le chemin du retour de la maison. Ma tante était devant pendant que moi j’étais derrière, à sa suite telle une poussine suivant sa mère. Sur ma tête, était posée une lourde bassine dans laquelle étaient rassemblés des assiettes desquelles avaient mangé les clients ainsi que les condiments que j’avais achetés du marché. Une fraction de minute plus tard, je finissais à avoir mal au cou. Cette méchante femme marchait sans arrêt avec son petit sac à main ; ce sac qui ne contenait que des liasses de billets et quelques pièces de monnaie. J’avais envie de me révolter ; mais contre qui ? Contre la dame ? M’avait-elle demandé d’aller goûter à quelque chose pour être envoyée chez elle ? Le mieux, c’était de me taire.

À la maison, ses trois filles apprenaient. Toutes assises, elles faisaient face à un tableau plaqué contre le mur. À leur compagnie, se tenait debout un monsieur qui leur expliquait quelques structures en anglais.

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