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15

Lundi 21 novembre

Je suis figée, incapable de faire le moindre geste. Mr Archer est entré dans mon bureau et il s'avance lentement vers moi. Mon cœur a repris sa course folle, la même qu'il a entamé ce matin même dans l'ascenseur. Je suis plus que fébrile, chaque cellule de mon corps tremble mais je ne parviens pas à interpréter ces signes. Est-ce de l'angoisse ? Du stress ? De l'excitation ? Un mélange détonant des trois me semble être la bonne réponse. Alors qu'un cataclysme ne demande qu'à exploser en moi, j'essaie de contrôler ma respiration et d'analyser la situation. Il est tard, a priori nous sommes seuls dans ces locaux et je ne pense pas me tromper en disant qu'une incompréhensible attraction semble naître. Je me force à soutenir son regard afin d'anticiper la suite des évènements. Ce que j'y lis me laisse perplexe.

Mon boss se tient debout, droit, face à mon bureau et ses yeux sont illisibles. Son regard est impénétrable. J'ai face à moi deux boucliers marrons qui empêchent toute introspection. Je n'y lis aucun désir, aucun feu ni aucune urgence. Il n'y a pas d'animosité en lui, j'arrive à peine à discerner un brin de nervosité mais je n'en suis même pas sure. Il est fermé comme une huître et je n'avais encore jamais eu affaire à sa facette neutre. Cela me déstabilise. Je suis sur le point de m'éclaircir la voix pour briser ce silence qui ne s'est pas encore installé entre nous lorsqu'il prend les devants:

-Mlle Dumin, je souhaiterais jeter un œil au dossier Royal Beauty, je veux voir où vous en êtes et analyser plus en détails la direction que vous avez adoptée.

Je ne m'attendais absolument pas à une discussion professionnelle. Sa voix si masculine est posée, calme et maîtrisée et moi, je lutte toujours pour rester de marbre. Et c'est foutrement difficile quand mon corps décide de se rebeller contre ma raison. C'est comme s'il le réclamait, comme si ma peau voulait ressentir à nouveau ses doigts l'effleurer, comme si mon cou n'attendait plus que son souffle chaud... Mais la réalité, c'est que je suis seule dans cet état. Seuls ses poings fermés et ses phalanges blanchies dessinent une ombre au tableau de son attitude détachée et distante. Je suis totalement perdue, à nouveau.

Reprenant mes esprits, je rassemble tous les documents relatifs au dossier bleu, les range convenablement et tends la pochette à mon patron. Ma main ne tremble presque pas et je m'en félicite. Lorsqu'il attrape le dossier, son geste est brusque comme s'il avait peur de se brûler. Ses doigts n'effleurent pas les miens et une vague de déception essaie de se frayer un chemin dans mon ventre. Sans me remercier ni m'adresser un autre regard, il tourne les talons et se dirige vers la porte. Ses fesses sublimement moulées dans son pantalon gris foncé appellent mes yeux et je sens subitement ma bouche s'assécher. Bon sang que cet homme est sexy ! Il repart aussi vite qu'il est arrivé, en laissant la porte entrouverte, seule preuve de son passage éclair. Complètement interloquée par ce qui vient de se produire, je m'assieds sur ma chaise pour reconnecter mes neurones.

Ce matin, notre rencontre a créé des étincelles, provoquant les prémices d'un feu d'artifice dans mon corps et embrumant mes pensées, totalement obnubilées par cet homme qui aspirait tout mon oxygène. Ses mains de part et d'autre de mon corps qui ne me touchaient presque pas, son torse a quelque millimètres du mien, ses yeux qui me déshabillaient lentement... Ces gestes étaient à la fois réfléchis et instinctifs. C'est comme s'il voulait jouer mais qu'il s'était pris au jeu. Et ce soir, alors que nous étions seuls dans une pièce isolée, il a agi comme s'il ne s'était jamais rien passé. Mais moi, j'en suis incapable.

Un éclat de voix résonnant dans le couloir me sort de mes pensées. Je distingue la voix de mon boss suivie d'une voix féminine qui ne m'est pas inconnue mais que je n'arrive pas à démasquer. Des bribes de conversations me parviennent et je tends curieusement l'oreille.

-... réservé une table... je t'attends...

-... seulement trente minutes...

-... presque en retard...

Je distingue alors Mr Archer qui patiente nerveusement dans le couloir, son blouson de cuir délicieusement posé sur ses épaules. Il semble pressé, vu les incessants coups d'œil qu'il jette à sa montre. Mme Saint-Martin le rejoint et sans s'adresser le moindre mot, ils partent ensemble en direction des ascenseurs. Le silence regagne le couloir et je me décide enfin à rentrer chez moi.

En conduisant, je repense encore à Mr Archer et à ses incessantes sautes d'humeur. Même si cet homme semble bien mystérieux, j'ai réussi à décrypter certaines de ses réactions aujourd'hui et j'en suis d'autant plus chamboulée. Dans l'ascenseur, sa respiration saccadée et ses pupilles dilatées ont trahi son trouble malgré son apparente maitrise et ce soir, ses poings serrés me prouvait qu'il se contenait, comme s'il se retenait. Il est apparemment plus fort que moi pour sauver les apparences, même s'il n'a pas complètement réussi. Je n'arrive pas à m'ôter de l'esprit l'idée que je ne suis pas la seule à avoir ressenti cette attirance démesurée, même si ce soir il s'est montré plus froid qu'un iceberg. Je ne sais pas ce que j'attendais de sa visite surprise, surement de reprendre où nous nous en sommes arrêtés ce matin. Et c'est bien pour cette raison que je panique. Je panique même totalement à l'idée que cet homme puisse me mettre dans un tel état en si peu de temps, surtout qu'il s'agit de mon patron ! Je ne comprends vraiment pas ce qui est en train de se passer entre nous, mais cela doit stopper immédiatement.

De toute façon, je suis pratiquement sûre qu'un homme aussi séduisant que Mr Archer doit soit être déjà en couple, soit enchainer les femmes d'un soir. Il n'y a aucune possibilité que derrière son machisme de façade se cache un gentlemen qui attend sagement l'amour. Foutaises ! Le peu de fois où je l'ai côtoyé, j'ai décelé un homme à femmes, conscient de son pouvoir de séduction et qui aime en jouer. N'ayant pas remarqué d'alliance (oui, j'ai déjà vérifié !), je pencherais donc pour cette dernière option. J'imagine la longue liste de ses conquêtes et je mettrais ma main à couper que je ne suis pas la première à avoir été charmé par son aura. Ni la dernière ! Il est hors de question que mon nom figure sur cette liste. Et s'il y a bien un principe auquel je ne dérogerai pas, c'est celui d'une relation stable et douce. Je ne souhaite absolument pas une histoire purement physique, sans sentiment et sans promesse. J'en suis totalement incapable et au delà de cela, je trouve ce genre de relation malsaine. Pour moi, l'amour sentimental et physique sont indissociables. Voilà donc une raison supplémentaire de m'éloigner au plus vite de Mr Archer !

Je rentre chez moi avec soulagement, rassurée de retrouver mon cocon doux et familier. Alors que je suis en train de me préparer à manger, je reçois un appel de Cass.

-Ma Candice, j'espère que tu es en pleine forme ! Et si ce n'est pas le cas, je te conseille de faire une cure de sommeil les prochains jours parce que toi et moi, on va secouer notre popotin jusqu'au bout de la nuit samedi !

-Quoi ? Mais de quoi est ce que tu me parles ? je réussis à bafouiller entre deux rires.

-Toi, moi et peut-être aussi les filles, samedi soir, des cocktails, de la musique et une piste de danse. C'est notre programme et tu n'as absolument aucune excuse pour ne pas m'accompagner.

-Et c'est en quel honneur, ce samedi de folie que tu nous prépares ?

Je connais ma Cassiopée et si elle improvise une soirée c'est qu'elle a soit quelque chose à fêter, soit quelque chose à oublier.

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