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Mon dieu mais qu'as-tu fait Candice ?! J'essaie désespérément d'éclaircir mes pensées, de retrouver un raisonnement sensé mais c'est impossible, je suis encore bien trop intoxiquée par la vision du corps de mon patron qui était pratiquement collé au mien il y a tout juste cinq minutes. Le silence qui règne dans les couloirs et dans mon bureau ne m'aide pas à le chasser de mes pensées. Je repense à son torse presque plaqué contre ma poitrine et mes mains me démangent. Je n'ai qu'une envie, c'est de pouvoir le parcourir indéfiniment et ressentir la chaleur de sa peau contre ma paume. Il ne s'est pratiquement rien passé, à peine quelques effleurements et une proximité inédite mais pourtant je sais que tout a changé. Je ne pourrais plus regarder Mr Archer dans les yeux sans rougir ni m'approcher de lui sans trembler. Il n'a dépassé aucune limite physique mais même maintenant qu'il n'est plus là avec moi, mon corps réclame le sien.
Je dois absolument me reprendre avant que mes collègues n'arrivent. Je reprends difficilement une respiration normale, mon cœur retrouve son rythme habituel et je m'installe à mon bureau. Je passe l'heure suivante à lire mon dossier sans en comprendre un seul mot. La journée va être longue !
Vers 9h, après un tourbillon d'émotions imprévues et une séance de travail infructueuse, Marina toque à ma porte. Elle passe sa tête entre la porte et le chambranle et son habituel sourire chaleureux m'ancre à la réalité. Je suis au travail, avec ma collègue et je dois être la plus performante possible.
-Coucou ! Comment vas-tu ? me questionne-t-elle tout en entamant une discussion légère qui me change les idées.
Nous continuons de papoter un court instant puis j'aborde le sujet du dossier Dior dont nous allons hypothétiquement discuter lors de la réunion. La réunion ??! Mais comment vais-je pouvoir rester sagement assise à quelques mètres seulement de Mr Archer sans me décomposer sous son regard ? C'est officiel, je suis fichue. La perspective de participer à un entretien avec mes deux chefs, au cours duquel ils vont pouvoir admirer l'étendue de mon incompétence sur ce dossier a le mérite de me remettre définitivement les idées en place. J'essaie tant bien que mal de me concentrer sur les explications que me donne Marina et après une demi-heure de prise de notes je pense être prête à faire illusion.
Il est 10h tapante quand Marina et moi pénétrons dans la grande salle de réunion qui m'avait accueillie pour mon premier entretien. La première fois, j'étais ici en conquérante, aujourd'hui je rase les murs. Je n'ose pas relever la tête de peur de croiser son regard mais je réalise vite que Mme Saint Martin est seule dans la pièce. Je réprime un soupir de soulagement et me redresse avec un peu plus d'assurance.
-Bonjour Marina, bonjour Candice, prenez place je vous en prie.
Je n'ai pas eu souvent l'occasion de croiser cette femme mais elle s'est montrée à chaque fois accueillante et agréable. Aujourd'hui ne déroge pas à la règle. Elle se tient droite, mise en valeur dans un tailleur pantalon chic et un brin classique. On ressent immédiatement toute l'éducation stricte et bourgeoise qu'elle a dû recevoir. Elle reprend la parole pour commencer cette réunion qui m'a tant stressée ces dernières heures.
-J'espère que vous avez passé un bon week-end bien reposant car il va nous falloir des forces pour affronter cette semaine qui arrive. A bien y réfléchir, il nous en faudra également pour le mois à venir !
Elle fait une courte pause, consulte sa montre puis continue son discours.
-Mr Archer m'a informée d'un événement imprévu qui va probablement l'assigner à son bureau pour la matinée. Nous allons donc commencer sans lui.
Je dois me forcer à refouler un sourire de soulagement à l'entente de ces mots. Je ne sais pas ce qui peut bien le retenir et honnêtement, je m'en fiche mais je suis tellement heureuse de ne pas avoir à assumer mon comportement de ce matin devant lui que j'entamerais une danse de la joie si je le pouvais ! Mme Saint-Martin ne remarque pas mon changement d'attitude et entre directement dans le vif du sujet.
-Je vous ai réunies ce matin afin de faire le point sur les dossiers Dior et Royal Beauty. Comme vous le savez sûrement déjà, ces deux affaires potentielles représentent la moitié du chiffre d'affaire de l'année prochaine. Nous ne pouvons donc pas nous permettre le moindre faux pas. Je vous avoue que j'ai été surprise que Mr Archer et Marina vous confient un dossier si crucial pour vos débuts Candice, mais je vois maintenant cela comme une preuve de confiance. J'espère que vous en serez digne, termine-t-elle en me fixant.
-O-oui bien sûr Mme Saint-Martin, je commence en bredouillant. Je travaille d'arrache-pied sur ce dossier et je pense avoir bien avancé.
-Parfait. Vous nous exposerez vos pistes tout à l'heure, répond-t-elle avec douceur. Si vous le voulez bien, nous allons démarrer avec le dossier Dior. J'imagine que vous en connaissez les grandes lignes Candice, Marina se passera donc de la présentation généraliste pour entrer directement dans le vif du sujet.
C'est ainsi que cette réunion qui m'angoissant tant se transforme en une séance de travail efficace et détendue. Nous passons l'heure suivante à aborder les difficultés de ce dossier, à chercher de nouvelles pistes et à peaufiner notre stratégie. Ma responsable nous annonce que Marina va faire un déplacement professionnel mi-décembre pour rencontrer la direction de Dior accompagnée de Mr Archer afin de valider le contrat et les détails de la prochaine campagne qu'ils vont mener. Je suis instantanément soulagée à l'idée de me retrouver plusieurs jours loin de lui. Lorsque Mme Saint-Martin regroupe les documents éparpillés et clôt le dossier Dior, je prends une grande inspiration car je sais que c'est le moment pour moi de montrer de quoi je suis capable. Ma responsable commercial me laisse la parole afin de lui présenter le dossier et surtout l'approche que j'envisage d'adopter. Elle semble d'abord septique, tant mes propositions sont audacieuses mais petit à petit je vois son visage se détendre. Elle prend de plus en plus de notes tout en hochant la tête et je conclus ma tirade en lui révélant mes dernières trouvailles.
-Récemment, la direction de Royal Beauty a mis en place un nouveau directeur de la création qui n'est autre que Mr Weston. Je vois mes deux auditrices lever vivement les yeux vers moi et je continue. Comme vous le savez, il est très connu dans le monde de la créa pour ses prises de risque et ses décisions souvent audacieuses, parfois surprenantes. Je suis persuadée que si nous lui proposons une gamme de soie classique, il ne prendra même pas la peine d'étudier notre offre, peu importe la qualité de nos produits ou les prix que nous pourrions pratiquer. Nous devons taper fort et nous démarquer avec une offre inédite qui va à contre-courant de nos concurrents. J'ai répertorié tout l'historique des anciennes collections de la maison Royal Beauty ainsi que toutes celles dirigées par Mr Weston depuis le début de sa carrière. Je vous propose donc de travailler en étroite collaboration avec notre service créa et notre service développement afin de créer une collection inédite, spécialement ciblée pour notre futur client.
Une fois mon argumentaire terminé, Mme Saint-Martin me bombarde de questions et l'adrénaline qui s'est déployée dans mes veines lors de ma présentation de projet m'aide à ne pas me démonter. Je suis en train de répondre à toutes ses questions avec précision lorsque la porte située en face de moi s'ouvre. Mr Archer, le visage fermé et les traits tendus, entre dans la pièce avec plusieurs dossiers sous le bras. Il m'adresse à peine un regard et s'installe à côté de ma responsable en lui demandant où nous en sommes. Après avoir obtenu une réponse concise, il se tourne vers moi et me demande de continuer. Son regard est impénétrable, son corps musclé et tendu ne semble pas réagir à ma présence et il se comporte avec moi exactement de la même manière qu'avec les deux autres personnes présentes à côté de nous.
Trois paires d'yeux me fixent, attendant que je reprenne le cours de mon discours. Mais comment pourrais-je ignorer le tambourinement de mon cœur qui s'est déchaîné à la seconde où j'ai posé mes yeux sur mon patron ? Comment pourrais-je faire fi de mon ventre se contractant au souvenir de ses doigts parcourant délicieusement la peau nue de mon bras ? Comment pourrais-je ne pas me délecter de son parfum viril et terriblement enivrant qui a envahi mes narines ? Comment pourrais-je occulter les tremblements de mes membres qui réclament son toucher, comme s'ils étaient déjà en manque ? Mon esprit se noie dans ce tourbillon et je manque de défaillir quand sa voix grave claque dans l'air.
-Mlle Dumin, je n'ai pas toute la journée alors merci de vite terminer votre petit exposé.
Ces mots cassants ont le mérite de me faire redescendre sur terre. La personne qui est en face de moi n'est pas l'homme qui m'a fait voyager dans cet ascenseur. Une pensée s'impose à moi : je ne connais rien d'Ethan Archer et mon corps était prêt à tout lui offrir ce matin.
Je réussis à me raisonner, j'éclaircis ma voix et reprends là où je m'étais arrêtée. La réunion dure encore une quinzaine de minutes pendant lesquelles nous établissons de nouvelles directives. Mes propositions sont validées et je reçois les félicitations de Mme Saint-Martin. Pendant tout ce temps, mon esprit est concentré à ignorer mon patron. Il est d'ailleurs le premier à sortir de cette salle, le téléphone collé à l'oreille, et je peux enfin respirer sereinement. Tout en nous dirigeant vers nos bureaux, Marina me prend le bras et me félicite très chaleureusement. A cet instant, je suis fière de moi car j'ai réussi à relever le challenge quasiment insurmontable qui m'a été attribué. Mais rien n'est gagné, ce n'est que le début.
Galvanisée par le soutien et la confiance de ma direction, je redouble d'acharnement et passe toute mon après-midi à préparer mon brief avec les équipes créa et développement. Je ne vois pas les heures passer, mon ambition a pris le pas sur mon esprit chamboulé et j'ai rarement été aussi efficace un lundi ! Je remarque à peine mes collègues quitter leur bureau, les locaux se vider et le silence emplir les couloirs. La nuit est tombée depuis bien longtemps lorsque je relève la tête et me frotte la nuque. Il est temps que je rentre chez moi.
Je me lève, me tourne et me baisse pour récupérer mon sac à main lorsqu'un bruit de porte qui claque me fait sursauter. Je me retourne vivement et découvre Mr Archer, la main sur la poignée de la porte fermée, qui me dévisage.
Mon patron est dans mon bureau. Il a fermé la porte derrière lui. Il me fixe intensément. Je suis vulnérable. Mon corps réclame ces sensations interdites. Ma tête me crie de partir en courant. Je n'entends que les battements de mon cœur qui explosent. Je suis coincée entre mon bureau et le placard collé au mur. Je n'ai pas d'échappatoire possible. Et mon bourreau s'avance lentement mais sûrement vers moi.
