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Lendemain:
Vingt trois heures trente-six:
La matinée en compagnie de ma sœur nous nous sommes commandés un brunch digne de ce nom, afin qu'elle et moi puissions débuter la journée du bon pied. Vu la journée, ou plutôt la soirée, que je m'apprête à passer ce n'était pas de refus. Je n'ai pas voulu parler à Mia de ce qui pouvait, potentiellement, se produire ce soir. Comme elle est, elle pourrait me suivre au Zag et s'assurait que je vais bien. Je ne prendrai certainement pas le risque que ma soeur me suive dans un endroit tel que celui-ci.
Arrivée au poste dans les alentours de dix sept heures, je me suis rapidement retrouvée en repérage suite à un appel téléphonique stipulant une bagarre à mains armés. Mais rien sur les lieux n'a été repéré. Alors nous avons fait le tour du pâté avec Freddy, Alcarez et Bryan, qui sont également, mes coéquipiers pour la soirée.
Freddy et Alcarez viendront avec moi à l'intérieur, contrairement à Bryan, qui lui, restera au bar à l'étage, armé. Si nous tenons quelqu'un nous n'aurons qu'à le faire monter par un quelconque mensonge.
Tous dans mon bureau, apprêtés afin d'éveiller aucun soupçons pour la soirée, Freddy prend la parole:
- L'année dernière on y est allés. Rien d'illégal n'a été remarqué mais cet endroit est dangereux. On doit se méfier.
Si il est là ce soir, se doute-t-il que je viendrai ?
- Je pense qu'on est prêts affirme Alcarez en boutonnant sa chemise jusqu'au dernier.
Je me lève de mon bureau en suivant Freddy et Alcarez devant moi. Sous le courage que nos collègues nous souhaite, nous sortons du poste où le vent vient faire frémir mes jambes à moitié nues au vu de la robe violette que je porte. Freddy en costard tel un homme d'affaire et Alcarez en pantalon taille droite et un pull à col V. Bryan, jean et pull blanc.
Rentrant dans la voiture personnelle de Freddy, nous roulons une bonne dizaine de minutes sous le silence planant dans la voiture. Ce silence n'est pas gênant contrairement avec celui de Paul, hier soir. Au contraire, ce silence est nécessaire. Ils nous permet à tous de se concentrer, de se motiver soi-même.
Les ruelles sont plutôt vides ce soir.
Ce fameux bar où le sous-sol est la raison pour laquelle nous sommes présents ce soir se dresse à nous. Je souffle un bon coup, le stress à son paroxysme. En sortant de la voiture, nous emboîtons le pas avant de rentrer dans le bar. Une dizaine de personnes y sont, buvant des verres avec, pour la plupart, leurs amies.
Nous rentrons l'air de rien en saluant, certainement, le gérant de ce bar et passons le pas, discrètement, vers le placard à balais après que Bryan se soit accoudé au bar.
Je me rappelle des mouvements de Christian. Par conséquent, je déplace ce fameux placard et nous voici confrontés à cette porte. Je peux entendre Alcarez lançait "C'est quoi ce bordel ?"
Si seulement il savait.
Les souvenirs me reviennent au vu de cet escalier miteux donnant à personne l'envie de s'aventurer plus bas. Restant vigilants, ce long couloir nous fait face à la couleur blanchâtre. Puis la porte qui nous sépare du vigil et du bruit assourdissant à l'intérieur. Alcarez toque et quelques brèves secondes plus tard, la musique vient me broyer les oreilles à moi comme à tous, face au vigil.
Sa taille dépassant le mètre quatre vingt cinq, il nous scrute attentivement, aux traits sévères.
- Code? nous demande-t-il durement.
- Gloire à la liberté répond Freddy.
Le vigil nous examine après les paroles de mon collègue, avant d'exécuter un léger coup de menton vers l'intérieur. Il nous laisse, donc, passer et cette fois-ci je ne me cache pas de couvrir mes oreilles de la musique assourdissante.
Comme la première fois où je suis venue m'empêchais-je de penser.
Les néons rendent toujours autant ma vision moins clairs et les personnes, les centaines de personnes, sûrement plus, qui s'y trouvent ne m'aident pas dans ma quête à y voir plus claires.
Rien a changé.
Les barres de pol dance forment, toujours ce carré au milieu de l'énorme place principale. La même clientèle y est. Des hommes pour la plupart obnubilés par les paires de seins et de fesses des professionnelles sur les bars, laissant des billets à foison. Des hommes en costards, ici, pour les affaires.
D'autres personnes présentes sont venues pour s'amuser. Certains rigolent, d'autres s'enlacent, s'embrassent. L'ambiance est toujours aussi pesante et glauque que la première fois où je suis venue. J'ai toujours la même impression de suffoquer.
Nous nous engouffrons dans les néons de couleurs violines éclairant les personnes qui assistent à cette soirée.
- Je pars de ce côté affirme Alcarez en pointant la droite.
- Moi de ce côté affirme Freddy en pointant le côté gauche.
Je comprends alors que je surveille l'endroit principal. Le milieu. Là où les danseuses se trouvent et où le carré VIP y est.
Je leurs fais un signe de tête leur faisant comprendre que c'est bon pour moi et en deux en trois mouvements je me retrouve seule face au monde.
Heureusement que je ne suis pas claustrophobe.
Je me dirige vers le bar, l'air d'être une consommatrice. Je ne boirai certainement pas d'alcool ici et encore moins pendant mon service alors je demande de l'eau. Chose qui, a vu d'œil, est similaire à la Vodka. Le serveur à la vingtaine cheveux blonds aux yeux bleus, si je me fis à mes sens, ne peut s'empêcher de presque me toiser du regard.
Il doit surement se demander ce qui me prend de demander de l'eau dans un endroit tel quel mais ne fais aucune réflexion. Il me tend un verre que je prends en le remerciant, simplement.
Face à la population nombreuse, j'essaie du mieux que je peux de me frayer un chemin vers ces banquettes, la où, je pourrai voir précisément les faits et gestes de chacun d'un meilleur point de vu.
Enfin arrivée après ce qui me paraît avoir fait le parcours du combattant, je m'y assois l'air de rien avec mon verre d'eau.
L'adrénaline prend par de mon corps.
Ce sentiment indescriptible.
Les hommes face aux bars de pol dance n'ont aucune drogue sur leurs tables.
J'ai comme l'impression qu'on se doutait que des flics viendraient. Tout est normal pour une « boîte de nuit. » Rien ne dépasse.
Mais je sais bien que c'est parce que tout est millimétré.
Un homme face au bar de Pol dance rencontre mon regard. J'ai comme l'instinct qui me dicte que j'ai attiré son attention au vu du regard persistant qu'il me porte. Non pas parce qu'il reconnaît que je n'ai rien à faire ici mais parce que je suis une femme. Même un aveugle pourrait voir que ce genre d'hommes sont obnubilés par la chair.
Se levant, venant vers moi, je souffle intérieurement me mettant dans un personnage anodin. Il doit sûrement faire un plus moins d'un mètre soixante dix. Les cheveux longs, gras. Boucle d'oreille à l'oreille gauche.
Désormais face à moi, il m'offre un sourire des plus répugnants. Malgré la luminosité, je peux remarquer ces dents noirs.
Bonsoir ma belle. Moi c'est Vincenzo affirme-t-il en se raclant la gorge.
Même si le surnom qu'il vient d'employer m'horripile au plus au point, je ne dois en aucun éveiller les soupçons. Alors rentrer dans son jeu, je le fais sans hésiter.
- Bonsoir moi c'est Dona dis-je doucement.
Et puis quoi encore? Je ne lui donnerai certainement pas mon vrai nom.
- Tu es magnifique Dona. Ça te dirait d'aller faire un tour dans les toilettes ?
Au moins il ne passe par quatre chemins.
Malgré la pression que je pourrai exercer sur lui afin de récolter les infos qu'il a de cette soirée, le suivre dans les toilettes ne peut qu'être une mauvaise idée. Il ne faut pas être devin pour voir que cet homme est tout simplement malsain.
- Non ça ira. J'attends quelqu'un répondis-je dans un faux sourire.
Il examine mes paroles tout en regardant mes lèvres prêt à les dévorer. Après s'être mordu les lèvres il se met à sourire, d'un sourire qui en ferait fuir plus d'une. Je me retiens de ne pas avoir un relent.
- Très bien. Mais si ça te dit dit-il en pointant quelque chose derrière moi.
Je suis le mouvement de son doigt, évidemment sur mes gardes, et y voit un homme accoudé au bar en regardant les femmes prêt, lui aussi, à toutes les dévorer. Certainement la cinquantaine, au crâne dégarni. Les néons me montrent ses tatouages à la tête et également son piercing à l'arcade.
- C'est le gérant du pol. Si tu veux nous offrir un spectacle sur la piste passe par lui.
À la fin de son propos je me tourne vers l'homme à mes cotés et répond l'air de rien.
- D'accord dis-je simplement.
J'ai au moins quelqu'un à qui je peux passer les menottes. Tous savent que ces femmes ne font pas que de la danse mais sont également des prostituées, certaines même contre leurs grès. Cet homme est donc le gérant d'un trafic de proxénétisme. Je souris intérieurement, comprenant que je ne partirai pas défaitiste, comme l'année dernière.
Il se lève toujours en me souriant de manière complètement flippante qui m'en donne la chair de poule. Avant de me lever et de prévenir Freddy ou encore Alcarez que je tiens quelqu'un, je bois une gorgée d'eau afin de rafraîchir mes états d'âmes.
L'eau à un gout étrangement salé que je ne relève pas plus que ça. Je me lève l'air de rien de ma place, toujours je peux le sentir, sous le regard de ce fameux Vincenzo, et ne perd pas de vu l'homme dont il est question.
Le bruit de la musique prêt à faire exploser mes tympans, j'avance malgré tous vers ma quête première. J'envoie un message à Freddy stipulant que je tiens quelqu'un et sa réponse se fait presque immédiate.
"J'en tiens potentiellement un également. Tiens moi au courant."
Tout en lisant ce message, je bouscule, malencontreusement, quelqu'un. Une femme d'à peu près le début de la vingtaine. À la taille plus petite que la mienne, aux cheveux carrés et au regard de tueuse.
- Regarde où tu marches connasse me crache-t-elle dédaigneuse.
Elle part à la vitesse de l'éclair sans même que je n'ai le temps du surenchérir à ses propos disproportionnés. L'homme n'est plus qu'à quelques mètres de moi et étrangement ma tête se fait plus lourde.
C'est surement la musique qui ne joue pas en ta faveur.
Je m'empresse d'envoyer un message à Bryan.
"Je tiens quelqu'un. Un homme de la cinquantaine, un mètre quatre-vingt cinq. Crâne chauve, tatouage à la tête. Piercing à l'arcade. Gérant d'un trafiquant de proxénétisme."
Je range mon téléphone dans mon sac mais cette fois-ci c'est à mon corps de se sentir plus lourd. Ma respiration se fait tout d'un coup irrégulière et je crois même sentir mon front perlée de sueur.
Qu'est ce qui m'arrive ?
Ce n'est pas une crise d'angoisse que je fais, si ça avait été le cas je le saurai.
