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15

                    

De l'autre côté de la porte, Ethan a de plus en plus de mal à se débattre silencieusement avec son impulsivité. Ses mains ne cessent de fouiller nerveusement ses mèches brunes, ses épaules sont plus tendues que jamais et sa mâchoire menace presque de se briser tant il n'arrive plus à accepter cette distance vitale que je nous impose. Après quelques secondes électriques, je remarque que ses pupilles dévient plus bas, se posant sur la naissance de ma poitrine cachée sous la serviette enroulée autour de mon corps. Instantanément, je sens monter une vague de chaleur qui me dégoûte. Comment puis-je encore aimer son regard gourmand ? Profondément agacée par tous ces sentiments ambivalents, je le fusille à nouveau du regard avant de me décaler pour le laisser entrer. 

-Je vais m'habiller. 

Quand je me retourne, je sens encore son regard brûlant lécher mes jambes nues. Je le déteste autant que je me déteste. J'enfile sans réfléchir un débardeur blanc et un short en jean's puis je me dépêche de rejoindre Ethan dans le salon. A cet instant précis, je n'ai plus peur de l'affronter. Au contraire, je veux qu'il sache tout le mal qu'il m'a fait. Je veux qu'il prenne conscience qu'il ne fait plus partie de mon présent et encore moins de mon futur. 

Je regagne le salon à grandes enjambées, pressée d'en finir. Même si mon cœur est aussi déchainé qu'un océan en pleine tempête, je ne me laisse pas submerger par tout ce que j'ai pu ressentir pour cet homme dos à moi qui tourne comme un lion en cage. Quand je pénètre dans cette pièce tout à coup beaucoup trop petite pour accueillir toute ma colère et toute son inquiétude, Ethan se fige, comme s'il sentait silencieusement ma présence. Il ne perd pas une seule précieuse seconde pour se retourner et essayer de s'accrocher désespérément à mes iris impétueux. Ses épaules s'affaissent au moment où il se heurte au mur de glace que je lui offre mais au lieu de m'en réjouir, mon traitre de cœur se met à me faire mal. Très mal. 

Je ne réalise que maintenant que l'homme qui me fait face n'est pas celui que j'ai déraisonnablement aimé. Il lui ressemble certes mais ses prunelles rougies et tristes ne sont pas les siennes. Son visage aussi fatigué que résigné ne lui appartient pas. Son t-shirt décontracté et son short de sport ne peuvent pas envelopper ce corps dont je me souviens dans les moindres détails. Mais au moment où je verrouille mon regard au sien, je comprends. Je ne suis pas la seule à souffrir de ce qui nous est arrivé. Lui aussi est bousillé. Il ne reste pratiquement rien de celui qu'il était il y a quelques mois, tout comme celle qu'il a connue n'a laissé que des miettes à celle que je suis devenue. 

Je dépose alors les armes, soudain trop abattue pour me lancer dans un énième combat. A quoi bon ? Tout est terminé, nous ne sommes tous les deux plus que l'ombre de nous même. Nous devons juste nous dire au revoir et nous oublier. 

Je souffle, mon corps s'affaissant instantanément sous le coup de cette prise de conscience bien trop amère après l'éclat aveuglant dont mon cœur a été abreuvé quand nous ne faisions qu'un. Je détourne les yeux et m'assois sur mon canapé tout en sachant pertinemment qu'il va me suivre. Je sens le regard d'Ethan calciner chaque parcelle de peau qu'il caresse quand il me rejoint. 

-Candice, je... tu... putain je... j'ai cru que je ne te reverrai jamais ! 

Sa voix est faible et cassée. Il n'a plus rien de l'homme sûr de lui et arrogant que j'ai rencontré. J'aimerais que mon cœur ne s'affole pas à l'entente de ces quelques mots mais s'il y a bien une chose qui n'a pas changé, c'est sa fougue. Quand Ethan est près de moi, mon organe vital n'en fait qu'à sa tête. 

-J'ai passé des mois à te chercher, à essayer de comprendre où tu avais bien pu disparaître. J'ai... j'ai cru que j'allais devenir fou bordel ! 

Si ses mots sont toujours aussi fougueux, ils naissent désormais dans une supplique. J'en frissonne. 

-Comment m'as-tu retrouvée ? 

            

              

                    

-Grâce à ta copine, Cassiopée. J'ai réussi à entrer en contact avec elle il y a une dizaine de jours mais elle ne voulait rien me dire. Je... je l'ai suppliée comme un con pendant des jours, j'ai... je n'y arrivais plus sans toi. Elle a fini par craquer, je devais sans doute être tellement pitoyable que j'ai dû lui faire pitié. Mais j'en ai rien à foutre Candice, la seule chose qui compte c'est que je puisse enfin voir de mes propres yeux que tu vas bien. J'ai... j'ai imaginé le pire pendant ces putains de mois, j'ai cru que... (Il frotte rageusement son visage d'une main comme pour effacer toutes les pensées qui l'ont torturé). J'ai tellement de choses à te dire, tellement de choses à t'expliquer... 

-Ca ne servira à rien Ethan. Je me suis construit une nouvelle vie ici et tu n'en fais plus partie. 

Brusquement, Ethan ferme quelques secondes les paupières en fronçant les sourcils. Comme si mes mots étaient des poignards aiguisés qui le transperçaient en plein cœur. Sa douleur irradie sur son visage éreinté. 

-Non Candice, je... tu dois savoir. Il faut que je te dise que j'ai passé des mois à remuer ciel et terre pour te retrouver. Que je m'en veux et que je m'en voudrai sans doute toute ma vie pour ces putains d'erreurs que j'ai commises. Que j'ai quitté Rose et lâché la soierie le jour où tu es partie. Que je passe mes jours et mes nuits à essayer de te retrouver depuis presque cinq mois. Que plus rien n'a d'importance à part toi. Que tu me manques et que je crève à petit feu sans toi. Que je n'ai plus rien, plus d'argent, plus de boulot, plus de maison, plus de voiture mais que je m'en tape. Je... j'ai compris que trop tard qu'on avait pas besoin de toutes ces conneries. Je n'ai besoin que de toi Candice, rien que de toi. 

Tous les mots que je rêvais d'entendre s'insinuent malgré moi dans ma chair alors que tout se bouscule. Mes certitudes chavirent, dévoilant un nouveau gouffre dans lequel je n'ai plus le droit de me noyer. Quand il termine sa tirade, ses iris noisette brillent d'une lueur de désespoir qui me désarçonne. 

-C'est trop tard Ethan, j'ai bien trop souffert. Tu... tu m'as menti, tu m'as trahie et tu as failli me détruire. Je ne pourrai plus jamais avoir en confiance en toi. 

L'homme qui m'ouvre son cœur se recroqueville imperceptiblement quand mes mots l'atteignent. Son visage autrefois illisible ne me cache aujourd'hui plus rien. Ni les regrets qui le rongent, ni la culpabilité qui l'assaille, ni la douleur qui le brise. 

-Je comprends Candice, c'est normal. J'ai merdé... j'ai merdé comme un con mais la vérité c'est que j'avais tellement peur que tu partes que j'ai laissé mes mensonges bâtir une forteresse autour de toi pour t'emprisonner. J'étais terrifié à l'idée de te perdre. Tu... il ne me restait plus que toi, je n'ai jamais su retenir les gens que j'aimais alors au lieu de te faire confiance, j'ai préféré tout gâcher en te mentant. Je m'en voulais mais j'avais beaucoup trop peur que tu me quittes pour faire autrement. 

Je connais ses failles, son passé et ses traumatismes. J'ai conscience qu'il a été élevé dans le mensonge, la violence et le mépris. Mais même s'il a réalisé avoir tout fait de travers, je ne peux pas prendre le risque qu'il recommence. 

-Ca ne change rien Ethan. 

Soudain, il fond sur moi et agrippe mes mains de tout le désespoir qui l'habite. Sa poitrine frôle la mienne, son cœur bat contre le mien et nos souffles se mélangent. Je devrais reculer, le repousser mais je n'y parviens pas. Mon cerveau a disjoncté. Sentir sa peau chaude qui retrouve mes mains glacées embrase tous les souvenirs que je tentais désespérément de chasser. Et l'espace de quelques infimes secondes, je replonge. 

-Laisse-moi te faire découvrir celui que je suis réellement. Pas le patron. Pas l'homme marié. Pas le con qui gâche tout. Simplement l'homme perdu sans la femme de sa vie. Celui qui se réveille chaque matin en agonisant de ne pas te sentir à ses côtés. Celui dont la moitié de son cœur est mort le jour où tu l'as quitté. Celui qui t'aime à en crever. 

Il marque une pause, me laissant le temps de goûter les derniers mots qu'il vient de prononcer.

-Je t'aime Candice. Je t'aime pour la première fois de toute ma vie. Je t'aime comme un con qui ne sait pas quoi faire de tous ces sentiments aussi terrifiants qu'exaltants. Je t'aime quand tu fermes les yeux pour chantonner en voiture. Je t'aime quand tu enlèves les petits grains de sucre avant de croquer dans une brioche. Je t'aime quand tu caresses ma barbe sans même t'en rendre compte. Je t'aime quand tu te réveilles avec les cheveux complètement ébouriffés. Je t'aime quand ta bouche forme un « O » parfait parce que je te dis que j'ai envie de toi. Je t'aime quand tu grognes parce que tu ne comprends rien à l'informatique. Je t'aime quand nos pieds s'emmêlent pendant notre sommeil. Je t'aime quand tu mordilles paresseusement tes lunettes. Je t'aime quand tu soupires mon prénom après l'amour. 

Je ne respire plus vraiment mais ça n'a pas d'importance. Ethan se rapproche encore un peu de moi, laissant ses mots quitter ses lèvres charnues pour venir se déposer directement sur les miennes, avides de ces sensations oubliées.

-Je t'ai aimée quand tu étais frêle mais que tu me tenais tête. Je t'ai aimée quand tu t'es laissée aller dans mes bras pour la toute première fois. Je t'ai aimée quand tu m'as tout donné aveuglément. Je t'ai aimée quand on se mentait. Je t'ai aimée quand tu m'as quitté. Je t'ai aimé à chaque seconde de chaque jour que j'ai passé sans toi depuis. Et rien ne pourra changer cela. 

Mon cœur cogne si fort dans ma cage thoracique qu'il déchire presque la peau de mon sein. Je me noie dans tous les mots que je viens d'entendre mais la pression des mains d'Ethan s'accentue quand il termine de balayer tous mes remparts.  

-Laisse-moi te montrer celui que je suis réellement, sans tous les mensonges et les conneries que je traine depuis des années. Je ne t'abandonnerai pas Candice, pas cette fois.

            

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