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chapitre 03

À seulement quatre ans, j’étais déjà devenue philosophe.

Chaque soir, je m’asseyais seule par terre, les genoux contre la poitrine, et je réfléchissais à mon sort.

À cet âge-là, je ne connaissais même pas l’existence de Dieu.

Et puis, qui aurait pu m’en parler ? J’étais entourée uniquement de personnes perdues, brisées, incapables de donner l’amour ou l’espoir.

Le jour de mon anniversaire, j’ai appris que j’étais un enfant non désiré.

Quel beau souvenir à garder, n’est-ce pas ?

Je faisais sans cesse des cauchemars.

Je dormais mal, j’avais des cernes sous les yeux.

Je tombais régulièrement malade, et personne ne se souciait vraiment de ma santé.

Mon père ? Il s’en fichait.

Son argent ne servait qu’à le nourrir, lui seul.

Ma mère, quant à elle, s’était livrée à la prostitution, soi-disant pour pouvoir me nourrir.

« Un père est celui qui engendre, mais un père est aussi celui qui élève. »– Proverbes 23:22

Je ne me considérais pas comme une enfant intelligente — en fait, j’avais fini par croire que j’étais stupide.

À force d’entendre que tu es bête, idiote, inutile… tu finis par y croire.

C’était devenu ma vérité.

Mon repas quotidien se résumait à un verre d’eau et un pain sec.

Je ne connaissais ni le goût du chocolat, ni celui du poulet.

J’étais une enfant négligée, mal aimée, brisée par ceux qui m’avaient donné la vie.

J’ai commencé l’école maternelle.

Ce n’était pas bien compliqué à cet âge.

Mais je me souviens encore d’une phrase que toutes mes maîtresses me répétaient…

— Tatiana, pourquoi viens-tu toujours seule ?

Pourquoi on ne voit jamais tes parents ? Et pourquoi tes frais scolaires sont toujours envoyés à la direction par transfert ?

Je ne savais jamais quoi répondre à la maîtresse.

Je me contentais de leur sourire, puis je leur disais au revoir et je rentrais à la maison.

Je connaissais parfaitement le chemin du retour — normal, l’école était juste à côté de la maison.

Vous vous demandez sûrement comment il se fait que personne ne connaissait mes parents.

La réponse est simple : pour eux, la journée commençait la nuit, et la nuit, c’était leur journée.

Mon père et ma mère ne sortaient jamais en plein jour.

C’était moi qui devais me charger des courses — enfin, de ce qu’on pouvait se permettre d’acheter.

Et même ça, c’était toujours la même chose : du pain et une bouteille d’eau.

Ces deux éléments, c’étaient mon dîner, mon souper et mon petit déjeuner.

Je mangeais ça du 1er janvier au 31 décembre…

C’était une vie de misère, une vraie vie de merde.

Quand je rentrais à la maison, et que ma mère me voyait, l’expression de son visage changeait immédiatement.

Elle me lançait ce regard… ce regard dur, meurtrier.

Et chaque soir, avant de sortir, elle se retournait vers moi et me lançait :

— Idiote ! Ne sors pas de cette maison et n’ouvre à personne, tu as compris ?

Puis mon père ajoutait :

— Imbécile ! Qu’on n’ose pas me dire que tu es sortie, sinon je te tue.

« Les paroles d'un homme sont comme un filet, mais les paroles d'une femme sont comme une épée. » – Proverbes 12:18

Et moi, je leur répondais… mais tout bas, à voix si basse qu’ils ne pouvaient pas m’entendre :

— Je vous aime, papa… maman…

Je le disais tout doucement, parce que s’ils m’avaient entendue, j’aurais eu droit à ma correction du soir…

Je restais seule à la maison pendant des heures, attendant le retour de mes parents. Je faisais mes devoirs tant bien que mal, puis je mangeais — si l’on peut appeler cela manger — avant de m’endormir, en espérant que le lendemain soit différent. Chaque jour, je me levais à 5 heures pour leur ouvrir la porte. C’était presque toujours à cette heure-là qu’ils rentraient, complètement perdus, l’un par l’alcool, l’autre par la drogue.

Et chaque fois qu’ils revenaient, c’était le même cauchemar : ils se livraient à des rapports sexuels sous mes yeux, sans aucune honte. Je courais me réfugier dans ma petite chambre, je fermais la porte et je priais, à genoux :

— S’il te plaît, Seigneur, que cette saleté n’amène pas un autre enfant à souffrir comme moi…

Et, à vrai dire, ce n’est pas Dieu que je devrais remercier pour cela. C’est plutôt mon père. Il battait ma mère avec une telle brutalité que, finalement, elle en devint stérile. Une tragédie de plus, mais aussi un mal qui empêcha un autre innocent de voir le jour dans l’enfer que nous vivions.

« Mieux vaut un oiseau dans la main qu'une famille brisée. »– Proverbes 17:1

Je me dis souvent que si ma mère avait fait un meilleur choix, tout aurait été différent. Mais est-ce moi qui lui ai demandé d’aimer un homme pareil ? Est-ce que c’est moi qui l’ai poussée dans les bras de ce monstre ? Alors pourquoi est-ce moi qui en subis toutes les conséquences ?

Pourquoi est-ce moi qui dois payer le prix de leur folie ? Pourquoi suis-je celle que l’on détruit, jour après jour ?

Je n’ai jamais compris… et je crois bien que je ne comprendrai jamais.

À Suivre…

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