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CHAPITRE 14

De midi à cette heure, j’étais encore dans cette corde. Personne n’était venu me détacher. J’étais là avec mes douleurs et ma respiration qui ne cessait de rater quelquefois lorsqu’il me manquait d’air.

Triste, j’essayai de jeter une autre fois mes regards à l’adresse de mes parents qui mangeaient et buvaient à la table qui se tenait à quelques pas de l’armoire sur laquelle étaient posées la télévision et la radio. Un laps de temps après, des étoiles commencèrent par passer l’une après l’autre au-dessus de mes paupières.

Tout à coup, je perdis la clairière. L’obscurité m’envahit ; elle se saisit de la lumière qui me permettait tout au moins de voir ce que faisaient mes deux oncles qui s’étaient ajouté à mes parents après s’être pris congés de moi. Toute la pièce s’assombrit et je ne voyais plus rien.

– Oh Seigneur ! criai-je.

Je poussai ce cri de détresse croyant que mes parents me détacheraient de leur maudite corde or, je me trompais allègrement.

Pour moi, je croyais qu’ils n’avaient peut-être pas entendu le premier cri que j’avais poussé et je poussai un autre qui était encore plus fort que le premier mais, hélas ! Personne n’était venu à mon secours.

Soudain, toujours en possession de cette obscurité absconse et indescriptible, j’entendis une voix murmurer : « Détachons-la maintenant ».

Et dans le même instant, j’entendis encore une autre voix en contredire tout en disant : « Non, laissons-la dedans jusqu’à la tombée de la nuit, comme ça elle comprendra que la vie n’est pas ce qu’elle croit ».

Mais de qui était cette méchante voix ? Elle n’était ni celle de mon père ni celle de ma mère. Elle ne serait alors que celle de mon oncle méchant qui me traitait comme si j’étais orpheline de père et de mère.

C’était en ce jour que je compris que la vie n’était non seulement qu’une simple affliction mais aussi d’une très grande merde.

Tout à coup, je sentis deux mains me papoter le corps. Étaient-ce deux personnes qui m’étaient venu au secours ? Si oui, alors qui étaient-ce ? Et d’ailleurs, je ne voulais même pas en savoir. Le crucial, c’était qu’on me détachât de cette corde qui me faisait énormément souffrir.

Je compris après tout que c’était une seule personne qui me détachait les cordes lorsqu’il me chuchota : « Calme-toi ma chérie ».

De pure merde ! Est-ce après m’avoir traitée telle une pécheresse qu’on me demandera de me calmer ? Ce dernier était sûrement tombé sur la tête.

Pendant que celui-ci me détachait les putains de cordes, je me tordais encore plus de douleur. Lorsqu’il eut fini de me les détacher, je ne me retins plus dans le séjour bien que je ne voyais rien. Je me mis à marcher à quatre pattes tel un bébé qui apprenait à se déplacer. J’allais à quatre pattes parce que j’étais déséquilibrée. Aucune de mes jambes n’était plus solide à me retenir en équilibre.

J’allai à quatre pattes jusqu’à ma descente dans ma chambre. J’entendais mes parents rire aux éclats. Sûrement, ils se moquaient de ma nouvelle locomotion. J’étais en colère et malgré ma colère, j’ai tout fait pour atterrir ma chambre.

Arrivée dans ma chambre, je pris mon temps à verser toutes les larmes de mon âme. Je regrettais avec amertume mon acte. À chaque fois que je gardais mes yeux fermés, je me revoyais dans ce passé qui, jamais, ne pouvait plus se priver ni s’effacer de mes archives. Oui, jamais ça ne s’effacera de ma mémoire même si je devrais perdre un jour cette mémoire.

Après m’être bien reposée mais toujours en pleurant, la lumière finit par s’apparaître.

C’est ainsi que je vis apparaître ma sœur avec un bol à la main. Je ne la remarquai pas aussitôt que lorsque je l’entendis dire : « Grâce, voici ton repas ».

Diantre ! Sur le coup, j’eus envie de la déchirer en deux mais à quoi était bon ? Mieux valait laisser la pécheresse avoir la vie éternelle afin qu’il puisse continuer dans ses actes que de lui vouloir la mort. Je l’ignorai malgré sa compassion qui était apparente sur son regard et je fis face au mur.

***

Le lendemain était jeudi et je devrais normalement me rendre à l’école comme d’habitude. Mais à défaut de mon état de santé, je ne pouvais pas m’y rendre. Non seulement j’avais tout le corps qui était bourré de plaies, mais aussi j’avais la migraine, une migraine ophtalmique. Je passai cependant toute la journée à la maison à l’abri des soins.

À la tombée de la nuit, bien que je souffrisse encore de quelques douleurs, mon père m’approcha dans ma chambre et de la porte, me lança :

– Grâce, sais-tu que demain tu voyages ?

Mon cœur tiqua de peur et je ne le regardai pas.

– Donc tu as intérêt à faire ta valise cette nuit parce que demain, tu quittes Porto-Novo. Il faut que je mette fin à tes sottises et à tous ces désordres.

Encore un voyage ? Je ne pouvais pas y croire. Allais-je abandonner les bancs pour ce voyage ? C’était incroyable !

N’irai-je donc plus à l’examen ? Où voulait-il m’envoyer au juste ? Pourquoi donc devrais-je être envoyée ailleurs alors que j’avais un examen en cours ? Est-ce toujours à cause de ce petit acte que j’ai posé ?

Ben, ça pouvait être du mensonge. Le mieux serait d’attendre le lendemain pour voir si mon père était sérieux ou pas.

Pour éviter la colère de mon père, je fis ma valise en conséquence. Cette nuit-là, j’étais la plus triste et la plus malheureuse de la maison à part Brigitte, ma sœur qui était en train de faire la maligne d’être désolée. C’était à la télé et dans les romans que je voyais les gens parler de la nuit blanche. C’est ce soir-là que je compris que quand le cerveau est embrouillé, il n’y a jamais de sommeil. Cette nuit-là, j’avais aussi fait ma première expérience de nuit blanche.

***

Le lendemain très tôt le matin, je fus conduite à la gare routière. Mon père, après quelques minutes d’entretien avec le chauffeur, vint me chuchoter à l’oreille « bon voyage ».

À son vœu, devrais-je lui répondre ? Je crois non. Mais puisqu’il est le demi-maître de ma vie, je lui répondis « merci papa ».

Jusque-là, je ne croyais pas encore à mes yeux. Je me disais que mon père tentait à me flatter.

Au bout de quelques minutes, le bus démarra. Jusque-là, même si le voyage était effectif et réel, je ne savais pas encore où j’allais précisément.

Le véhicule finit par décoller. Des heures passaient mais le wagon ne s’arrêtait pas. Il allait sans arrêt. Je me demandais où est-ce qu’on allait au juste. Les autres passagers ne se souciaient de rien. D’autres dormaient pendant que d’autres avaient des écouteurs branchés dans leurs oreilles. Dans le wagon, je me posais mille et une questions. Celles de savoir si mes études étaient réellement terminées comme ça ? N’irai-je donc plus à l’examen ? Où est-ce que ce train m’emmenait au moment où mes autres amis étaient à l’école ?

Décollés de la gare de Cotonou à sept heures pile le matin, nous arrivâmes à une gare dont je ne connaissais point le nom à vingt heures.

Lorsque le train coupa le moteur, les passagers commencèrent par descendre un à un. Je profitai du sillage pour descendre aussi du bus. C’était après ma descente que je lus sur une grande plaque : BIENVENUE À PARAKOU.

Eh oui ! J’étais à présent à Parakou, la ville dans laquelle ma copine Vanessa avait passé ses Holidays.

Parakou, elle était vraiment une ville comme l’avait dit Vanessa. C’était effectivement une ville plus belle et plus esthétique que la mienne, la capitale. Mais suffisait-il que je passe juste quelques minutes pour commencer à apprécier un lieu que je n’avais jamais eu la chance de fréquenter ? C’est alors que j’aperçus une dame m’approcher. Je ne la calculai pas au commencement parce que je ne la reconnaissais pas. Lorsqu’elle vint à ma hauteur, elle me scruta et me dit :

– N’est-ce pas toi Grâce VODOUNON ?

Je pris peur et ne répondis pas en même temps.

Mais qui était-ce ?

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