chapitre 4
Alida : je vais me calmer, je ne vais plus parler. Je suis désolée mère, excuse-moi d'avoir fait ça. Excuse-moi de t'avoir mal parler.
Mère me regarda, elle me sourit.
Mère : tes excuses ne peuvent pas t'aider. Tu m'as lancé un défi, je dois te montrer qu'on ne me lance pas de défi à tort et à travers.
Alida : je ne savais pas ce que je disais. C'est que le monsieur de la nuit dernière était trop brutal. C'est parce-que j'étais fatiguée que j'ai parlé comme ça. Je suis désolée mère.
Mère : tu vas recevoir cette bonne leçon ici et maintenant.
Le monsieur tapa son pied au sol. Le chien se mit à aboyer en courant vers moi. Un cri aigu sortit de mon ventre. Une marre de larme m'envahit. Le chien me sauta dessus et se mit à me lécher le visage, à rouler sur lui-même. Il jouait avec moi comme si je fus son ami. Mère éclata de rire.
Mère : je pensais que tu n'avais peur de rien. Tu parles fort, un petit chien te ferme la bouche. N'importe quoi. Je te demande juste de chercher l'argent et de me donner. Tu te comportes comme l'enfant. Je te donne tout, un toit, à manger, l'éducation. La seule chose que tu as à faire c'est de recevoir un ou deux clients par semaine. Tu l'as fait les deux jours précédents tu vas encore le faire la semaine prochaine. Accepte aussi et puis tu restes tranquille.
Je pouvais tout accepter, sauf cela. La peur qu'elle venait de me faire vivre m'avait mis en colère plus que jamais. J'étais prête à lui rendre ce moment de peur. Elle se disait méchante, j'allais l'être plus qu'elle.
Le maître du chien l'avait rappelé. Sautillant, il était allé vers lui. Mère m'avait tendue la main.
Mère : on part à l'intérieur, tu m'expliques ce qui s'est passé à l'école. Je veux savoir pourquoi tu me fais dépenser sur tes études alors que tu ne veux rien faire. Je me demande comment tu as fait pour avoir un BEPC. Depuis le début d'année tu es la dernière de ta classe.
Alida : je ne veux pas de ta nourriture, pas de ton eau, pas de ton école. Je veux ma liberté. Rends-moi ma liberté, c'est tout ce que je te demande.
Mère : tu as frappé sur ta camarade de classe. Est-ce que tu sais qu'elle est à l'hôpital ?
Alida : elle m'a provoqué. Qui lui a demandé de me parler ? Elle ose me parler comme elle veut ? C'est son problème si elle est à l'hôpital.
Mère : comme l'école ne t'intéresse pas, tu ne vas plus y aller. On va te trouver autre chose à faire. Tu n'iras plus à l'école. J'espère juste qu'un jour tu ne vas pas le regretter.
Alida : rends-moi aussi ma liberté tant que tu y es
Mère : si ce n'est que pour l'autre là, tu peux oublier. Tu vas rester dans cette maison. Je ne peux pas investir sur toi comme ça pour que tu partes sans rembourser.
Alida : tu profites de mon corps et tu dis que je te dois ?
Mère : ça fait six moi que tu es ici. Ça fait deux mois que tu as commencé à travailler. Tu penses que tu as déjà gagné combien ? Pourtant depuis que tu es là, tu manges bien, tu dors bien, tu fréquentes dans une école luxueuse. Tu crois que ce que tu as déjà travaillé peut même payer le quart de tout ça ?
Alida : je ne te comprends même pas. Je ne suis pas d'accord pour faire ce travail. Je fais tout pour que tu me laisses en paix mais tu insistes pourtant il y'a plusieurs prostituées dehors, prête à faire ceci. Tu as vu quoi sur moi ?
Mère : mon initiative est de prendre des jeunes filles abandonnées comme tu l'étais. Je suis sensé les éduquer, les nourrir, faire d'elles de meilleures personnes. Sauf que ça ne me rapporte absolument rien. Au début je le faisais avec le cœur mais après moi-même j'ai compris que je ne gagne rien. Je ne vais pas finir ma vie dans la pauvreté alors que vous avez vos corps qui peuvent bien travailler.
Alida : tu nous fais faire des choses que toi même tu ne fais pas.
Mère : tu penses que quand vous êtes à l'école, je fais quoi à la maison ? Je dors la nuit et je travaille en journée. C'est comme ça.
Alida : un jour tu vas payer pour tout ce que tu nous fais subir
Mère : en attendant ce jour, je profite de ma richesse. Toi par contre, tu vas regretter de ne pas en profiter aussi. Je sais que je vais chuter un jour et ce jour, vous allez vous retrouver à la rue. On va voir si tu as encore la grande gueule.
Elle m'avait laissé seule au séjour et avait rejoint sa chambre. Je m'étais allongé sur le canapé mais il n'y avait aucun moyen de dormir. Mère n'était pas seule dans sa chambre, semblait-il. Elle poussait des cris d'extase.
Las de l'entendre, je sortis de la maison. La grande cour était recouverte de pavés. Il y avait des sièges alors je m'assis, pensant à ma vie, à mon avenir. Je savais que dans cette maison je n'allais rien devenir. Les autres s'y étaient habitué mais moi je n'étais pas prête pour ça.
Je m'étais endormie. Pendant plus de deux heures de temps, je dormais. Le klaxon de la voiture me réveilla. Les filles étaient rentrées de l'école. Aïcha m'avait réveillé en me caressant la joue.
Aïcha : tu dors sous le soleil pourquoi ? Tu devrais aller te coucher dans la chambre.
Belinda : je me demande pourquoi tu te soucis autant pour elle. Elle est trop bête, elle refuse de comprendre le système de cette maison. Bientôt on va partir, tu vas rester là à te morfondre. En tout cas ça ne me regarde pas.
Aïcha : tu ne vois pas qu'elle est trop petite ? Mère a aussi exagéré. Nous sommes arrivés ici à vingt-et-un ans au moins. Elle nous ramène un bébé de dix-huit ans comment ? Il faut aussi comprendre qu'elle est trop jeune.
Belinda : ma chérie, je ne refuse pas. Le problème c'est que cette fille ne veut pas réfléchir. Nous avons toutes un point en commun, nous venons de la rue. On connait la vraie pauvreté. C'est vrai que ce que nous faisons n'est pas propre mais au moins nous avons un toit...
Alida : s'il te plait, fermes ta bouche. On sait que tu es une pute, une salope. Tu ferais n'importe quoi pour de l'argent. Tu parles même à qui ?
Aïcha : tu ne connais même pas notre histoire à Belinda et à moi mais tu te permets de parler. Si nous te disons ce que nous avons vécu tu vas croire que c'est la sorcellerie. Je ne refuse pas que notre mode de vie n'est pas commode mais nous devons jouer au jeu de la ruse. Ne sois pas bête, ne perd pas en abscisse et en ordonnée. Prends tes études au sérieux, c'est ça qui va te sortir de cette prison demain. Tu crois que nous sommes très heureuses de faire ce métier ? Ma chérie écoute mes conseils car le jour où on ne sera plus ensemble, je ne sais pas qui pourra encore te conseiller.
Alida : merci pour les conseil Aïcha. Je constate que tu n'es pas différente de Belinda. Belinda n'est pas différente de votre mère Theresa donc tu n'es pas différente d'elle non plus. Je vais me battre pour partir de cette maison toute seule, je vais dénoncer cette femme. Je sais que je vais y parvenir.
Belinda : tu crois que tu es la seule à penser à ça ? Tu ne sais pas que c'est dans le calme qu'on réfléchit ? Tu as même vécu dans la rue comme tu le dis ? Si tu veux arrêter un oiseau, tu dois marcher en jouant du tam-tam ? Ma chérie tu es un peu dérangée. Je suis à l'intérieur, j'ai faim. Vos choses me dépassent.
Belinda nous laissa. Aïcha se mit à mon niveau en se courbant. Elle me soufflait à l'oreille ces conseils que j'aurais dû écouté à temps.
Aïcha : Alida, pose ton cœur, calme ton tempérament. Profite du fait que nous ne soyons pas enfermés, profite de ça pour t'épanouir. Mère t'accorde même des faveurs plus qu'à nous, fais-en bon usage. Fréquente normalement, demain on va en faire quelque chose. Qui sait ? Peut-être on retrouvera même nos vrais parents grâce à l'école. Ma chérie ne sombre pas alors que le bout du tunnel est devant nous.
Alida : tu connais même mon âge avant de parler ? Toi, tu es plus grande que moi. Tu penses que c'est facile ce que je vis ? Tu t'entends même parler ?
Aïcha : tu sais quoi ? Fais comme bon te semble. Je pars manger et puis j'étudie. Il n'y pas de client ce soir pour moi. Comme tu penses que c'est toi qui a tous les problèmes de la terre, calcine-toi sous le soleil.
Elle s'en alla également. Ses conseils étaient entrés par une oreille et ressortis tout de suite par une autre. Tout ce que je voulais, c'était de retourner dans la rue même sans avoir de future. J'étais restée allongée pendant un bout de temps avant de rejoindre les filles à l'intérieur. Elles avaient fini de manger et étudiaient déjà. Elles regardaient toutes les deux un même document. Je m'approchai pour voir mais Belinda fit vite de le fermer.
Alida : pourquoi je ne peux pas voir ?
Aïcha : laisse-la voir, Belinda, elle veut la même chose que nous.
Belinda : donc je suis la seule qui constate son degré de stupidité ? Tu sais ce qui va se passer si elle voit ça ? Ce soir pendant le dîner, elle va chanter à haute voix ce qu'elle a vu. Je ne veux pas que les projets de toute ma vie tombent à l'eau. Elle ne va rien voir.
Alida : tu me connais mal. Dans la rue on avait peur de moi. Depuis je garde mes griffes en te laissant me parler comme tu veux. Je vais voir ce que tu caches, tôt ou tard.
Belinda : ce n'est pas ce que Aïcha te prend pour une victime là, hein. Moi je vois bien ce qui sommeille en toi. Aïcha, un jour toi-même tu vas fuir cette fille. Je ressens seulement les ondes négatives à côté d'elle.
Aïcha : il faut aussi comprendre que ce n'est pas de sa faute. On doit lui dire les choses un peu un peu. Alida, il faut aussi nous écouter. On s'adapte à toutes les situations de la vie. Tu es arrivé à un moment où mère s'était même déjà un peu adoucie. Aligne-toi derrière nous et nous te ferons confiance.
Alida : vous cautionnez ce qu'elle nous fait vivre, pas moi. Je ne vais jamais m'aligner derrière vous. Mieux je fais ma carrière toute seule.
Belinda : la chèvre va te lécher ma chérie, l'heure sera lue sur le mur.
Alida : ces chèvres que tu les laisses te lécher chaque soir. Vos mères doivent regretter de vous avoir accouché. Vous n'êtes que des putes.
Mes mots les avaient touchés. Elles n'avaient plus rien dit. Cela ne me gênait guère, je trouvais cela tout à fait légitime de les remettre à leur place. Alors que je gravissais les marches des escaliers pour aller dans ma chambre, je trouvai mère en train d'embrasser un homme devant sa chambre. Je restai là à la regarder. Je me demandais ce qui se cachait dans le cœur de cette femme. Des pierres sûrement, me disais-je.
J'avais fait un demi-tour, ce que mes yeux voyaient était dégueulasse. Pendant que Belinda et Aïcha se mettait à jour sur leur cours, je me promenais, allant et venant, ne sachant quoi faire. C'était tout simplement insupportable.
Au bout d'une dizaine de minutes, mère descendit avec son amant. Celui-ci s'en alla sans même lever la tête. Mère était très heureuse. Elle alla s'asseoir devant la télévision et zappa juste ses chaînes de séries novelas.
Tout le monde profitait de ce luxe sale. Je ne voulais en aucun cas me mélanger à elle. Je voulus aller dans ma chambre mais mère m'appela.
Mère : viens t'asseoir ici, nous avons une discussion non achevée. Tu ne veux plus aller à l'école, tu veux donc faire quoi ?
J'allai jusqu'à elle. Je pris place sur un canapé à côté. Je ne savais pas ce que je voulais faire de mes journées mais je ne voulais plus aller dans cet établissement où on me traitait avec indifférence. Je pensai à Ma'a Jacqueline.
Alida : je veux aller travailler avec Ma'a Jacqueline. Elle est gentille avec moi. Elle me donne à manger à chaque fois. Elle ne me force pas à travailler. Je veux même vivre avec elle.
Mère : tu peux tout faire, même la pêche et la chasse si tu veux. La seule chose que tu ne peux pas faire, c'est de sortir de cette maison. Je refuse.
Alida : donc si je ne pars plus à l'école, je ne peux plus sortir de cette maison ?
Mère : pour une fois tu comprends très vite. Peu importe ce que tu fais en parallèle, tu dois continuer à faire ton travail de nuit. La semaine prochaine tu auras trois clients et petit à petit ils vont augmenter. On paie chère pour coucher avec toi, tu vas seulement supporter.
Alida : pourquoi tant de cruauté ? Je vais te dénoncer.
Mère : fais-le, montre même tes blessures aux médias. On verra qui est qui. Je t'ai demandé ce que tu veux faire en dehors de l'école, tu ne dis rien. Dois-je donc conclure que tu veux juste rester à la maison comme ça ?
Alida : non, je ne veux pas rester seule ici.
Belinda qui écoutait notre conversation éclata de rire.
Belinda : en vrai, tu es une paresseuse.
