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15

                    

-Gabriel... c'est adorable mais je ne peux pas accepter. Je n'ai rien à t'offrir, moi... 

Bizarrement, ces dernières paroles résonnent différemment en moi. Je décide de faire abstraction de mes sentiments les plus profonds et plaque un sourire sur mon visage lorsqu'il m'ordonne gentiment de déballer mon cadeau. 

Au moment où je prends conscience de ce que je tiens entre mes doigts, mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Mon sourire fade devient éclatant et je saute au cou de mon généreux Père Noël. Une sincère et profonde joie se déploie dans chaque parcelle de mon corps et je savoure cette divine sensation que je n'ai pas ressentie depuis trop longtemps.     

-Tu es dingue Gabriel ! Merci ! Merci, merci, merci ! 

Il prend mon visage en coupe et pose son front contre le mien. Son regard plein d'envie transperce le mien et un frisson me parcourt des pieds à la tête. L'ambiance a complètement changé entre nous en l'espace d'une seconde. Gabriel me dévore littéralement de ses yeux brûlants et ses lèvres n'ont jamais été aussi proches des miennes. Mon cœur bat la chamade mais je ne sais pas si j'ai réellement envie qu'il m'embrasse. Une partie de moi se dit que ce serait si simple que je me laisse aller dans les bras sécurisants de cet homme, que j'aimerais découvrir si mon cœur est capable de s'emballer au contact de sa peau, de ses lèvres, de sa chaleur. Mais une autre part de moi m'empêche de lâcher totalement prise, comme si elle m'intimait l'ordre de ne pas me mentir. 

J'observe ses iris enjôleurs se balader sur mes lèvres et je reste stoïque. Ma respiration s'accélère tandis que j'appréhende la suite des évènements. Au moment où il penche légèrement la tête à droite et qu'il brise la faible distance nous séparant, je ferme les yeux et me crispe. Sa douce bouche se pose alors à la commissure de mes lèvres. Son baiser est appuyé et possessif, je sens qu'il lutte pour ne pas dépasser mes limites et je le remercie intérieurement. Une intense vague de soulagement s'empare de mon être tout entier et je ne sais pas comment l'interpréter.    

Gabriel décolle lentement son corps du mien et ce n'est qu'à cet instant que je réalise que son bassin était appuyé contre le mien. Nous ne formions plus qu'un et pourtant, j'avais la désagréable sensation d'être totalement étrangère à cette étreinte. Cependant, sentir le regard plein de désir d'un homme libre et dévoué se poser sur mon visage a réchauffé mon égo. Je ne pas une fille sans intérêt, je ne suis pas un passe-temps, moi aussi je peux être aimée pour ce que je suis. 

Tout en serrant mes places de concert fort contre ma poitrine, je remercie chaleureusement Gabriel. 

-J'imagine que tu as du faire des pieds et des mains et surtout dépenser une fortune pour obtenir ces places et je ne pourrais jamais suffisamment te remercier. Tu es un amour, ton geste me touche beaucoup, vraiment. 

-J'ai juste réparé mon erreur, rien de plus, ajoute-t-il tout en replaçant une mèche de cheveux derrière mon oreille. 

Alors que je m'apprête à lui répondre, Maxime entre en trombe dans le chalet et je m'éloigne machinalement de Gabriel. Je ne réalise que maintenant que nous nous tenions vraiment très près. Il nous dévisage quelques instants puis nous lance, un sourire en coin :

-Venez les amoureux, vous allez rater la course de luge ! 

C'est ainsi que je me retrouve à grelotter dans le froid polaire de cette nuit noire d'hiver et à rire aux éclats devant mon amie qui tente de battre le grand blond sur une petite piste de luge seulement éclairée par quelques rare lampes à pétrole. Je passe l'une des soirées les plus drôles de ma vie et lorsque je regagne ma chambre, un sentiment de plénitude ravive mon corps tout entier. J'ai réussi à passer un moment agréable et amusant entourée d'une quinzaine de personnes. J'ai accepté la proximité de Gabriel et son baiser ne m'a pas dérangée. Je me surprends même à me dire que je réussirai à tomber amoureuse de lui au fil du temps. La seule ombre au tableau étonnement gai de ce soir reste l'attitude de mon amie. Réaliser que je n'ai plus envie de lui ouvrir mon cœur alors qu'elle a été la seule personne à qui je souhaitais me confier ces dernières années me déchire. J'espère du plus profond de mon âme que ce n'est qu'une passade et que je retrouverai vite la Cassiopée qui me manque tant. 

            

              

                    

Le lendemain matin, je me réveille avant tout le monde et je me prépare en silence. Je file en catimini avec mon Ipod en poche et part profiter du sublime ciel bleu qui nous accompagne ce matin. Je marche tranquillement dans la neige fraiche et profite de l'air frais qui envahit mes poumons et éclaircit mon esprit. J'ai pris l'habitude de venir m'aérer les pensées chaque matin sur ce petit chemin enneigé, seulement entourés d'immenses sapins verdoyants. 

Soudain, je sens une poigne attraper mon bras gauche et je hurle de surprise. Je tourne vivement la tête pour découvrir l'identité de l'intrus et me détends instantanément lorsque je réalise qu'il s'agit de Maxime. Je m'arrête net et tente de reprendre mes esprits. Croyant être à nouveau agressée, mon cœur s'est lancé dans une course affolé. 

-Maxime, bon sang, tu m'as fait peur ! 

-J'ai bien vu ça, oui, me répond-t-il tout en ricanant. Je peux t'accompagner un moment ? 

Sa question me laisse coite une minute. Non pas que je refuse sa compagnie, mais le ton soucieux et sérieux qu'il a utilisé dénote avec son attitude habituellement détachée. 

-Euh... oui, bien sûr. 

J'éteins mon Ipod et nous reprenons notre marche silencieusement. L'ambiance entre nous est particulièrement bizarre. Je connais Maxime depuis plus de quatre ans et nous avons passé un nombre incalculable de journées ou de soirées ensemble mais nous ne nous sommes jamais retrouvés isolés pour discuter en tête à tête. Il se contente pour l'instant d'avancer sereinement dans la neige et je n'ose pas briser le silence. L'expression réfléchie qu'arbore son visage m'indique qu'il est tout simplement en train de peser ses mots. Une vague de stress m'envahit et je ne peux m'empêcher de triturer mes doigts tout en mordillant machinalement ma lèvre inférieure. 

-On se connait depuis des années maintenant et... j'ai envie de te parler seul à seul aujourd'hui Candice. Je te demande simplement de m'écouter, tu ne seras même pas obligée de répondre. 

Ces mots prononcés doucement ne calment pas mon appréhension, bien au contraire. Je me contente donc de hocher la tête. Je ne peux plus empêcher mes sourcils de se froncer et mon estomac vide de se contracter avec anxiété.      

-Cassiopée m'a rapidement raconté les jours difficiles que tu viens de passer et sincèrement, cela me fait beaucoup de peine pour toi parce que tu ne mérites absolument pas autant de méchanceté. Cependant, je ne vais pas prendre pitié de toi, parce que tu ne le mérite pas. 

Il stoppe sa marche et se tourne vers moi. Ses derniers mots résonnent durement dans mon esprit mais j'essaie de garder la tête haute, même si je ne comprends pas vraiment pourquoi j'ai droit à ces paroles implacables. 

-Tu ne mérites pas que je prenne pitié de toi car tu es une personne forte qui s'est toujours relevée, malgré les coups bas dont tu as été victime. La pitié, c'est pour les faibles, les lâches ou les mauviettes. Tu n'es rien de tout cela. Même si on n'a pas souvent l'occasion de passer beaucoup de temps ensemble, tu comptes beaucoup à mes yeux. Tu es la meilleure amie de la femme de ma vie et à ce titre, tu as une place particulière dans mon cœur. 

Son regard déterminé est étonnement doux. Avec tout ce que Cass m'a raconté, je sais que Maxime est un homme calme et tendre au grand cœur mais je n'aurais jamais pensé qu'il le soit avec moi. Petit à petit, je me détends et j'écoute religieusement ses paroles. 

-J'ai bien remarqué depuis que nous sommes arrivés que tu ne vas pas bien. Tu as le cœur lourd et ton sourire sonne faux, à mes yeux tout du moins. Cassiopée m'a expliqué que tu te sens perdue et que tu n'as plus envie d'agir en fonction des autres. Et j'ai juste envie de te dire « enfin ! ». Depuis toutes ces années, je te regarde faire semblant de vivre une vie qui n'est pas la tienne. Alors, je reconnais que c'est triste que tu sois obligée de vivre une telle situation pour prendre conscience de tout cela mais finalement, ce n'est pas une mauvaise chose. Tout ce qui nous arrive dans la vie est justifié. On ne se rend pas forcément compte des conséquences à l'instant T mais il y a toujours un moment où on comprend pourquoi on a tant souffert. Après l'orage vient toujours le beau temps, ne l'oublie jamais Candice. 

            

              

                    

Je sens mes yeux s'humidifier et ma gorge se nouer mais je ne peux détacher mon regard de celui de mon ami. Ses paroles me font tellement de bien, j'ai enfin l'impression que quelqu'un me comprend et ne me juge pas. 

-Et je sais que Cassiopée peut se montrer indélicate, elle est comme une tornade qui dévaste tout son passage et elle ne réalise qu'après coup les dégâts qu'elle peut causer mais il ne faut pas que tu lui en veuilles. Elle te considère comme sa sœur... elle t'aime énormément... mais cela ne signifie pas que tu dois toujours l'écouter. Tu as le droit de ne pas être d'accord avec elle. Tu as le droit d'avoir d'autres envies que les siennes. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé dans ta vie ces dernières semaines mais je te trouve changée. Tu es moins effacée, tu exprimes plus tes opinions et j'en suis très heureux pour toi... 

Des larmes de soulagement et de reconnaissance coulent le long de mes joues pour mourir sur mon doux sourire. Il dit tout haut ce que j'avais besoin d'entendre. Sans forcément s'en rendre compte, il m'ôte un poids considérable de la poitrine. 

-Je veux que tu saches que je suis là pour toi. Je ne suis pas Cass, je suis simplement son mec et j'espère que tu feras la différence entre elle et moi. Je l'aime mais je ne suis pas forcément toujours d'accord avec elle. Alors, si je peux juste te donner un conseil, je te dirais de vivre enfin pour toi et de ne plus te forcer pour faire plaisir aux autres. Et si cela déplait à certains, ils s'en accommoderont. Si tu as envie de rester seule, isole-toi et ne reste pas avec nous juste pour faire semblant. Et si tu ne ressens rien pour Gabriel, ne te force pas. Il n'y a rien de pire. Ce n'est pas parce que c'est mon cousin que c'est l'homme de ta vie. D'accord ? 

Les mains dans les poches de son blouson, Maxime reste immobile, toujours face à moi. Mes larmes n'ont jamais cessé de couler et je me contente de hocher la tête. Je me sens si légère en cet instant, c'est comme s'il venait de me donner l'autorisation de ressentir ce que je voulais. Comme s'il accordait enfin du crédit à ma personne. 

Maxime tourne les talons et s'apprête à partir comme il est arrivé. Je sors alors de ma transe et me dépêche de lui attraper le bras. Il se retourne alors et plante son regard interrogateur dans le mien. Je réduis la distance entre nous et le prends dans mes bras. Tout en le serrant quelques secondes, je le remercie à voix basse.

Cette discussion imprévue m'a particulièrement chamboulée. J'ai passé la journée à ressasser ses paroles et même si je sais que le chemin sera long, je suis heureuse d'avoir trouvé un allié. Dans l'après-midi, tout le monde s'attèle à la préparation du réveillon. Gabriel me demande de l'aider en cuisine et je découvre qu'il est très doué de ses mains. Je m'improvise commis et prends en charge la préparation des toasts. Je suis attablée à la grande table en bois qui trône dans la petite pièce centrale pendant qu'il s'occupe de faire mijoter le repas. Au détour d'une conversation, j'apprends que Gabriel a été adopté. 

-Pardon ??! je lui demande, tout en relavant la tête, ébahie. 

-Quoi ? Tu ne le savais pas ? J'ai été adopté à l'âge de neuf mois et je n'ai jamais connu mes géniteurs. 

Je ne sais pas pourquoi mais cette information me touche. Je n'ai jamais côtoyé de personnes adoptées et je m'imaginais tout un tas de traumatismes ou de blessures internes qui les poursuivraient. L'homme qui se tient debout en face de moi me prouve que j'avais tort. 

-Mais... mais... tu...comment dire ? Tu le vis bien ? 

Ma question est totalement maladroite. Je m'adresse à lui comme s'il venait de m'avouer qu'il était victime d'une grave maladie ou d'une terrible malédiction. J'ai envie de me gifler lorsqu'il se retourne brusquement tout en écarquillant les yeux. 

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