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26

                    

Je prends à nouveau quelques minutes pour les étreindre une seconde fois, savourant le bonheur de les avoir tous avec moi pour quelques jours. Petit à petit, mon cerveau reprend ses fonctions et je comprends ce qui se tramait alors ces derniers temps. 

-Espèce de cachottière ! Viens par ici, dis-je d'un ton autoritaire en désignant Julie de mon index dressé. 

Ma colocataire ne bouge pas d'un cil, se contentant de m'offrir un sourire en coin légèrement arrogant. Je m'avance alors pour la prendre dans mes bras et lui murmurer ces quelques paroles à l'oreille : 

-C'est grâce à toi si je ne travaille pas ce weekend et s'ils ont tous pu venir, n'est-ce pas ? 

-Evidemment vieille nouille ! Maintenant j'espère que tu vas en profiter à fond parce que la négociation avec ton patron n'était pas une mince affaire. 

Je lui dépose un bisou sur la joue tandis qu'elle grimace de dégoût pour me taquiner. Je me retourne ensuite vers mes amis et je prends une seconde pour graver dans ma mémoire cet instant de bonheur. 

-Alors c'est quoi le programme de ce weekend ? 

-On s'amuse, on rattrape le temps perdu, on boit et on sort danser ! me lance Cass. 

-On est vraiment obligés de sortir danser ? l'interroge Maxime, une moue boudeuse accrochée au visage. 

-Evidemment ! Tu crois vraiment que je vais passer deux jours avec ma meilleure amie sans aller danser ? 

-Bah, disons que je l'espérais oui. 

-Et je priverais Londres de la beauté de mon cul se dandinant sur le set du DJ dans le meilleur club de la capitale ? Tu devrais savoir mon chéri que je ne suis pas si égoïste ! 

J'éclate de rire au même moment que Julie.

-Ok, cette fille est tarée ! lance-t-elle franchement. 

-Un peu mais tu verras, on s'habitue vite, lui répond Aurore de sa voix douce. 

Gabriel passe son bras autour de sa taille en déposant un léger baiser sur ses cheveux soyeux. 

-Et si on commençait par sortir manger un bout ? propose ce dernier. 

-Bonne idée ! 

Nous attrapons tous nos vestes et nous engouffrons dans le couloir de mon immeuble. Le brouhaha qui résonne entre ces murs vibre autour de mon cœur, le réveillant sans cesse un peu plus en lui insufflant toute cette joie que seuls mes amis savent créer. Nous nous dirigeons vers un pub qui sert le meilleur brunch de la capitale selon Julie. Les rires et les anecdotes s'enchainent, mes amis s'étant apparemment missionnés de me faire part de toutes les situations cocasses dans lesquels ils se sont retrouvés au cours du dernier mois. Je n'oublierai jamais la gêne qui a entaché le visage d'Aurore quand Gabriel nous a raconté le moment où sa mère les a surpris au lit lors d'un weekend en famille.    

Quand le serveur nous apporte une ribambelle interminable de plats tous plus alléchants les uns que les autres, nous nous accordons tous pour reconnaitre que Julie a assuré. Pendant le repas, mes amis me bombardent littéralement de questions. Je leur raconte en détails mon travail au Happiness Forgets, les moments toujours plus drôles et incongrus que me fait vivre Julie et tout ce qui me rend heureuse ici. Je leur parle de ma nouvelle vie qui me comble presque totalement et de la liberté que je ressens. Puis je les écoute me dire combien ils me trouvent changée et à quel point ils sont fiers de ce que je suis en train de bâtir ici. Et moi, je me nourris de leur fierté et de leurs encouragements qui me vont droit au cœur. 

C'est Cassiopée – comme souvent – qui finit par briser la légèreté qui nous animait jusque-là. 

-Bon et avec ton Ethan, tu en es où ? J'espère que tu l'as envoyé chier bien comme il faut ! Je m'en veux déjà assez de lui avoir refilé ta nouvelle adresse. 

            

              

                    

-Ecoute Cass, je... C'est un peu compliqué. 

-Y'a rien de compliqué Candice ! Il n'a aucun droit de revenir maintenant ! Non mais tu réalises tout le mal qu'il t'a fait ? 

-Toi aussi tu m'as fait du mal Cass et je t'ai quand même pardonnée. C'est à moi de décider ce que je veux faire avec lui et à personne d'autre. 

Ma réponse jette un froid polaire autour de la table. Mon amie me regarde avec des yeux ronds comme des billes, totalement éberluée par ma soudaine rébellion. A ma droite, je distingue Julie qui sourie discrètement, le nez plongé dans ses pancakes.

-Je sais Candice mais... c'est juste que je ne veux plus jamais revivre ce qui t'est arrivée. 

-Ne t'en fais pas Cass, je ne laisserai plus rien de tel se produire. 

L'atmosphère s'adoucit au fil de nos sourires qui se retrouvent. Je vois dans le regard de mon amie qu'elle a du mal à se faire à ma nouvelle franchise et je culpabiliserais si je ne me souvenais pas de tout le chemin que j'ai dû parcourir. Gabriel reprend la parole pour me demander de prendre soin de moi et j'acquiesce doucement. Retrouver sa sollicitude me fait un bien fou. 

La journée se termine dans un club huppé que je n'avais encore jamais fréquenté. Après avoir arpenté les rues de Londres et avoir profité d'un moment tout en douceur dans Hyde Park, nous nous déhanchons sur des rythmes endiablés dans la chaleur de cette grande salle sombre. Au milieu de mes amis, je me sens légère et insouciante, comme si je découvrais les bribes d'une jeunesse qu'on ne m'a jamais offerte. Quand je me réveille le lendemain, je ne parviens toujours pas à me défaire de ce sourire béat qui orne mes lèvres. 

J'entends un léger bruit de pas dans le couloir. Au moment où j'ouvre ma porte, je me retrouve nez-à-nez avec Marina qui sort de la salle de bain. J'enfile une veste fine avant de l'inviter à entrer dans mon antre. Nous profitons de ce tête-à-tête improvisé pour discuter en toute tranquillité, confortablement installées sur mon lit. Je prends des nouvelles de son compagnon et suis sincèrement ravie d'apprendre qu'ils projettent de se marier. Elle me parle un instant du cyclone qui a frappé la soierie et de tous les changements qui ont eu lieu. Apparemment, les parents de Mme Saint-Martin ont dû reprendre les choses en main pour ne pas risquer la faillite. Cette nouvelle me fait bizarrement ni chaud, ni froid. Je suis moi-même surprise de m'être autant détachée de cette partie de ma vie. L'instant que je partage avec Marina me rappelle ceux que nous vivions souvent lorsque nous nous retrouvions après le boulot pour décompresser et nous confier l'une à l'autre. C'est sans doute parce que je retrouve ce sentiment de confiance que l'envie me prend de m'épancher. 

-Tu sais Marina, même si mon travail au Hapinness Forgets me plait, je crois que j'ai trouvé ce que je veux faire de ma vie. J'ai envie de suivre une formation pour être professeur de danse et ensuite enseigner auprès de jeunes enfants. Je sens au plus profond de moi que ma place est dans une salle de danse, en face d'une dizaine de petits diables qui me feront tourner en bourrique. 

La sensation qui m'habite quand je termine ma phrase est déstabilisante. C'est comme si je venais de dévoiler mon secret le plus précieux, me mettant à nue de la plus sincère des manières. 

-Mais c'est génial Candice ! Quelle bonne idée ! Tu es douée, brillante et passionnée, aucun doute que tu vas réussir cette formation haut la main. 

Je soupire longuement de soulagement. Soudain, la sonnerie de mon téléphone fissure cet instant confidence. 

Ethan : Est-ce qu'on peut se voir aujourd'hui ? Je n'ai pas envie de passer la journée seul. On peut aller au ciné, au musée, se balader... comme tu préfères. Mais rejoins-moi. 

            

              

                    

Je fronce les sourcils en sentant une désagréable sensation envahir mon corps. L'inquiétude se propage de mes orteils à la racine de mes cheveux, inondant mes veines pour faire baigner mon sang dans une mare de questions sans réponse. Pourquoi insiste-t-il de la sorte ? Pourquoi ce sérieux soudain ? Pourquoi ai-je l'impression que quelque chose m'échappe ? 

Moi : Je suis désolée Ethan mais des amis sont venus me rendre visite ce weekend et je ne peux pas les laisser tomber. Est-ce que tout va bien ? Tu veux qu'on s'appelle pour en parler ? 

Les doigts tremblotants et le cœur légèrement affolé, j'attends de voir sa réponse s'afficher. Quand elle me parvient, elle ne fait qu'alimenter l'ombre qui se déploie au-dessus de ma tête. 

Ethan : Pas grave, laisse tomber. On se voit plus tard. 

-C'est Monsieur Archer ? me demande prudemment Marina. 

Je lève les yeux vers mon amie, toujours profondément perturbée par les mots plus qu'inhabituels d'Ethan. Même s'il a beaucoup changé ces derniers temps, je sens que quelque chose ne va pas. Je hoche doucement la tête avant de placarder un faux sourire sur mon visage pour éviter de lui parler de mes inquiétudes.

-C'est rien. On va rejoindre les autres ? Je crois qu'ils sont réveillés.

Nous quittons ma chambre pour regagner le salon où je découvre que mes amis sont tous en grande forme. Après avoir rangé tous les matelas et sacs de couchage qui ornaient le sol de la grande pièce, nous nous attablons pour un copieux petit déjeuner. Les conversations vont bon train mais nous n'arrivons pas à décider ce que nous allons faire aujourd'hui. C'est Aurore qui finit par clore le débat en faisant une proposition qui remporte l'unanimité : 

-Et si nous montions dans le London Eye pour prendre de la hauteur ? 

Immédiatement, nous nous mettons en route pour le cœur de la capitale sous un ciel voilé. L'air est frais ce matin et le soleil peine à montrer le bout de son nez mais cela n'entache en rien la bonne humeur qui règne autour de moi. Sur le chemin, Cassiopée se poste à mes côtés et ralentit le pas afin de nous isoler un peu du groupe. 

-Ecoute Can-can, je suis désolée pour hier. Je ne voulais pas te faire de peine mais le truc, c'est que je m'inquiète vraiment pour toi. Je ne comprends pas, tu semblais décidée à tirer à trait sur cet abruti et j'apprends aujourd'hui que tu es en train de lui laisser une autre chance ? 

-Je sais que tu ne veux que mon bien Cass, mais il va réellement falloir que tu apprennes à respecter mes choix, même si tu ne les comprends pas. Il s'est excusé, il s'est expliqué et il fait tout aujourd'hui pour me prouver qu'il a changé. C'est à moi de décider s'il me mérite ou non. 

-Ok... je vais essayer de faire de mon mieux pour fermer ma gueule. Et sache que je serai toujours là pour toi, même si je merde une fois sur deux ! 

J'enlace mon amie, soulagée de voir qu'elle fait des efforts pour m'accepter enfin comme je suis. Bras dessus, bras dessous, nous rattrapons le reste du groupe qui commençait à prendre une bonne longueur d'avance. Après une bonne petite marche, nous arrivons enfin au pied de la grande roue. Maxime et Gabriel proposent d'aller acheter nos billets pendant que nous nous réchauffons auprès d'un vendeur de châtaignes grillées installé au pied d'un arbre rougeoyant. Les premières saveurs de l'automne nous accompagnent tandis que nous nous délectons de cette dernière journée tous ensemble.

Après une longue attente et une douce ascension, notre cabine atteint le point culminant de la grande roue. Je suis figée en face des immenses baies vitrées qui nous offrent le plus beau spectacle qui existe dans cette ville. Devant moi se dressent House of Parliament, Westminster Palace, Big Ben ou encore Buckingham Palace mais mon esprit reste embrumé par des effluves d'Ethan que je sens fourmiller dans mes veines. Gabriel se poste à ma gauche, le regard rivé sur tous les bâtiments qui nous saluent. 

            

              

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