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-Tu cours vers les problèmes. Je peux t’aider…mais il va falloir que tu me parles Béryl. Je ne peux pas t’aider sans informations. Tu es recherchée depuis ta disparition. Tu es partie avec l’enfant et tu reviens sans lui. Comment vas-tu justifier sa mort ?
-Je ne suis pas venue justifier la mort de mon fils, Mauricio. Je suis venue réclamer que justice soit faite. Je n’ai pas d’espoir quant à ma survie. Je n’espère pas sortir vivante de cette histoire. J’ai perdu mes enfants et donc ma raison de vivre. Je sais que dès que j’ouvrirai la bouche, il
cherchera à me supprimer. Il voudra m’empêcher de
raconter mon histoire.
-Floris ? Hoqueta Mauricio. Pourquoi chercherait-il à te tuer ?
-C’est compliqué.
-On tourne autour du pot merde ! Explosa-t-il. Comment peux-tu me regarder en face et me dire que c’est compliqué ? Tu es logée dans ma maison donc je mérite d’être mis au courant de ce qui se passe.
-Pourquoi ? Afin que tu puisses jubiler ? Je suis certaine que tu as dû te dire au cours des années précédentes que j’ai mérité mon sort. Si je t’avais épousé…si j’avais été fidèle à
mes engagements…Si je t’avais choisi, je n’aurais pas
traversé tous ces malheurs consécutifs.
Mauricio vida d’une traite le contenu de sa tasse et se leva. Il contourna la table et s’approcha de moi. Il tira la chaise qui se trouvait près de moi et prit place.
-Peux-tu me faire face s’il te plaît ?
Quelqu’un d’extérieur qui écoute la conversation penserait qu’il s’agit d’une demande mais en réalité, il s’agissait d’un ordre déguisé lancé sur un ton qui n’admettait pas de réplique. Je m’exécutai. Avoir Mauricio près de moi réveilla de vieux souvenirs dans mon esprit. Toute la nuit, je n’ai pas réussi à fermer l’œil. Plusieurs pensées m’ont tenu éveillée. J’ai essayé de toutes mes forces de ne pas penser à mon passé avec lui.
Nous sommes artisans de notre vie.
Cette affirmation est tellement vraie. J’ai fait un choix il y a sept ans et les conséquences sont tombées. Seulement elles sont lourdes à porter pour ma frêle personne. Je plongeai mon regard dans celui de Mauricio. J’eus l’impression d’être transportée des années en arrière…Au temps où j’étais la seule femme qui comptait à ses yeux. J’avais l’amour vrai et je l’ai laissé partir en croyant qu’avec l’argent, je pourrais combler le vide que laisserait l’absence de Mauricio. Je disais avec fierté que je préfèrerais pleurer dans une range rover que sur une moto quelconque. Mais j’ai eu le temps de comprendre qu’il y a pire que le fait de pleurer. Il arrive qu’on n’ait même plus de larmes à faire couler alors que la douleur n’a pas pour autant disparu.
-Je t’ai détestée, Béryl, lâcha Mauricio sur un ton grave. Pendant des mois, j’ai souhaité que tu sois malheureuse dans ton mariage. J’ai souffert pendant tout ce temps et jusqu’à ce jour, je n’ai pas réussi à te faire sortir de ma tête. Je t’ai détestée avec hargne mais je t’ai aimée de la même manière. J’aurais pu te pardonner ta trahison si tu m’avais choisi au lieu de Floris. J’aurais pu fermer les yeux et essayer d’aller de l’avant avec toi.
De grosses larmes roulèrent sur mon visage. Les yeux de Mauricio étaient aussi brillants. Mon cœur battait à tout rompre. Une sourde douleur me serrait la gorge. Des hommes…j’en ai connu. J’ai épousé un homme que je n’aimais pas. Au final le seul que j’ai aimé se tient en face de moi. On aurait pu être heureux si j’avais fait d’autres choix.
-Pourquoi me dis-tu ça ? Murmurai-je. Tu es en couple.
-Mon but n’est pas de relancer notre relation, rassure-toi. Je pense que le fait de me confesser soulagera d’une certaine manière ma conscience. Ce n’est pas très chrétien de souhaiter le mal à son prochain. Cela m’a pris du temps pour le comprendre. Quand j’ai appris que tu étais enceinte, je n’ai pas eu de bonnes pensées et quand tu as perdu deux des triplés, je me suis senti fautif. J’ai eu l’impression que mes mauvaises ondes t’avaient atteinte. Alors je me suis mis à prier à la recherche d’une certaine absolution. Quand j’ai appris ta disparition, j’ai cru que tu étais morte. J’ai prié pour que tu sois en vie Béryl et aujourd’hui, j’ai la possibilité de t’aider. Je suis avocat maintenant et je peux suivre ton dossier. Je veux le faire en souvenir du passé.
-Mon histoire est longue, fis-je cédant à sa demande.
-J’écouterai en même temps que le journaliste.
-Je ne suis pas certaine que tu puisses supporter certaines choses. Tu sembles si fragile en apparence.
-Mais au fond, je suis un vrai lion. Ne t’inquiète pas pour
moi.
Il repoussa sa chaise et se leva.
-Je dois aller chercher le fameux journaliste dans deux heures. Anna a pris rendez-vous avec le directeur de l’ORTB6. C’est un ami d’enfance et ils sont en contact jusqu’à ce jour. Elle a donc préféré s’adresser à lui.
-D’accord. Je vais prévenir le père Daniel.
-Parfait. Je sors mais je reviendrai avec lui. Est-ce que tu as besoin de quelque chose ?
-Non.
Je m’interrompis un instant avant d’enchaîner.
-Je voudrais te demander pardon, Mauricio. Je n’ai pas eu l’occasion de le faire jusque-là. Plusieurs fois l’idée m’a traversé l’esprit mais mon égo était encore très grand. Je suis désolée pour tout ce que je t’ai fait. Je te prie de me pardonner.
Il me jaugea à nouveau du regard puis finit par hausser les épaules.
-Je t’ai pardonné Béryl. Je l’ai fait pour moi d’abord car j’en avais besoin pour avancer dans ma vie et dans ma nouvelle relation. C’est parce que je t’ai pardonné que je t’ai acceptée dans cette maison. Quand Anna reviendra, je lui parlerai de notre passé également et sa décision finale sera la mienne. Tu comprends j’espère.
