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Ethan se racle bruyamment la gorge à côté de moi pour bien me faire sentir que cette petite scène ne lui plait pas du tout mais je ne veux pas traiter Gabriel comme un étranger. Je me tourne alors vers lui et lui demande, d'une voix assurée :
-Tu peux nous laisser une minute s'il te plait ?
-Pardon ???!
La voix grave et pleine de colère d'Ethan claque dans l'air mais je ne sourcille pas. Je commence à le connaître, il aboie mais ne mord pas et j'ai besoin qu'il me laisse seule avec Gabriel pour pouvoir m'excuser.
-S'il te plait Ethan.
Il me toise quelques secondes de ses billes brunes aussi tranchantes qu'une lame mais finit par céder. Je l'observe rejoindre mon salon avant de poser à nouveau mon regard sur celui de Gabriel. Son visage calme et doucereux est entaché de toute la peine que je lui ai causée mais il fait tout son possible pour ne pas me le montrer.
-Je suis désolée Gabriel.
-Je n'en reviens pas... murmure-t-il avant de se prendre la tête entre les mains. Tu... toi et ton patron ? Je... je ne sais même pas quoi dire.
-Je ne voulais pas te faire de peine ce soir, si j'avais su que tu allais passer, je...
-Non mais Candice, que ce soit bien clair entre nous : aujourd'hui tu fais ce que tu veux. On est séparés depuis presque deux mois maintenant. Ce qui me fait mal en revanche, c'est que tu m'aies menti. Et utilisé.
-Mais... pas du tout !
-Bien sur que si ! rétorque-t-il en haussant la voix. Tu m'as fait croire qu'il n'y avait pas d'autre homme alors que j'ai vu de mes propres yeux que quelque chose se passait entre vous. J'ai cru... comme un idiot j'ai cru que tu avais tiré un trait sur lui mais...
-J'ai essayé Gabriel, je te le promets. Le jour où tu m'as rejoint à la soierie, j'essayais désespérément de passer à autre chose. Mais j'étais libre, je ne t'ai pas menti.
-Tu n'étais pas libre dans ta tête ni dans ton cœur. Chaque minute que nous avons passée ensemble était faussée par ton esprit qui appartenait déjà à un autre. Tu n'as pas eu le cran de me l'avouer, tu m'as simplement laissé tomber amoureux de toi et t'aider à remonter la pente. Où était-il le jour où je t'ai récupérée complètement trempée et frigorifiée au bord de cette route ?
Je reste coite, estomaquée par sa rancœur qui me déchire le cœur. Je ne voulais pas mal agir mais je dois bien avouer que j'ai totalement échoué.
-Non mais de mieux en mieux ! reprend-t-il. Ne me dis pas que c'est lui qui t'as mise dans cet état et que tu m'as appelé pour que je t'aide à l'oublier ?
-Non ! Je t'ai dit la vérité quand je t'ai expliqué la situation avec mes parents.
-Mais ça n'empêche pas que tout ce que tu cherchais dans mes bras, c'était à l'oublier.
Je baisse les yeux, trop honteuse pour affronter son regard.
-Ca me déçoit Candice. Peut-être que toi tu faisais semblant, mais moi je me suis donné entièrement à toi. Je ne t'ai jamais caché mes intentions, tu aurais pu être honnête avec moi. Tout ce que nous avons partagé n'est finalement qu'un tissu de mensonges et de faux-semblants.
-Je... non Gabriel, ce n'est pas vrai ! Je n'aurais pas pu être honnête avec toi parce que je ne l'étais pas avec moi-même. J'ai longtemps lutté, j'ai refoulé mes sentiments et j'ai voulu me concentrer sur toi mais je n'ai pas réussi à m'investir totalement.
Je m'avance d'un pas pour poser ma main sur son bras mais Gabriel se fige. Il ne me fait plus confiance, il ne me voit même plus de la même manière. Je plonge doucement mon regard dans le sien quand ma paume rejoint finalement son épiderme et il reste immobile.
-Gabriel, je suis sincèrement désolée pour toute la peine que je te cause. Je ne voulais pas tout cela. Tu as sûrement raison pour tout ce que tu me reproches mais je te jure que ce n'était pas intentionnel.
-Est-ce que tu es heureuse maintenant ?
-Oui.
Je lui ai répondu si vite que mon cerveau ne peut pas être l'auteur de ces trois petites lettres. Seul mon cœur peut se montrer si fougueux.
-En es-tu sûre ? Je veux dire, tu as le teint pâle et tu as dû perdre un tas de kilos pour être si maigre aujourd'hui. Tu ne ressembles pas franchement à une fille nageant dans le bonheur !
-Oui j'en suis sûre, je souffle, légèrement agacée que tout le monde mette constamment ma fatigue et ma perte de poids sur le tapis.
Alors que Gabriel commençait tout doucement à se relâcher, je vois son regard bifurquer derrière mon dos. Ses sourcils se froncent au même moment où il éloigne son corps du mien. Ma main retombe le long de mon corps mais Ethan l'attrape rapidement et me tire brusquement à lui. Je rebondis contre son torse et m'apprête à l'enguirlander lorsqu'il prend la parole.
-C'est bon, je crois que vous avez assez parlé, grogne-t-il les dents serrées.
Je me retourne vivement et secoue le bras pour me dégager de sa prise. Non mais pour se prend-t-il pour nous parler de la sorte ?
-Ethan !!!
-Laisse, Candice. Je n'ai plus rien à faire ici de toute façon. Fais juste attention à toi s'il te plait. Ne t'embarque pas dans un truc qui est en train de te détruire, je tiens trop à toi pour ça.
-Putain mais stop ! Je ne veux plus te revoir ici, c'est compris ?
Les paroles d'Ethan s'abattent violemment dans l'air et me coupent littéralement la respiration. Sa possessivité est totalement déplacée et presque humiliante pour moi ! Gabriel me lance un dernier regard lourd semblant signifier une nouvelle fois « fais attention » et disparaît dans les escaliers. Quand j'entends la porte de l'immeuble claquer, je me retourne vers Ethan, le corps noyé sous une vague tonitruante de colère.
-Non mais ça ne va pas Ethan ? Mais pour qui te prends-tu ?
C'est la première fois que je lui hurle au visage mais mon courroux ne semble pas avoir l'effet escompté. Au lieu de réaliser qu'il vient très largement de dépasser les bornes, sa rage prend possession de lui et s'abat froidement sur moi.
-Je suis ton mec bordel ! Aucun connard n'a le droit de venir ici faire son petit numéro. Sois déjà contente que j'ai maitrisé mes mots et que je ne l'ai pas foutu moi-même dehors !
-Etre mon mec comme tu dis ne te donne aucun droit. Je fréquente qui je veux, je parle à qui je veux et tu n'as absolument rien à dire !
-Putain mais je rêve en fait ! Tu te fous de ma gueule Candice ?
-Pas du tout. Il faut que tu arrêtes de vouloir contrôler mes fréquentations.
Ethan s'éloigne de moi et commence à faire les cents pas dans mon salon. Je remarque facilement que notre confrontation le met hors de lui mais qu'importe, je ne me laisse plus faire. Soudain, il se retourne brusquement et fourre ses poings serrés dans les poches de son jogging.
-Tu... tu comprends rien Candice. Je fais mon maximum pour arrêter de dire des conneries et gérer ce genre de merde mais je te retrouve en train de le peloter ! Comment veux-tu que je réagisse ? Ca me rend dingue !
-J'étais juste en train de m'excuser pour mon comportement Ethan, c'est tout. Si tu ne peux pas comprendre que j'ai des relations amicales avec certains hommes, alors on va avoir un très gros souci.
