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Samedi 2 septembre

                              

Ma tête valdingue dans tous les sens depuis deux jours. Ou peut-être est-ce simplement mes pensées qui fusent si vite qu'elle s'écrasent quelques fois contre les parois de mon crâne. A vrai dire, je ne sais plus grand-chose actuellement. Je suis sous le choc depuis qu'Ethan a fait irruption chez moi il y a un petit peu plus de quarante-huit heures et je n'ai pas franchement été capable de penser à autre chose. Ses paroles tournent en boucle dans ma tête mais ce n'est rien comparé à son visage qui est resté placardé sur mes rétines depuis qu'il a quitté mon appartement. Je me rappelle de chacun de ses traits fatigués, de la faible lueur qui éclairait encore son regard et de tous les mouvements que ses lèvres ont fait quand il m'a dit « je t'aime ».

                              

Je crois que je ne pourrai jamais oublier le son de ces mots quand ils ont flotté autour de moi. Leur goût quand ils se sont posés sur mes lèvres. Le parfum apaisant qu'ils ont créé entre nous. Et la douceur qu'ils ont insufflée sur mes cicatrices enfouies. 

                              

Même si je n'ai rien pardonné à Ethan, je suis maintenant profondément soulagée de savoir qu'il a été sincère dans tout ce nous avons vécu. Alors j'essaie naïvement de me persuader que sa déclaration va enfin me permettre de tourner la page mais la vérité, c'est que je me berce d'illusions. Depuis qu'il est revenu, je ne pense qu'à lui, à nos souvenirs heureux et à la douleur qui enfle dans ma poitrine de le savoir à la fois si près et si loin de moi. C'est comme si j'avais replongé et qu'il m'en fallait plus, toujours plus. Je l'aime autant que je lui en veux et je n'en peux plus de me battre avec tous ces sentiments contradictoires. 

                              

Quand j'entends ma colocataire fourrer ses affaires dans son sac de sport en chantonnant à tue-tête, je comprends qu'elle s'apprête à partir. Cette fille ne tient littéralement pas en place ! Je la rejoins et toque doucement à la porte de sa chambre. 

                              

-Tu sors ? 

                              

Les cheveux noués en un chignon totalement décoiffé, elle relève la tête en souriant tout en enchainant des gestes rapides et saccadés. 

                              

-Oui ! J'ai mon cours de danse qui commence dans trente minutes et je suis...

                              

-A la bourre. Comme d'hab ! la coupé-je en lui lançant un clin d'œil. 

                              

Elle ricane tout en amoncelant ses vêtements dans son sac puis elle tire la fermeture éclair d'un geste énergique. Quand je l'observe croquer la vie à pleines dents, je sens un regain de motivation se diffuser dans mes veines. C'est décidé, la routine quasi monacale que je me suis imposée ces derniers jours après la visite d'Ethan est terminée ! 

                              

-Je peux faire un bout de chemin avec toi ? 

                              

-Bien sûr ! 

                              

Je me dépêche d'enfiler mes sandales et d'attraper mon sac à main avant de sortir retrouver l'air chaud de la capitale anglaise. Aussi surprenant que cela puisse paraître, les températures affichent encore 24 degrés en ce début septembre. Je souris distraitement en sentant les rayons du soleil réchauffer ma peau légèrement dorée et nous nous mettons en route. Depuis que les médecins m'ont autorisée à marcher, je passe mes journées dehors à savourer les plaisirs simples de l'été. Moi qui étais plus blanche qu'un fantôme il y a encore deux mois, je ne suis pas peu fière d'avoir retrouvé une couleur plus... humaine !

                              

L'été touche à sa fin, les voitures ont à nouveau envahi les routes de la capitale et les travailleurs s'activent sur les trottoirs, la mine fermée et le téléphone greffé à l'oreille. Julie a repris ses cours de danse, son travail et ses sorties et moi, j'ai envie d'avancer. Quand je me suis relevée de mon accident, je m'étais promis de profiter intensément de la vie et il temps que je me prenne en main. 

                                          

              

                    

-Tu vas faire quoi aujourd'hui ? m'interroge Julie. 

-J'en sais rien... J'en ai marre de rester coincée à l'appartement et je crois que ma période « touriste de base » est révolue. Tu vois... toi tu vis à cent à l'heure et tu n'as jamais une minute à toi. Et bien, moi aussi je veux retrouver ce rythme de vie. Je ne veux plus être spectatrice de la vie des autres, je veux tellement user la mienne qu'il n'en restera que des souvenirs heureux. 

-Alors il ne tient qu'à toi de faire changer les choses Candice, me répond-t-elle avec un petit sourire décorant les coins de sa bouche. 

-Je sais. J'ai envie de trouver un petit boulot. Mes économies fondent à une vitesse inquiétante et je voudrais me sentir active mais je ne sais pas vraiment où chercher. 

-Qu'est-ce que tu as envie de faire ? 

-N'importe quoi sauf quelque chose qui me rappelle mon ancienne vie parisienne. 

Julie hoche la tête sans rien dire, compréhensive. Je veux définitivement oublier tout ce qui pourrait me rappeler mes erreurs passées. Si j'ai fait des études de commerce international, c'est uniquement parce mes parents ont orienté mon choix. Mais le plus triste dans tout cela, c'est que si quelqu'un m'avait demandé à l'époque ce que je voulais faire, je n'aurais pas su lui répondre. Mes parents avaient déjà la main mise sur ma vie et j'étais incapable d'être réellement moi-même. Aujourd'hui, je m'offre donc la possibilité de repartir de zéro, de trouver ma voie et de m'épanouir dans ce qui donnera un but à ma vie. Reste maintenant à découvrir de quoi il s'agit. 

-Si tu veux, je peux te filer des adresses de sites internet et le nom des journaux qui diffusent des annonces.  

Nous arrivons à hauteur du studio de danse où Julie passe un nombre incalculable d'heures. Je le regarde avec de grands yeux émerveillés, mes jambes me démangeant déjà à la simple idée de fouler à nouveau le parquet. La danse me manque viscéralement. Cette discipline a toujours fait partie de moi et elle m'a aidée à grandir, à me protéger et à avancer malgré les tempêtes. Depuis quelques semaines, je réfléchis sérieusement à recommencer à danser mais j'ai peur que ce soit encore un peu tôt. 

-Candice, pourquoi tu ne m'accompagnerais pas à un de mes cours de danse ? me demande Julie en tournant brusquement la tête vers moi.

-Je crois que c'est encore un peu tôt. Le médecin de l'hôpital m'a conseillé d'attendre six mois avant de reprendre le sport. 

-Mais tu en as envie ? 

-Putain oui ! 

Ses yeux s'écarquillent avant qu'elle n'éclate de rire. 

-Merde Candice, je commence à déteindre sur toi ! Et je vais pas te cacher que ça me plait énormément de te décoincer un peu ! 

Je lève gentiment les yeux au ciel avant de la pousser en direction de la porte du studio. 

-Allez, file au lieu de dire des bêtises. Tu es déjà bien assez en retard !

-Oh putain ! J'avais pas vu l'heure ! s'écrie-t-elle en jetant un œil à sa montre. A ce soir ma poulette ! 

Elle trottine jusqu'au studio mais avant de franchir le seuil, elle s'arrête et fait demi-tour en courant pour me rejoindre.

-File-moi vite un papier et un stylo Candice !  

Je m'exécute et la regarde noircir la page blanche. Elle me rend rapidement la feuille avant de reculer tout en me regardant. 

-Consulte déjà ces sites. Si tu ne trouves rien, j'appellerais quelques potes pour voir si quelqu'un peut nous trouver un plan. 

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