Chapitre 2
Anicette, de retour à la maison, était pensive. Son époux, l’observant calmement, avait du mal à l’approcher. Inès, tout près d’elle, l’observait aussi.
Jean, après plusieurs minutes de silence, finit par briser ce poids lourd que lui imposait le calme.
– Dis, pourquoi es-tu si triste ? demanda-t-il.
– C’est… C’est le pasteur !
– Le pasteur ? Que lui est-il arrivé !
– Rien ! Il est en train de demander le divorce…
– Quoi ? s’écria Jean en se levant tout à coup. Mais pourquoi ?
– Aucune idée !
– Mais comment ? Qui t’en a parlé ?
– Audrey, son épouse !
– Et pourquoi ?
– Il prétexte qu’Audrey ne lui fait pas d’enfants…
– Mais c’est absurde ! interloqua Jean.
Sur ce, il se mit à marcher dans le salon.
– Quelle est cette histoire ! Quelle est cette histoire sans tête ni sans queue ! Comment un homme de Dieu pourrait agir de la sorte ! Comment ? Mais c’est absurde !
Jean, oubliant sa situation, se souciait du cas présent.
– Oh, la pauvre Audrey ! Que ferait-elle !
– Elle est en train de pleurer seulement…
– C’est normal ! Comment peut-on faire une chose aussi stupide ! Et de comble, un serviteur de Dieu. Quel exemple donne-t-il à ses fidèles !
Papa Inès allait et revenait. Il marchait dans le salon sans but.
– Il faut que je voie ce monsieur…
– Non, s’il te plaît, ne fais pas ça ! Audrey a refusé qu’on le voie…
– Non mais il a besoin de la morale !
– Non, attendons un peu ! Seule Audrey sait pourquoi elle ne voudrait pas que nous l’abordions maintenant ! Respectons sa décision.
– Dans ce cas, il faut que j’appelle Audrey ! Il faut que je lui parle. Elle a besoin du soutien actuellement.
– Absolument ! Elle est sous l’effet d’une grande dépression…
– C’est normal ! Comment on peut se lever d’un coup et demander le divorce ! Ou y a-t-il longtemps qu’il demandait le divorce ?
– Non, c’est hier nuit qu’il en a demandé…
– Hier nuit ? Oh, c’est vraiment pathétique !
– Et de comble, il n’a pas passé la nuit à la maison d’hier à aujourd’hui…
– Ce n’est pas vrai ! Et tu prétends de ne pas l’affronter ?
– Écoute, chéri, cette interdiction ne vient pas de moi, mais plutôt d’Audrey ! Respectons sa décision, s’il te plaît.
– D’accord, je comprends ! Dans ce cas, au lieu de l’appeler, je vais plutôt aller la voir.
– C’est bien ! Sinon, elle a actuellement besoin de notre soutien moral.
Jean se dirigea dans la chambre à coucher et attrapa dans sa garde-robe, son pardessus et ressortit immédiatement de la chambre.
– Dis-moi, ma chère épouse, y a-t-il quelque chose pour ce soir ?
– Si, je vais me débrouiller !
– D’accord ! J’ai un peu d’économies sur mon compte bancaire mais actuellement, la banque aurait déjà fermé ses portes.
– Ne t’inquiète pas, mon cher époux ! Nous trouverons de quoi manger pour ce soir.
– Merci, débrouille-toi, en attendant que j’aille retirer ce que j’ai sur mon compte au lever du jour.
– D’accord.
Ce furent sur ces phrases que le couple se sépara.
Anicette, sans plus attendre, prit sa fille par le poignet de la main droite.
– Allons faire la cuisine, ma chérie, dit-elle à la petite qui ne manqua de se laisser aller.
Mère et fille se dirigèrent vers la basse-cour. Saisissant la popote, la tisserande commença à la remplir de charbons. Attrapant la boîte d’allumettes et un plastique cassé qui ne servait plus à rien, elle activa le feu et l’abandonna.
***
Assise dans le divan, la prénommée Audrey, tête basse, n’arrêtait de couler d’abondantes larmes. Elle pleurait comme une fillette à qui on avait arraché un jouet très précieux. De ses orbites, coulaient sans faille, de redoutables larmes. Dos collé contre le dossier du meuble, elle se plongeait dans des souvenirs très lointains ; des souvenirs datant une décennie et plusieurs années naissaient. À la suite de ces souvenirs, des larmes lui coulaient.
La jeune femme pleurait encore quand quelqu’un toqua à la porte. Très rapidement, elle se saisit d’un torchon et se nettoya tout le visage.
– Entrez s’il vous plaît, dit-elle d’une voix triste.
L’étranger pénétra dans le salon et, s’arrêtant au seuil, salua la maisonnée.
– Oui, bonne arrivée, tonton Jean, comment vas-tu ?
– Je vais bien, sœur Audrey ! Puis-je m’asseoir s’il te plaît ?
– Avec plaisir !
Le nouveau venu, avançant les pas vers la malheureuse, s’installa à même l’un des divans.
– Mon épouse m’a parlé, mais elle n’est pas entrée dans les détails. Avant tout, laisse-moi te dire que je suis très désolé pour toi de cette situation que tu traverses actuellement. Sinon, peux-tu m’en parler s’il te plaît ?
La malheureuse, devant son étranger, n’eut aucune honte à déverser des larmes. Elle pleurait pendant que son compagnon lui demandait de se calmer et de lui faire part de sa situation.
– Mon cher Jean, commença-t-elle, je me demande parfois pourquoi la vie est souvent injuste envers les bonnes personnes. Je ne veux pas dire que je suis une bonne personne mais en tout, j’essaie d’être juste devant Dieu et une bonne personne envers mes semblables. Depuis mon jeune âge, j’ai la compassion pour mes proches. Si bien que, quand quelqu’un est malheureux à côté de moi, je me sacrifie pour donner du sourire aux lèvres à ce dernier.
Il y a dix-sept ans que j’ai connu Philippe sur le campus. Il était un pauvre étudiant. Après les cours, il manquait même de quoi manger. Et puisque je suis du genre à promouvoir la joie autour de moi, j’ai commencé par partager mes repas et mon petit-déjeuner avec lui. Disons que toutes les fois que mes parents m’envoyaient de l’argent pour mon ravitaillement, je divisais en deux ce ravitaillement et je lui remettais une partie. Le reste de l’argent, je le partageais avec lui. Parfois, l’argent ne suffisait pas et j’en demandais encore à mes parents. Et puisque mon père et ma mère étaient très riches dans le temps, cela ne leur disait absolument rien de m’envoyer autant d’argent que je désirais. Je suis restée comme ça avec Philippe pendant trois années. En ce moment, nous n’étions amoureux ni de l’un ni de l’autre. Je ne sais pas, si lui, était tombé amoureux de moi mais moi, non ! Parce que je n’aime aider et attendre quelque chose en retour. Je me rappelle encore de ce fameux jour où il m’a fait des avances. Je me rappelle encore de ce jour où il m’a dit qu’il m’aimait et qu’il estimait fonder son foyer avec moi. La première des choses que je lui ai demandées dans le temps est ceci : « Est-ce parce que je t’ai apporté mon assistance que tu envisages me prendre comme épouse ? ». Philippe m’a dit non, qu’il était tombé amoureux de moi et sans moi, sa vie n’aurait aucun sens. J’ai répondu "d’accord". Et puisque c’était un jeune homme que j’avais beaucoup fréquenté, j’ai trouvé qu’il allait m’accorder tout l’amour que je désirais. Mes parents m’ont fait naître dans une église évangélique. J’ai dit à Philippe que s’il voulait vraiment de moi, il allait recevoir le salut parce qu’il était païen. Il n’a pas refusé et c’est comme ça je l’ai emmené voir mon pasteur. Le pasteur a prié pour lui et lui a révélé que le Seigneur voulait l’utiliser pour la gloire de son nom. Philippe n’a pas contesté. Et moi, après mes études universitaires, mon père m’a engagée au sein de son entreprise où je gagnais paisiblement ma vie. Mon salaire mensuel était de cent cinquante mille francs le mois. Petit à petit, j’ai commencé par faire de petites économies. Philippe, à l’époque, avait accepté de me suivre jusqu’à ma ville natale. Au début, je l’ai mis à côté d’un cousin et dès que j’ai commencé par toucher à mon salaire, je lui ai loué un appartement dont je payais le loyer tous les mois. Je désirais qu’il travaille au sein de l’entreprise de mon père mais malheureusement, ses études sur le campus ne permettaient pas qu’il ait une place au sein de l’entreprise de mon père.
Prenant une pause, la jeune femme se fondit en larmes.
– Je t’écoute, sœur Audrey.
– Parce que l’amour m’a aveuglée, je faisais beaucoup de choses à Philippe. Je lui achetais des vêtements. J’avais meublé son salon d’une télévision écran plasma. Tous les mois, je payais ses factures d’eau et d’électricité. Un jour, je lui ai dit qu’on allait pas tout le temps mener une relation amoureuse clandestine. Alors, j’ai établi un programme avec lui et l’ai emmené voir mes parents dont mon père en l’occurrence. Mon père nous avait bien reçus parce que je suis sa fille et son enfant unique. J’ai présenté Philippe à mon père et mon père a été contre notre relation parce que Philippe ne faisait rien dans la société. Mon père a dit Philippe qu’il voulait un homme financièrement stable pour sa fille. Je me suis agenouillée ce jour-là pour demander à mon père d’accepter qu’on soit uni comme mari et femme. Mon père a insisté et je me suis levée ce jour avec des larmes. J’ai demandé à Philippe de rentrer et que j’allais en parler avec ma mère. Ce jour-là, j’ai senti de la tristesse dans ses actions. Le même jour, je me suis approchée de ma mère et ai évoqué la situation. Ma mère a dit qu’avant qu’elle ne dise quoi que ce soit, elle devrait d’abord voir Philippe. Le lendemain, j’ai manqué d’aller au service pour présenter Philippe à ma mère. Ma mère, tout sourire, nous a reçus et a bien parlé avec nous. Après le départ de Philippe, ma mère m’a dit que mon bonheur ne se trouve pas dans la vie de Philippe. Immédiatement, j’ai trouvé que ma mère s’était servie de ce prétexte pour m’emmener à me résilier de Philippe. J’ai dit à ma mère que cet homme était celui que désirait mon cœur. Ma mère a insisté en disant : « Cet homme, tu vas te sacrifier pour lui mais au finish, il va te répudier ».
La jeune femme se fondit de nouveau en larmes.
Jean, assis à sa place, secouait incessamment la tête tout en écoutant attentivement le récit de sa compagne.
– Je me suis sacrifiée pour cet homme, continua la narratrice. Je me rappelle de ce jour où je lui ai demandé ce qu’il estimait faire dans la vie et il m’a dit qu’il songeait fonder son propre ministère. Je lui ai demandé s’il était déjà en mesure de le faire et il m’a répondu oui. Il m’a dit que la seule chose qu’il lui manquait, c’était l’onction. Je suis allée voir notre pasteur et lui en ai parlé. Mon pasteur, par le respect que je lui accorde, a accepté de le oindre mais voulait voir d’abord la construction du temple de Dieu. Frère Jean, laisse-moi te dire que j’ai sacrifié ma vie pour donner une vie heureuse à cet homme.
– Vraiment ?
– Je suis devant Dieu. J’ai vidé tout mon compte bancaire pour lui faire acquérir une parcelle. L’argent n’a pas suffit et je suis allée voir la secrétaire de mon père en cachette pour faire un prêt de six millions. J’ai travaillé pendant dix huit mois sans percevoir pour payer cette dette. J’ai fait tout ça et un jour, avec des larmes, je suis allée voir mon père pour lui demander de nous accorder sa bénédiction pour que nous nous mariions. Puisque je pleurais et que mon père n’aime pas me voir pleurer, il accordé son dernier mot et nous avons fait le mariage légal. Il y a dix ans que nous nous sommes mis ensemble. Tous les jours, je m’accuse pour ma stérilité. Je lui dis toujours de ne pas s’inquiéter et qu’un jour, on aura notre premier fils. Lui aussi me dit qu’il n’est pas trop pressé et qu’il espère ce beau jour. Il y six jours, il a abandonné son téléphone sur le lit pour aller se doucher et par à coup, le téléphone s’est mis à sonner. Voulant lui faire du plaisir, j’ai pris le téléphone, dans l’espoir de le lui amener quand, lorsque j’ai regardé sur l’écran, moins-un j’allais tomber évanouir.
– Et pourquoi ?
– Parce que sur l’écran, il était écrit : "Mon cœur". Dis-moi, frère Jean, quelle serait ta réaction si tu voyais une telle écriture à l’écran du téléphone de ton épouse ? Puisque, nous sommes tous sentimentaux ! Quelle serait ta réaction en voyant une telle chose sur l’écran du téléphone de ton épouse alors que ce n’est pas toi-même qui appelles ?
À cette question, Jean baissa la tête tout en la secouant sans cesse.
Audrey, de nouveau, s’explosa en larmes.
