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### CHAPITRE 05

Toby grogne à voix basse et me serre un peu plus contre lui, son bras reposant autour de mes épaules, protecteur. Je l’aime, mais bon sang, il a mis beaucoup trop de parfum ce matin.

Mes yeux commencent à piquer.

J’offre un signe de tête à Kyle avec un sourire, mais nous ne nous arrêtons pas pour « parler ». Cela fait quelques mois que j’ai rompu avec lui, mais nous n’avons jamais été vraiment sérieux. Après que j’aie été… agressée, Toby est devenu encore plus protecteur envers moi qu’un grand frère typique. Cela ne m’a jamais trop dérangée ; je sais qu’il porte en lui une culpabilité immense depuis cette nuit-là. J’ai essayé de le rassurer en lui disant que ce n’était pas de sa faute, mais il ne m’écoute jamais vraiment et refuse d’en parler. Il pense qu’il m’a laissée tomber en tant que grand frère, qu’il m’a trahie d’une certaine manière. Alors maintenant, il compense en effrayant presque tous les gars qui osent me regarder. C’est parfois agaçant, mais cela m’aide à apaiser cette peur constante d’être à nouveau prise pour cible.

Kyle a été le premier garçon à véritablement obtenir l’approbation de Toby, et c’est compréhensible. C’est un gars très gentil, actif dans des associations, athlète de haut niveau et venant d’une famille exemplaire. Les choses auraient pu marcher entre nous, sauf pour son complexe de héros. Il avait cette idée en tête qu’en sortant avec moi, il réussirait à me faire parler. À chaque rendez-vous, il passait une partie du temps à essayer de me faire dire quelque chose, n’importe quoi. Il ne comprenait pas que ses efforts ne faisaient que me blesser, car cela me rappelait que, même si je le voulais, je ne peux pas parler. Et maintenant, la plupart des gars au lycée ont ce même fantasme malsain : être celui qui fera parler la fille muette.

Je ne comprends pas pourquoi ça les fascine autant. Mais on pourrait p’nser que, plutôt que d’essayer de me forcer à sortir de ma zone de confort, un garçon qui s’intéresse à moi pourrait apprendre la langue des signes. Sinon, je ne veux pas avoir l’impression d’être un défi à relever.

Toby me tire de mes pensées alors que nous arrivons en classe, Histoire des États-Unis en terminale. En contournant les tables de quatre places, nous rejoignons celle que nous avons « réservée » avec notre ami Gray. Il est occupé à flirter avec une nouvelle élève assise à une autre table, mais dès qu’il nous voit arriver, il reporte son attention sur nous, disant rapidement à la fille qu’il lui parlera plus tard. Gray n’est pas très différent de mon frère avec ses manières de séducteur.

Salut mec, salut Raine. Tu es vraiment mignonne aujourd’hui, dit-il chaleureusement.

Ses mots pourraient être pris pour de la drague, comme semble le penser la nouvelle élève qui me lance des regards noirs, mais je sais que Gray parle de manière amicale. Gray est dans la même année que mon frère, en terminale. Et bien que je sois seulement un an plus jeune, Gray me voit toujours comme la petite sœur qu’il veut protéger autant que Toby.

Je lui fais un signe de la main en guise de salut et prends ma place à la table, en face de lui et de Toby.

Gray est devenu notre ami l’année dernière lorsqu’il a déménagé ici depuis l’Alabama, et je comprends pourquoi tant de filles lui courent après. Il a les cheveux blond foncé, toujours parfaitement coiffés, et des pommettes que toutes les filles rêveraient de voir sur leur petit ami. Il a des yeux bleu vif remplis de curiosité, et son côté légèrement geek ne fait qu’ajouter à son charme.

Il est très différent de mon frère. L’attitude « je m’en fiche » permanente de mon frère attire les filles comme un aimant. Sans parler du fait qu’il va à la salle de sport tous les jours, et ça se voit. Lui et Gray ont tous les deux des corps bien bâtis, et les filles ne manquent pas de le remarquer.

Au moment où la cloche sonne, Tyler, notre autre ami, entre en trombe dans la salle juste à temps. Il offre un grand sourire au professeur avant de marcher vers nous, au fond, et de s’asseoir à côté de moi.

Il me sourit largement, légèrement essoufflé après avoir sans doute couru pour arriver à l’heure.

Je ris doucement. — Salut Tyler.

Salut Raine. Salut Gray. Salut Toby, dit-il en souriant à chacun d’entre nous avant de reporter son attention sur moi avec ses yeux éclatants.

Tyler est très différent de Gray et Toby. Il n’a ni l’attitude désinvolte de mon frère, ni l’intelligence de Gray. Non, Tyler est le clown du trio.

Il attire les filles avec son comportement enfantin, ses blagues, et son côté légèrement idiot. Sans oublier ses cheveux noirs et sa carrure imposante, complétés par une mâchoire robuste. Lui non plus ne manque pas de muscles. Les trois sont séduisants, et la plupart des filles aiment les décrire comme les gars les plus « canons » du lycée.

Ils forment le trio célèbre : tous les trois connus comme les séducteurs du lycée East Bridge. Ce sont les garçons vers qui les filles accourent jour après jour, et ils ne semblent jamais pouvoir les repousser. Aucun d’eux ne peut rester fidèle plus d’une semaine, ce que je ne cautionne pas du tout, mais je les adore quand même. Alyse et moi semblons être les seules filles du lycée qui ne leur courent pas après. Pour moi, c’est sûrement parce que je les vois tous comme des grands frères, et c’est ce qui fait que notre groupe fonctionne si bien.

Alors, vous ne devinerez jamais ce qui s’est passé ! s’exclame Tyler, visiblement excité.

On attend avec impatience, dit Toby d’un ton blasé.

La raison pour laquelle j’ai failli être en retard, c’est parce que je suis tombé sur le nouveau. Littéralement. Je parlais à cette fille, Lucy…

Elle s’appelle Lilly.

…et quand je suis parti, je lui suis rentré dedans. Je suis un peu tombé en arrière, mais heureusement, aucun de nous n’est tombé.

Nouveau ? signé-je, les poils de ma nuque se dressant alors que je me souviens de ma conversation avec Alyse ce matin.

S’il te plaît, dis-moi qu’il parle d’un autre nouveau.

Il est arrivé aujourd’hui ! Donc, après m’être excusé et tout, j’ai remarqué qu’il portait une veste en cuir et tout ça, cliché, je sais. Mais naturellement, j’ai pensé que c’était un mec cool et je l’ai invité à déjeuner avec nous, dit-il fièrement, comme s’il attendait qu’on le félicite.