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18  

Forte de ces bonnes résolutions, je relève la tête, plus déterminée que jamais. Mon ordinateur est maintenant allumé et je consulte machinalement ma boite mail. Les affaires ne se sont pas arrêtées pendant ma semaine de congé et c'est tant mieux. Je ne sais rien faire de mieux qu'anesthésier mes pensées en me tuant à la tâche. Au milieu des dizaines de mails qui vont m'occuper les prochains jours, je repère un message envoyé par Ethan.

Bonjour à tous, 

La direction vous convie à ses traditionnels vœux pour démarrer la nouvelle année. Rendez-vous lundi 2 janvier dans la grande salle de réunion du second étage à 17h. 

Bonne journée à tous. 

J'ai envie de rire tellement ce message ne lui ressemble pas. Aucun doute que quelqu'un l'a rédigé pour lui ! En revanche, l'idée de devoir l'observer réciter un discours qui l'ennuie d'avance me fait immédiatement ravaler mon rire. Je n'ai aucune envie de me retrouver dans la même pièce que lui mais heureusement, je ne serai pas seule. Toute l'équipe de la soierie est conviée et je me note mentalement d'arriver en dernière et de repartir aussitôt le discours terminé. Je ne veux plus prendre le risque de me faire encore plus de mal en côtoyant Ethan, j'ai réellement besoin de me protéger si je veux me relever une bonne fois pour toutes. 

La matinée se déroule paisiblement, je retrouve tous mes collègues sauf Marina. Mme Saint-Martin toque à ma porte vers 10h30 pour m'informer que Marina ne reprendra le travail que dans deux semaines, sa cheville étant encore trop fragile. Elle me confie de nouveaux dossiers et même si la charge de travail qui m'attend est colossale, j'en suis ravie. J'ai maintenant une excellente excuse pour rester cloitrée dans mon bureau et éviter toute rencontre impromptue. Vers midi trente, je m'apprête à rejoindre mes collègues pour déjeuner lorsque je consulte mon téléphone. Je découvre un nouveau message de Gabriel et prends le temps de lui répondre : 

Gabriel : Bonjour ma jolie Candice, comment se passe cette journée de reprise ? Es-tu dispo pour manger un bout chez moi ce soir ? Je t'embrasse. 

Je réfléchis quelques secondes à sa proposition. Le voir me permettra de me détendre et d'arrêter de penser au seul homme que je ne dois plus approcher. Je pianote alors rapidement une réponse. 

Candice : Ma journée n'a pas très bien commencé étant donné que ma voiture n'a jamais voulu démarrer mais heureusement, la matinée a été plutôt calme. Bonne idée pour ce soir, mais à une seule condition : je te regarde cuisiner et je mets les pieds sous la table !

Sa réponse ne se fait pas attendre, elle arrive à peine quelques secondes après que j'ai appuyé sur la touche « envoyer ».

Gabriel : Envoie-moi l'adresse de ton bureau, je serais ravi de venir te chercher ce soir. Par contre, savoir que tu vas me dévorer du regard toute la soirée ne va pas calmer mes ardeurs... Pour toi, rien que pour toi, je cuisinerai torse-nu ;) 

Je lève les yeux au ciel en esquissant un petit sourire en coin. Ce garçon n'arrête jamais ses taquineries ! Je lui envoie d'abord l'adresse dans un premier message en lui demandant de me rejoindre pour 18h puis je décide de ne pas me laisser intimider. 

Candice : Je n'ai pas besoin d'un strip-teaseur, simplement d'un cuisinier... Remets vite ton pull, tu risquerais d'attraper froid... 

Je range mon téléphone et me dépêche d'aller retrouver mes compagnons de travail. Quand j'arrive au réfectoire, l'odeur de nourriture chaude qui se dégage me frappe de plein fouet et me donne immédiatement la nausée. Je sors alors ma petite salade et m'installe à table à côté de Mélissa. L'équipe commerciale est arrivée une dizaine de minutes avant moi et ils sont tous occupés à raconter leurs vacances et à manger. Je croise les doigts pour que personne ne me demande comment se sont passées les miennes et heureusement pour moi, il me semble que mes incantations portent enfin leurs fruits. Je feins de m'intéresser à la conversation en cours et commence à jouer avec une feuille salade du bout de ma fourchette. Trente minutes et trois feuilles de salade plus tard, je me lève de table et décide de regagner mon bureau. J'ai l'esprit bien trop meurtri pour arriver à faire illusion. Et savoir que dans moins de quatre heures, je devrai assister au discours d'Ethan ne m'aide pas à me détendre. 

            

              

                    

Je me plonge alors dans mes dossiers et laisse filer les heures sans les retenir. L'après-midi passe à une vitesse folle et le moment tant redouté est arrivé. A travers la vitre de mon bureau, j'observe mes collègues se diriger vers la grande salle de réunion mais je n'arrive pas à me lever de ma chaise. L'idée de contempler Ethan pendant de longues minutes me tord les entrailles. Mes sentiments envers lui sont si confus ! Je lui en veux autant que j'ai envie de lui. Mais à chaque fois que je ferme les yeux et que je m'égare en m'imaginant tout ce que nous aurions pu vivre ensemble, l'impossible me saute aux yeux.

Je me fais violence pour quitter mon bureau et rejoindre toute l'équipe de la soierie. Quand je pénètre dans cette grande pièce, je remarque que tous mes collègues sont arrivés. Aucune chaise n'est mise à disposition, seul un grand buffet trône contre la baie vitrée. Des petits groupes se sont formés pour partager les derniers potins et un joyeux brouhaha règne dans cette pièce. Depuis la seconde où j'ai passé le seuil de la porte, je sens une drôle de sensation parcourir mes veines. J'ai l'impression qu'une douce vague de chaleur s'est infiltrée en moi et qu'elle se propage lentement dans tout mon corps. Mon cœur bat imperceptiblement plus vite et je sais que cela n'a rien à voir avec l'appréhension que je ressens depuis le début de la journée. C'est autre chose, c'est différent. Quand je tourne machinalement la tête vers la droite, je comprends. 

Ethan se tient debout à l'autre extrémité de la salle et il m'observe férocement. Ses yeux fatigués ne me quittent pas une seule seconde et il reste ainsi immobile. Les traits de son visage ne sont pas durs, son regard n'est pas brûlant, son attitude n'est pas assurée. En cet instant, je vois Ethan comme je ne l'ai encore jamais vu. A travers son regard intense, je comprends tout ce qu'il veut me dire. 

J'ai mal. 

Pardonne-moi. 

Je m'en veux. 

Je ne peux pas faire autrement. 

Mon cœur déjà bien amoché continue de se fissurer tandis que ma gorge se serre pendant que mes yeux s'humidifient. Je ne parviens absolument pas à rester de marbre ni à détourner le regard. Je ne vois plus que lui, je n'entends plus que nos cœurs battant l'un avec l'autre, l'un contre l'autre, l'un pour l'autre. Tout ce qui m'entoure est noyé dans une sorte de vacarme lointain et j'ai l'impression d'être seule avec Ethan. Nous sommes à la fois si proches mais tellement loin ! Je suis en train de m'infliger beaucoup trop de peine mais j'ai, d'une certaine manière, besoin de tout ce qu'il est en train de me dire. Au plus profond de moi, je suis rassurée de savoir que cette situation le blesse autant que moi, même s'il ne peut s'en prendre qu'à lui-même. Au moment où il détourne son regard du mien, je me reconnecte avec la réalité. Je réalise alors que ma responsable s'est approchée de lui pour lui tendre un micro, que mes collègues m'ont rejoint et que certains m'ont posé une question. Mais je suis seulement incapable de leur répondre, alors je me contente de sourire. Et ce faux sourire me déchire le cœur. 

Quand la main d'Ethan agrippe le micro, son regard capture à nouveau le mien et ne le lâche plus. Il commence alors son discours et son regard me fait prisonnière. Mon cœur bat toujours trop vite, je ne respire pas assez ou peut-être trop, je ne sais pas. Tout ce que je sais, c'est qu'Ethan m'a accrochée à lui et qu'il m'a embarquée dans une interminable chute. J'attends fébrilement qu'il déploie mon parachute afin que je ne m'écrase pas une nouvelle fois violemment au sol. 

-Merci à tous d'être venus. Au nom de toute la direction, je vous présente nos meilleurs vœux pour cette nouvelle année. 

Il marque une petite pause, puis reprends, ses yeux toujours fermement accrochés aux miens. 

-L'année dernière s'est révélée pleine de surprises. Nous nous sommes engagés dans de nouveaux projets, beaucoup ont réussi mais quelques-uns ont été des échecs. De violents et douloureux échecs. Mais nous ne pouvons pas revenir en arrière et nous devons assumer nos responsabilités. Cette nouvelle année va nous permettre de repartir sur de nouvelles bases, de faire le point sur ce que nous pouvons améliorer et d'en ressortir plus forts. Je demande à chacun d'entre vous de donner le meilleur de vous-même, comme vous l'avez fait jusqu'à maintenant. Je veux que nous réussissions à rester soudés et nous parviendrons à avancer malgré les tempêtes qui nous attendent. 

            

              

                    

Sa voix résonne au plus profond de mon être. Rien d'autre n'existe plus, je suis hypnotisée par l'aura qu'Ethan dégage et j'ai la sensation que ses mots s'impriment un à un dans mon âme. Sans réellement m'en rendre compte, mon corps se met à trembler. Ses yeux me transpercent toujours sans relâche et sans comprendre pourquoi, je sens des larmes se former au coin de mes yeux. 

-Une fois n'est pas coutume, je tiens à vous remercier pour tout ce que vous nous apportez. Vos compétences et vos qualités humaines sont des chances que nous gardons précieusement. Profitons donc de cette nouvelle année pour partager ensemble de nouveaux défis. Transformons chaque obstacle en une opportunité de se montrer plus fort. Et soyez sûrs que nous serons toujours là pour vous, quoi qu'il arrive. 

Les battements frénétiques de mon cœur envahissent mes oreilles et je n'entends plus que mon corps en émoi qui se débat contre lui-même. Un long silence nait autour de moi puis quelques applaudissements retentissent. Ils me sortent de ma transe mais le regard intense d'Ethan toujours plongé dans le mien m'empêche de bouger d'un millimètre. Je contemple en détail son beau visage tourmenté et je ne peux m'empêcher de distinguer un léger rictus se dessiner. Il est peut-être insignifiant aux yeux des autres, mais moi, je comprends immédiatement sa signification. Et le bond que fait mon cœur dans ma poitrine me fait brusquement suffoquer. 

Parce que je n'arrive tout simplement plus à gérer l'afflux d'émotions trop intenses qu'il fait naitre en moi. Parce que je dois lutter de toutes mes forces mais que je n'en ai plus. Parce qu'une fois de plus, ma raison se débat contre mon cœur. Mais cette fois, ma santé mentale est en jeu et je n'ai pas le droit de m'abandonner. J'ai eu tellement de mal à me relever la dernière fois que je sais pertinemment que je n'en serai plus capable.  

Une vague de panique me pousse à abandonner précipitamment son regard et à tourner abruptement les talons. Mes collègues se sont dirigés vers le buffet et je profite de l'agitation générale pour me faufiler en dehors de cette pièce bien trop dangereuse pour mes résolutions. Je marche frénétiquement à travers le couloir pour récupérer mes affaires et partir au plus vite. 

Je suis perdue, j'ai mal, j'ai envie mais je ne dois pas, je ne comprends pas pourquoi mon corps réagit si brutalement, je me sens fébrile et toutes mes pensées peu cohérentes s'entremêlent en un amas de doutes et de questions sans réponses. 

Mon ventre vide se met à faire le grand huit au fur et à mesure que j'épuise mes dernières forces pour m'extraire de cet enfer et je peine à retrouver un tant soit peu d'assurance. Je ralentis la cadence et n'ai plus qu'une seule envie, celle de retrouver mon lit et de me rouler en boule sous la couette afin de retrouver mon cocon paisible. Mais je ne m'arrête pas. Galvanisée par ma détermination sans faille, je parviens non sans mal à atteindre mon bureau et à récupérer mon manteau et mon sac à main. Je ne m'attarde pas et ressors immédiatement afin de rejoindre le couloir et de quitter ces locaux. Toutes les émotions contradictoires et interdites que je ressens tourbillonnent autour de moi et m'engloutissent petit à petit dans un gouffre sombre qui n'attend que moi. Il n'y a pas seulement que mon esprit qui se noie, mon corps commence également à me lâcher. Je ne dors plus, je ne mange plus et mon manque d'énergie se retourne aujourd'hui contre moi. 

Soudain, j'entends des bruits de pas précipités résonner derrière moi et avant que je n'aie le temps de m'échapper, je sens une main ferme se poser sur mon avant-bras. Un milliard de frissons recouvrent instantanément ma peau et je me raidis, incapable de réagir plus fermement. 

-Candice... 

Ethan me retourne avec délicatesse et remarque tout de suite ma fébrilité. Il positionne alors immédiatement sa main gauche dans le creux de mes reins pour me soutenir tandis que sa paume droite maintient toujours vigoureusement mon bras. Il plante son regard envoûtant dans le mien, bien résolu à me garder près de lui. Je ne bouge pas d'un millimètre. Je n'esquisse aucun geste. Je ne laisse aucune réaction transparaitre. Mais au fond de moi, je me débats contre un ouragan violent et dévastateur qui m'accable un peu plus à chaque seconde qui passe. 

            

              

                    

-Est-ce que tu vas bien, Candice ?   

Je ferme les yeux un instant et inspire difficilement afin de remplir mon corps de courage. Cependant, Ethan se tient bien trop près de moi, il me touche beaucoup trop et j'ai l'esprit en plein tumulte. Sa peau sur la mienne m'apaise autant qu'elle déchaine ma raison. Luttant tant bien que mal, je parviens toutefois à articuler ces quelques mots :

-Je vais très bien. Que voulez-vous ? 

Ethan tressaille imperceptiblement en entendant mon ton est froid et distant. Néanmoins, il ne desserre pas sa prise, au contraire. J'observe ses sourcils se froncer quand il s'approche imperceptiblement. Nous nous tenons bien trop proche l'un de l'autre et le vide qui résonne dans mon cœur me rappelle que je dois l'éloigner de moi une bonne fois pour toute. 

-Ne me mens pas s'il te plait. Tu ne vas pas bien, je le vois, je le sens. 

Son ton rude contraste avec son regard bienveillant et inquiet. Ma raison me crie de ne pas me laisser embobiner pendant que mon corps ne réclame que son toucher. Je suis perdue et je n'ai plus la force de me battre. Je n'y arrive tout simplement plus. Le cœur au bord des lèvres, je parviens seulement à lui murmurer : 

-Laissez-moi tranquille... je veux juste... que vous me laissiez tranquille... 

Ma supplique le cloue sur place. J'entends sa respiration se bloquer un instant et ses iris se voiler de colère. Sa main droite resserre à nouveau sa prise sur mon bras et son toucher autrefois affirmé devient maintenant trop ferme, presque douloureux. Progressivement, je remarque que son visage se pare d'une expression que je ne voulais jamais revoir. Je retrouve le Ethan colérique qui ne supporte pas qu'on lui dise non. 

-Putain Candice, arrête ça tout de suite ! 

Il lâche brusquement mon bras et passe nerveusement la main dans ses cheveux. Je profite de cette liberté retrouvée pour m'éloigner d'un pas et savoure le fait de respirer un air moins électrique. La colère commence à déformer les traits de son beau visage et je me mets à trembler de plus en plus fort. J'ai déjà eu affaire à ce Ethan et je sais pertinemment que je vais me prendre des balles perdues. La différence, c'est que je sais qu'elles m'anéantiront définitivement cette fois. 

-Ne joue pas à ça avec moi. Arrête de me vouvoyer ! Ne fais pas semblant devant moi. Arrête de faire comme s'il ne s'était rien passé entre nous. Putain Candice, ça me bousille le cerveau et toi, tu veux prétendre que rien n'a jamais existé ? Non, putain, non ! 

Je sais parfaitement que je devrais écourter cette conversation et quitter ce couloir bien trop dangereux. Mais sans réellement comprendre comment ni pourquoi, j'en suis tout simplement incapable. Mes yeux ne peuvent lâcher ceux de mon bourreau et mon ventre se noue de plus en plus fort tant j'appréhende ce qui va découler de ce moment inattendu. J'enchaine de rapides respirations qui ne m'apportent pas suffisamment d'oxygène et j'essaie de ne pas m'effondrer.   

-Je vois bien que tu n'es pas bien... tu... je remarque bien ton regard... il est éteint. Putain, ça me ronge de te voir dans cet état. Tu tiens à peine sur tes jambes, ton teint est pâle et tu as du perdre au moins trois kilos. Alors, s'il te plait, ne me regarde pas dans les yeux en me disant que tu vas bien. Parce que c'est faux et que tu ne peux pas me mentir. 

Intérieurement, je m'effondre. Chaque mot qu'il prononce me touche en plein cœur et ne fait que renforcer mes sentiments à son égard. Mais le problème est toujours le même, il n'est pas libre. 

-Cela ne change rien Ethan. Tu es marié. Tu n'es pas libre. Et tu m'as menti. 

Ethan baisse quelques secondes la tête et soupire longuement. Il passe à nouveau la main dans ses cheveux puis fait un pas pour briser la faible distance nous séparant. Il tend la main pour entrelacer nos doigts mais je me dérobe. J'ai plus qu'envie de le laisser m'apaiser par ses gestes doux mais je reste raisonnable. Que restera-t-il de moi lorsqu'il partira rejoindre sa femme ce soir ? 

-Je sais Candice, je sais. J'ai merdé. J'ai carrément merdé. Et tu n'imagines pas à quel point je m'en veux. Mais... 

Il baisse les yeux et approche discrètement sa main de mon avant-bras. Il fait naitre quelques frissons sur ma peau et une vague de chaleur m'envahit instantanément. 

Trois secondes. 

Je ferme les yeux et profite de cette sensation pendant trois secondes. C'est les trois secondes les plus courtes, les plus longues, les plus intenses et les plus douloureuses de toute ma vie. Au moment où je décale doucement mon bras, une profonde douleur déchire ma poitrine. 

-Ma vie est compliquée, Candice. Je n'en parle jamais, à personne, parce que ça ne regarde personne d'autre que moi. Mais toi... toi... tu n'étais pas prévue. Je n'aurais jamais imaginé que les choses aillent si loin entre nous. Tu... putain, tu as envahi mon esprit, je ne peux plus passer une seule journée sans penser à toi. Je sais que je t'ai embarquée dans... Je n'aurais jamais du... mais... avec toi c'est différent.

Ethan a prononcé chaque mot en fixant intensément mes iris résignés. J'ai l'impression que mon cœur s'est arrêté de battre, que la terre s'est arrêtée de tourner et que l'air a arrêté d'être respirable. Je ne sais plus rien. Je suis... perdue. Et vaincue par mes propres sentiments. Ethan lève délicatement la main afin de la poser sur ma joue. Il cueille des larmes que j'ignorais et son pouce entame une lente et douce valse sur ma pommette. Son toucher me guérit autant qu'il me brûle. J'ai envie de hurler de douleur quand je me surprends à savourer son geste. 

-Et alors ? La situation reste la même, tu aimes une autre femme. 

Une lueur d'espoir traverse ses beaux yeux bruns et Ethan se rapproche encore un peu plus de moi. Mon bras gauche effleure le sien, le bout de ses doigts joue lentement avec les miens et nos poitrines se frôlent. Sa main droite cajole toujours ma joue et malgré moi, mes yeux papillonnent quand ma tête se penche imperceptiblement pour reposer dans sa paume chaude. 

-Je ne l'aime pas. 

Cinq mots. 

Cinq petits mots et mon monde s'écroule. Ma carapace se brise et mon cœur se regonfle d'espoir. Mais vous savez ce qu'on dit sur l'espoir... Il n'a été inventé que pour mieux anéantir les personnes naïves.

-Mais... je ne peux pas la quitter. C'est trop compliqué, surtout en ce moment. Je sais que... tu ne comprendras surement pas mais je voulais que tu le saches... et... je sais que... que... je n'ai pas le droit de te dire ça mais... putain, j'ai besoin de te retrouver ! 

Ses doigts agrippent maintenant fermement les miens. De nouvelles larmes viennent ravager mon visage tandis que la dureté de ses mots me frappe de plein fouet. Il n'aime pas sa femme, il ne la quittera pas et il me demande à demi-mot de revenir vers lui. Je ne mérite donc pas mieux ? Suis-je condamnée à n'être que la femme de l'ombre ? 

Dans mon dos, le bruit de l'ascenseur ouvrant ses lourdes portes métalliques me fait sursauter. Je m'éloigne alors immédiatement d'Ethan et essuie frénétiquement mes joues. Mon cœur et mon corps totalement affolés ne m'aident pas à retrouver rapidement ma contenance et je peine à faire illusion. Je lis sur le visage surpris de mon supérieur qu'il ne reconnaît pas la personne qui se tient dans mon dos. J'inspire un grand coup et me retourne. 

Mon sang se glace dans mes veines quand je distingue Gabriel se diriger sereinement dans ma direction. Je me retourne vivement vers Ethan et mon regard affolé le renfrogne immédiatement. Rapidement, comme si les secondes nous étaient comptées, il reconnecte nos regards et chuchote ces mots dans la précipitation : 

-Reviens-moi Candice !

Gabriel pose possessivement sa main dans le creux de mon dos et se place à ma droite. Je plaque immédiatement un sourire de façade sur mon visage lorsqu'il me demande si je suis prête. 

Je n'oublierai jamais le visage profondément blessé d'Ethan au moment où je lui susurre « je ne peux pas » et où j'abandonne définitivement son regard pour me tourner vers Gabriel et le suivre vers la sortie. Je laisse Ethan derrière moi et tente d'ignorer mon cœur brisé que j'ai piteusement laissé à ses pieds. 

Ce soir, malgré moi, j'ai fait un choix. Gabriel m'offre la lumière quand Ethan veut me cacher de tous. Gabriel me propose une vie douce et pleine d'amour quand Ethan se débat continuellement pour ne pas me laisser anéantir par ses propres tourments. A bien y réfléchir, je n'ai pas eu à faire de choix. Ethan l'a fait pour moi. 

Alors pourquoi est-ce que j'ai l'impression d'avoir tout perdu ce soir ?

            

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