Chapitre 5
Il sonnait treize heures quand Anicette fit son retour de chez la femme du pasteur. Son époux, assis dans le divan au salon, avait l’air pensif.
– Bonsoir papa Inès, fit la nouvelle venue.
– Oui, bonne arrivée, ma tendre épouse.
– Merci ! Alors, as-tu pu le convaincre ?
– Désolé, il a été typique ! Il n’a pas changé de décision.
– Mais c’est touchant !
– Sincèrement !
La nouvelle venue, se laissant choir à même le divan, poussa un long soupir.
– La pauvre, elle n’arrête de pleurer.
– C’est vraiment touchant, répondit l’homme. Qu’est-ce que je n’ai pas dit à ce monsieur ? J’ai presque dit tout ce qu’il fallait pour qu’il change de décision mais malheureusement, il n’a pas changé.
Après cette dernière parole, tout le couple resta silencieux et ne se dit point mot. La petite Inès, assise à même le sol avec sa poupée, faisait amuser le bébé.
La femme, tournant son regard à l’adresse de son époux, lui demanda s’il a déjà mangé quelque chose.
– J’ai la nausée ! Je n’ai même pas envie de manger.
– De même que moi, répondit la tisserande.
– Et d’ailleurs, c’est nous qui nous plaignons ! Peut-être que tout ceci vient du plan de Dieu ! Le mieux, c’est d’encourager la jeune femme à arrêter de pleurer !
– C’est aussi vrai ! renchérit maman Inès en se levant d’un coup.
Elle se dirigea vers la cour, allant chercher un seau.
– Il faut que je fasse rapidement un petit repas avant de revenir à ma machine, dit-elle à l’adresse de son époux.
Ce dernier, comme s’il était de corps présent et d’esprit ailleurs, ne répondit mot.
***
Trois jours plus tard.
Il sonnait midi quand le téléphone d’Anicette sonna. Elle était à sa machine, travaillant car, femme battante que soit-elle, elle n’aime jamais rester à l’écart de sa machine tant que ses clients lui ont confié des commandes.
– Inès ! appela-t-elle depuis son lieu de travail, va me chercher mon téléphone sur la table.
La petite fille, courant vers la table, alla et s’empara de l’appareil qui sonnait sans cesse. Visualisant l’écran, elle sourit et décrocha.
– Allô, madame pasteur ?
– Oui, maman Inès, bonsoir ! Comment vas-tu ?
– Je vais bien, merci ! Et le moral ?
– Ça va beaucoup mieux par la grâce du Seigneur. En fait, j’ai fini par appeler mes parents. Comme tu le sais, quelle qu’en soit la colère de nos parents à notre égard, il y a toujours un terrain d’entente.
– Absolument !
– Donc j’ai appelé ma mère et lui ai parlé de la situation parce qu’elle n’est que la première personne de la famille que je peux contacter. Ça l’a beaucoup touchée si bien qu’elle a aussi pleuré. Elle a ensuite promis d’en parler à mon père. Tout à l’heure, j’ai reçu l’appel de mon père. Après m’avoir longuement rappelé le passé, il m’a demandé de lui accorder sa liberté…
– Excuse-moi ! À qui veux-tu accorder la liberté ?
– Philippe ! N’est-ce pas la liberté qu’il réclame en me demandant le divorce ?
– Ah oui, je vois plus clair !
– Donc mon père m’a dit de lui dire de rédiger le contrat de divorce et d’aller le déposer auprès du tribunal. Ensuite, il a promis de m’engager un avocat qui sera témoin de la signature de l’engagement du divorce.
– D’accord, je t’ai écoutée ! Mais c’est vraiment triste !
– On ne peut rien !
– Et qu’en serait-il du partage des biens ?
– Mon père a dit de lui laisser presque tout et de revenir auprès de lui.
– Hum ?
– Oui ! Je vais lui laisser presque tout !
– D’accord, Dieu va te réconforter !
– Amen ! C’est la nouvelle que je voulais partager avec toi.
– Merci pour l’estime !
– Je t’en prie ! Partage la nouvelle avec ton mari et dis-lui merci pour tout le soutien !
– Je n’y manquerai pas !
– Et toi aussi, merci infiniment !
– Oh, c’est un plaisir de te venir au secours.
– Bien, on garde le contact ! Je te tiendrai informée de la signature du contrat et de mon délogement.
– Je serai à l’écoute !
– Merci, à très bientôt ! Bien de choses à la famille !
– Je n’y manquerai pas.
Sur ces dernières formules, la correspondante de la tisserande raccrocha.
Au lieu de continuer son devoir, la jeune femme prit une pause et, fixant le ciel, secoua la tête avant d’attraper de nouveau son métier à tisser. Elle continua son travail quand une voix venant des meubles lui demanda qui était-ce.
– C’est la femme du pasteur. Ses parents lui ont demandé de céder la liberté et de revenir à la maison.
– C’est la seule chose qu’elle puisse faire pour avoir la paix avec son âme.
– Mais c’est vraiment chiant ! Chiant que ce soit un homme de Dieu qui soit en train de se comporter de la sorte. Ainsi, quel exemple nous sert-il ? Bon, chacun est libre après tout de faire ce qu’il veut de sa vie.
Jean, reprenant son magazine en main, continua le feuilletage. Son épouse, quant à elle, continua elle aussi, son œuvre.
***
Exactement trois mois qu’Audrey, ayant signé devant son avocat et celui de son mari, le contrat de divorce, a rejoint la grande maison que son père a construite au cœur de la capitale du Bénin.
Reprenant son poste de travail, elle travaillait et gagnait dorénavant son salaire tous les mois.
Ce matin-là, elle était devant son ordinateur portable quand son téléphone portable s’est mis à sonner. Le saisissant, elle décrocha l’appel.
– Oui, ma chère, comment vas-tu ?
– Je vais bien, sœur Audrey, et de ton côté, j’espère que ça va !
– Oui, ça va très bien, merci ! Excusez-moi, j’ai une petite, non, une grande doléance à te demander. Tu vas beaucoup m’excuser. La vie, parfois, nous impose à faire certaines choses dont nous n’avons jamais rêvé de faire tout au long de notre vie.
– Je t’écoute, sœur Anicette !
– C’est mon accouchement ! Je suis déjà proche du neuvième mois et malheureusement, je n’ai encore rien acheté pour mon futur bébé à défaut des moyens.
– Oh, je comprends ta peine ! Dis, tonton Jean ne va plus au boulot ?
– C’est un peu compliqué ! Tout ce que je peux répondre, c’est dire que cela fera bientôt quelques mois qu’il a perdu son boulot…
– Mais pourquoi ?
– C’est compliqué ! Depuis cet imprévu, c’est moi seule qui gère le foyer. Et pour ne rien te cacher, mes petites économies n’arrivent pas à couvrir toutes les dépenses qu’il faut pour l’épanouissement du foyer.
– Oh, je vois ! Dans ce cas, je vais intercéder en sa faveur auprès de mon père et voir ce que ça peut donner. Sinon, il y a plusieurs postes ici. Il faut que je me rapproche de lui pour m’assurer que s’il trouve de nouvel employé, il va engager.
– Merci, sœur Audrey ! Aide-nous, s’il te plaît sinon, ça ne va pas.
– Ne t’inquiète pas, tout se passera bien ! En attendant, dis à ton époux de passer me voir au service, je vais lui remettre cinquante mille francs pour l’achat de quelques objets pour votre futur bébé…
– Oh, merci infiniment ! Sois énormément bénie ! Par ce simple geste que tu envisages faire pour notre futur bébé, sois sûre et certaine que mon Seigneur te bénira en te donnant très bientôt un bon époux et en plus de cela, un joli garçon !
– Je reçois cette prière prophétique ! Amen !
Ce furent sur ces dernières paroles que l’appel fut interrompu.
Anicette, après l’interruption de l’appel, se leva de la face de sa machine à tisser et rejoignit son époux dans la chambre à coucher. Excitée de joie, elle s’approcha de lui et d’une voix remplie d’émotions, elle lui dit : « Notre Seigneur a écouté nos cris de détresse ».
Celui-ci, détachant son regard de l’écran de son téléphone, lui prêta toute son attention tout en lui demandant de lui tenir informé de la bonne nouvelle.
– Je viens d’appeler la sœur Audrey ! s’exclama-t-elle, tout sourire.
– Ah oui ? Je t’écoute !
– Elle a promis de nous donner cinquante mille pour la préparation du trousseau de notre bébé à naître…
– Oh, merci Seigneur !
– Et ce n’est pas tout !
– Quoi d’autres !
– Elle a aussi promis d’intercéder en ta faveur auprès de son père pour que tu aies un poste au sein de la société du père.
– Wouah ! Ça me fera vraiment plaisir !
– Oui ! Elle a dit de te demander de passer à son bureau pour prendre les cinquante mille francs !
– D’accord, je vais y aller tout à l’heure !
– Appelle-la et demande-lui à quelle heure tu viendrais !
– Oui, je vais le faire !
Papa Inès, abandonnant ce qu’il faisait sur son téléphone, vint dans le contact électronique de son téléphone et, fouillant le répertoire, sélectionna un numéro qu’il lança aussitôt en appel. Au bout de quelques secondes seulement, on décrocha son appel.
– Oui, allô sœur Audrey, bonjour !
– Oui, bonjour mon cher Jean ! Comment vas-tu ?
– Je vais bien, merci ! Et toi ?
– Oui, ça va ! Alors, ton épouse m’a parlé ! Tu peux passer à quinze heures.
– D’accord, merci et à très bientôt !
Audrey, raccrochant l’appel, se leva et se dirigea directement dans le bureau de son père. Elle poussa la porte et entra dans le bureau sans toquer comme le font les autres employés de la société.
– Bonjour papa, il faut que je te parle !
– Je t’écoute, ma chérie, répondit le père !
– Merci ! L’un de mes amis de très proche est en train de traverser un sale moment et a besoin d’un job pour subvenir à ses besoins ! J’ai besoin de ton assistance, papa !
Le père, baissant la tête avec désolation, l’appela et lui répondit : « Je suis désolé, tous les postes de travail sont déjà occupés ».
– Je sais, papa ! Mais il faut que nous fassions quelque chose pour cet ami en question !
– Écoute, Audrey, je ne peux enlever personne au détriment d’un nouveau ! Ou vas-tu lui céder ta place ?
– Oh, papa, ne fais pas ça ! Il faut que tu fasses quelque chose ! Cet homme est marié et a perdu son emploi il y a quelques mois ! Avec quoi va-t-il survivre avec sa famille s’il ne travaille pas !
– Je suis désolé pour ton sieur en question ! Mais en toute sincérité, il n’est pas venu au meilleur moment, désolé.
Audrey, très choquée, quitta le bureau de son père l’air pensif et confus.
