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A peine ai-je terminé ma tirade que je vois déjà son visage se fermer et se cacher derrière son masque impassible. Son corps se raidit et son regard me quitte pour scruter rapidement la pièce. Je n'ai pas le temps de réagir qu'il a déjà enfilé son pull et son manteau.
-Mais... ? Qu'est-ce-que tu fais ?
Ignorant totalement ma question à la limite de la supplique, il sort brusquement de mon appartement et me laisse seule au beau milieu de mon salon. Ce n'est pas possible ! Il ne peut pas fuir à la moindre contrariété, il n'en a pas le droit ! Je cours jusqu'à ma porte et l'ouvre rapidement pour le rattraper quand je découvre avec stupeur qu'il est en réalité assis dans mon couloir, le dos adossé au mur à ma gauche, sa tête logée entre ses mains. Je m'arrête net, ne sachant comment réagir. Quand je me décide enfin à l'approcher à pas de velours, il relève la tête vers moi et son regard froid ne m'aide pas à comprendre la situation.
Je m'accroupis en face de lui mais il n'esquisse aucun geste. La distance qu'il a instaurée si rapidement entre nous est impressionnante. Son corps ne réagit pas au mien et son regard reste fermement barricadé derrière son armure protectrice. D'habitude, quand il agit de la sorte, c'est pour me blesser verbalement ou pour fuir mais aujourd'hui, il ne fait ni l'un ni l'autre. Il s'est simplement retranché derrière son masque pour mieux se défaire de moi. Et je n'aime pas du tout cette idée.
-Ethan, parle-moi s'il te plait.
Un silence de plomb me répond. Les prunelles vides de mon homme sont toujours posées sur moi mais un froid glacial les accompagne. Je pose délicatement ma main sur sa joue pour le ramener à moi mais il ne réagit toujours pas. Seuls ses beaux yeux semblent papillonner mais il se reprend rapidement, comme s'il faisait tout pour ne pas flancher.
-Explique-moi.
Mes doigts dessinent toujours une aquarelle invisible sur sa barbe rêche quand mes lèvres effleurent précieusement les siennes. Je l'entends libérer un long souffle qu'il semblait retenir depuis une éternité mais c'est au moment où ses épaules s'affaissent que je comprends que j'ai gagné cette bataille.
-Putain Candice, tu ne peux pas jouer à ça avec moi !
-A quoi ?
-A me pousser à bout. J'agis toujours comme un con dans ces moments là, toujours. Pour toi... pour toi j'essaie de devenir un mec bien mais quand ton connard d'ex débarque et que tu me jettes pour passer un moment avec lui, c'est juste pas possible !
Nous communiquons. Nous y arrivons enfin. Un sourire légèrement niais nait sur mon visage mais je m'en fiche royalement.
-Déjà Ethan, je ne t'ai pas jeté. J'ai très mal agi avec Gabriel et nous avions besoin d'avoir une discussion pour enfin terminer correctement les choses. Ce n'est pas parce que je passe du temps avec d'autres hommes que je te tourne le dos. Tu... tu es dans mon cœur... et rien ne pourra jamais changer cela.
-Promets-le moi !
Les larges mains de mon homme se posent brutalement sur mes joues, prenant ainsi mon visage en coupe et ses yeux maintenant délestés de leur armure m'implorent de le rassurer. Mes doigts s'agrippent à son pull et je me fonds contre son torse. Cœur contre cœur, ce moment n'appartient qu'à nous.
-Je te le promets Ethan, quoiqu'il arrive tu fais partie de moi.
Nos lèvres scellent ma promesse pendant que les bras d'Ethan m'enveloppent de toute l'urgence et la douceur dont il sait faire preuve. Non sans mal, nous nous relevons sans jamais nous décoller l'un de l'autre et nous regagnons mon appartement. Pendant que mon compagnon prend quelques instants pour se servir à boire, j'attrape mon téléphone et pianote rapidement un message à Gabriel.
Moi : J'espère que tu ne m'en veux pas, rien n'était calculé ni prémédité. J'ai conscience de t'avoir fait du mal et je m'en veux énormément. Tu es une personne extraordinaire et j'aimerais que nous puissions rester en bons termes.
Je ne me cache pas pour écrire ce message si bien que lorsque mon homme passe derrière moi et jette à un œil à mes mots, je l'entends grommeler de mécontentement. Il tend son bras pour attraper mon téléphone mais je me dérobe au moment même où la réponse de Gabriel me parvient.
Gabriel : Merci Candice, je te crois. Maintenant, prends soin de toi.
Je souris, touchée par la beauté du cœur de celui qui n'a pas réussi à faire vibrer le mien. Plusieurs minutes plus tard, la tempête est enfin passée. Je suis assise à califourchon sur mon homme, ma peau cajolant continuellement la sienne. Il a retiré son pull, ce qui me permet de laisser ma bouche s'exprimer sur son torse sculptural.
-Tu sais... je n'ai jamais connu ça avant... je lui murmure entre deux baisers humides sur sa peau chaude.
Ses mains s'infiltrent sous le tissu de mon petit short de nuit, à l'arrière de mes cuisses et ses doigts ne perdent pas une seconde pour s'enfoncer délicieusement dans ma chair.
-De quoi ?
Malgré moi, mon corps se met à onduler doucement au rythme de sa voix rauque
-Cette envie, ce besoin de constamment te voir, te toucher et t'embrasser.
Les mains d'Ethan quittent mes cuisses pour plonger dans mes cheveux afin de relever ma tête. Mon regard gourmand retrouve le sien et je me fige littéralement devant le sérieux qui l'habite maintenant.
-Moi non plus Candice. J'ai... j'ai eu que des histoires de merde mais toi... putain, toi t'es... Je ne connais pas le mode d'emploi pour ce qui nous arrive, alors ouais, je fais souvent des conneries. Mais c'est parce que j'ai trop peur de te perdre.
Mes joues rosissent instantanément et par reflexe, ma main vient se poser contre son pectoral gauche. La musique qui s'infiltre alors en moi est remplie de fausses notes mais c'est ce qui fait sa beauté. Son imperfection est parfaite pour moi.
-Je suis heureuse que tu ne sois pas parti ce soir.
Mes mots ne sont que des petits chuchotements lancés dans la pénombre mais Ethan les accueille un à un avec un minuscule petit sourire. En réalité, son sourire est presque invisible mais pas à mes yeux. Il résonne dans mon âme, comme s'il s'apprêtait à me dévoiler des secrets précieux qu'il avait longtemps enfouis.
-Je ne pouvais pas. J'ai détesté toutes les conneries que tu m'as dites mais... même si j'ai voulu te laisser là, même si j'ai voulu te faire payer ce que tu m'as fait, j'ai pas pu. Je suis fatigué de m'enfuir et de faire semblant de ne pas morfler.
Son corps danse maintenant imperceptiblement avec le mien.
-Alors ne me tourne plus jamais le dos...
Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'Ethan dévore déjà ma bouche de ses lèvres impitoyables. Son baiser est un mélange de soulagement, d'excuses et de reproches. Je l'accueille avec délectation, je sais pertinemment que nos différences et son caractère explosif nous mèneront à de nouvelles disputes et qu'il faut que j'apprécie le moment présent. L'incertitude qui plane au-dessus de nous m'effraie beaucoup trop.
