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En quelques pas, Herman atteignit Julie et saisit ses mains tremblantes. Mia sentit un étau lui broyer la poitrine. Elle vit les épaules de son mari s’agiter sous l’émotion. Lorsqu’il pressa les doigts de Julie contre ses lèvres, elle devina sans entendre : son prénom, suivi de murmures amoureux.
Perdue dans la foule qui la ballotait comme un fétu de paille, Mia vacillait, brisée. Elle observa, impuissante, Herman passer un bras autour de la nuque de Julie et l’attirer contre lui. Le baiser fut long, intense, dévorant. Passionné. Déchirant. À suivre…
Devant l’hôtel, une marée d’admirateurs s’était rassemblée, brandissant fleurs, pancartes et téléphones. Certains hurlaient des compliments, d’autres soufflaient des baisers à distance. « Herman , vous formez un couple parfait avec Mia ! Je suis fan de vous deux ! » lança quelqu’un, avant de se faire immédiatement huer par d’autres voix plus critiques.
Mia, cramoisie, tentait de garder contenance. Elle savait que les réseaux sociaux la chérissaient comme l'épouse idéale. Elle adressa des sourires forcés, tandis que Herman et ses gardes du corps l’aidaient à franchir la vague humaine de journalistes et de fans. Encore dix, peut-être quinze pas, et ils atteindraient enfin l’entrée de l’hôtel.
Mais soudain, Herman s’immobilisa. Sa main glissa de la taille de Mia comme une plume qui tombe.
« Herman ? » souffla-t-elle en levant les yeux vers lui. Son cœur rata un battement. Le visage de son mari était devenu livide, vidé de toute couleur. Ses lèvres tremblaient et ses yeux brillaient d’une intensité indéchiffrable.
Suivant instinctivement son regard figé, Mia tourna la tête. Et elle vit. L’image la frappa comme une gifle glaciale. Une sueur froide perla sur sa nuque, ses jambes fléchirent, ses yeux s’embuèrent.
« Mia, mais qu’est-ce qui t’arrive ? Bouge ! » cria Cole, tout près d’elle, l’oreille collée à son crâne. Elle ne répondit pas. Elle était figée, pétrifiée par la vision.
« Herman , bouge, crétin ! Tes fans vont nous écraser ! » poursuivit Cole en la secouant. En vain.
Puis, se tournant enfin dans la direction du regard fixe de son ami, il se figea à son tour. Ses paroles moururent sur ses lèvres.
« Bon sang… c’est Julie ! »
Et une fois encore, Cole porta ses mains à sa tête, submergé par l’ampleur de ce qu’ils étaient tous en train de vivre.
Ses mots résonnèrent comme une détonation dans l’esprit d’Herman .
Tout bascula en une fraction de seconde. Les bruits, les flashs, les voix s’effacèrent, happés dans une brume soudaine. Il eut un sursaut comme si son âme venait de se reconnecter brutalement à son corps. Il inspira profondément, tentant de contenir le chaos qui explosait en lui.
Et là, au bout de l’allée de journalistes et de curieux, se tenait une silhouette figée dans l'ombre : Julie .
Elle portait une robe noire moulante, simple mais magnétique, qui dansait juste au-dessus de ses genoux. Une vague de mélancolie flottait sur ses traits. Ses yeux rougis, cerclés de fatigue et de peine, racontaient mille chagrins. Pourtant, rien n’altérait sa posture majestueuse. Elle irradiait une élégance crue, brutale, presque indécente. Elle était envoûtante, comme une tragédie vivante qu'on ne pouvait s’empêcher de contempler.
« Julie ... », souffla Herman , dans un murmure rauque.
Son geste fut brusque, presque violent. Il repoussa Mia sans ménagement. Peut-être était-ce l’inconscience ou la tempête d’émotions. Quoi qu’il en soit, le choc la projeta droit sous un flash éblouissant. Mia vacilla, heurtée en pleine bouche, grimaça de douleur.
« Mia ! » s’écria son frère en se précipitant vers elle. Il la soutint par les épaules, tentant de la maintenir debout. Du sang perlait au coin de ses lèvres, fine traînée rouge contre sa peau pâle. Mais Mia était ailleurs. Vidée. Immobile. Une poupée brisée. Elle regardait son mari, l’homme qu’elle pensait être sien, courir vers une autre. Non, pas une autre… vers son passé, vers Julie .
Les flashs crépitaient comme des éclairs. Les murmures s’amplifiaient. Mais Herman ne voyait que Julie . Il la rejoignit d’un pas rapide, haletant. Il lui prit les mains, les serra avec ferveur, comme si sa vie en dépendait. Mia, toujours figée, vit les épaules de son mari trembler. Il porta les mains de Julie à ses lèvres, les yeux clos. Elle ne pouvait pas entendre ses mots, mais elle le savait. Il murmurait son nom, des mots d’amour, des regrets peut-être. Des promesses qu’il ne lui avait jamais faites à elle.
Et alors que Mia tentait de se frayer un chemin parmi la foule oppressante, vacillante, son monde déjà en miettes s’effondra un peu plus : Herman entoura le visage de Julie et l’embrassa. Un baiser profond, passionné, interdit. Un baiser qui n’avait rien à voir avec les regards figés des caméras autour d’eux. C’était brut. Viscéral. Déchirant.
À suivre…
Mia rougissait de rage, de honte, de douleur. Son cœur battait à tout rompre, mais elle affichait des sourires mécaniques à ses admirateurs, eux qui la croyaient heureuse, forte, invincible. Elle avançait, portée par les bras des hommes autour d’elle, Herman inclus, comme si rien ne s’était passé. Dix pas. Peut-être quinze, et elle serait à l’abri de cette foule.
Mais soudain, tout s’interrompit à nouveau. Herman s’arrêta. Sa main sur la taille de Mia glissa, se détacha.
« Herman ? » demanda-t-elle d’une voix tremblante.
Quand elle leva les yeux vers lui, elle fut glacée d’effroi. Son visage avait perdu toutes ses couleurs. Ses lèvres tremblaient. Il fixait un point au loin, incapable de détourner le regard. Mia tourna la tête, tentant de comprendre. Son souffle se coupa.
Une silhouette. Une seule. Et le monde s’écroula.
« Mia ! Qu’est-ce que tu fous ? Avance ! » hurla Cole à son oreille, brisant le silence de son hébétude. Mais elle ne bougeait pas. Paralysée.
« Herman , bouge, espèce d’idiot ! » vociféra Cole à son tour, en le secouant. Mais rien n’y faisait.
« Qu’est-ce qu’ils regardent, bon sang… »
Puis, ses yeux se posèrent sur la même silhouette.
Et la vérité le frappa de plein fouet.
« Nom de Dieu… C’est Julie ! »
Cole se prit la tête entre les mains, abasourdi.
Les mots claquèrent comme un coup de tonnerre. Ils arrachèrent Herman à sa torpeur. Il se redressa d’un bond, ses yeux brillant d’un éclat indéchiffrable. Là, à quelques mètres, Julie attendait. Elle n’avait pas bougé. Toujours cette robe noire, toujours cette douleur silencieuse dans les yeux. Elle n’avait jamais semblé aussi belle. Aussi fatale.
« Julie », répéta-t-il, cette fois avec plus d’émotion, en repoussant à nouveau Mia, comme s’il devait briser toutes les chaînes qui le retenaient.
