#Chapitre 8️⃣
Johnny Greene se tenait devant moi, l'air complètement défoncé. Que lui avait-il pris de m'agresser? La liste. Voilà le premier qui réagissait à ma présence. Le premier à ne pas agir comme un stupide robot.
Il se gratta la tête, là où il avait dû se faire accrocher par quelque chose. Il ne chercha pas à m'immobiliser une seconde fois, tout le contraire. Johnny restait dans son coin, juste à côté de la cuvette, inquiet face à ma réaction.
« Qu'est-ce-qui t'a pris, merde!? » lui crachai-je au visage.
« Je suis désolé, mais c'est le seul moyen que j'ai trouvé. » répondit le garçon qui avait été classé
«Jaune» sur notre liste.
« Le moyen...? De quoi tu parles? »
Je ne me sentais plus intimidé par ce type, maintenant que je me trouvais face à lui. Je me sentais plus forte. Tout comme avec Dan. Ma nouvelle réputation m'avait rendu plus forte, d'un côté, je devais l'admettre. Les gens qui m'intimidaient face aux rumeurs, n'étaient devenus qu'une partie de ses personnes qui m'en voulaient à mort. Il ne me connaissait pas, avant.
Je les connaissais, moi, avant. Je me sentais avantagé, étrangement.
« Tu ne devais pas venir à cette fête. Qu'est-ce-qui t'as pris? C'est Becca qui t'as poussé à y aller, pas vrai? » me questionna-t-il en évitant ma question.
« Non. Je... Je croyais que c'était un test. »
« Un test?! Bon sang, tu viens de te jeter dans la gueule du loup. »
Johnny passa la main dans ses cheveux plusieurs fois. Il avait l'air stressé. À moins que ce ne soit le joint qu'il avait échangé avec son petit ami, quelques temps auparavant, qui faisait effet. Parce que sérieusement, je ne comprenais plus rien à toute cette histoire. La confusion traversa mon visage et Johnny le remarqua bien assez tôt.
« Tu croyais que tu venais passer un test, c'est ça? Excuse-moi de te décevoir mais c'est un piège. Il y a quelque chose de grave qui va se produire et c'est pour ça que j'ai essayé de t'enfermer dans la salle de bain. Comme ça, tu serais à l'abri. » m'expliqua-t-il.
« À l'abri de quoi? »
« De ces gens complètement cinglés! Ils voulaient faire du mal à Becca et à toi ce soir. La majorité des gens qui sont à cette fête sont dans le coup. »
J'analysai ses paroles. Le piège était la deuxième option qui expliquait la raison de cette fête. Et je m'étais encore fait piégée. Mais c'était quoi mon problème? Je savais dès le départ que c'était soit un piège, soit un test. J'aurais dû me méfier un peu plus. Comme j'étais stupide, parfois. Becca avait raison sur ce coup. Becca! Elle était toujours dans le salon, seule... Elle était encore plus en danger que moi! Je devais la retrouver.
Et ensemble nous devions quitter cet endroit.
Au plus vite.
« Je dois retrouver Becca. » murmurai-je, alors que Johnny semblait attendre une autre réaction de ma part.
« Becca est une salope. Soit tu restes ici, soit tu sors discrètement de la maison et tu t'en vas.
Pas de Becca. »
« Becca n'est pas une salope! » protestai-je, alors que les mots sonnaient faux venant de ma bouche.
Johnny haussa un sourcil, peu convaincu, lui aussi, de mes protestations. Me connaissait-il en tant que chien de poche officiel de Becca?
D'aussi loin que je me souvienne, Johnny était dans cette école depuis la première secondaire.
Il avait toujours été là. Dans les grands titres de l'école. Il devait donc connaître les choses que Becca avait faites. Peut-être était-ce pour cela qu'il n'avait aucune envie de faire quelque chose pour elle, alors qu'il n'était que «jaune» sur la liste. Je décidai de tenter le tout pour le tout, malgré le peu de temps que j'avais.
« Johnny, l'infirmière de l'école m'a dit que Becca avait fait des choses qui vous avaient tous offensés et que c'était pour ça que vous lui en vouliez un peu plus qu'à moi. »
Johnny me dévisagea, l'air surpris. Il avait l'air de se demander pourquoi je n'étais pas au courant ou bien si j'étais simplement folle. Un moment de silence passa avant qu'il ne me réponde. Il devait vouloir trouver une manière de formuler une réponse convaincante. Mais, je n'avais plus le temps. Becca était peut-être en danger. Et je croyais qu'il s'agissait de ma responsabilité puisque c'est moi qui l'avait poussée à venir à cette fête.
Johnny balbutia quelque mots sans importance, puis se lança dans une explication concrète.
« Tout le monde est au courant de cette histoire... Je ne sais pas pourquoi tu n'es pas au courant, cependant. Mais bon, ça remonte à notre première année au secondaire. Becca avait décidé d'écrire une liste... »
« Pardon?! » éructai-je, n'en croyant pas mes
yeux.
« Ne m'interromps pas. » m'avertit Johnny avait de reprendre. « En fait, il s'agissait plutôt d'un cahier de défoulement. À l'intérieur Becca avait écrit les plus grands secrets de chacun qu'elles avaient appris elle-même ou de bouche à oreille.
Moi, par exemple, elle avait écrit que j'étais gay.
Ma copine de l'époque a rompu avec moi et mes amis ne m'ont plus adressé la parole pendant un bon moment. C'est difficile pour un gosse tout ça. Une atmosphère tendue régnait dans l'école.
Tout le monde se méfiait de tout le monde. Tu comprends, cette école renfermait les plus gros secrets de chacun. Personne ne voulait que sa sorte du lycée. On avait l'impression d'étouffer avec cette ambiance. Une fois, une fille avait presque tabassé son copain, parce qu'il l'avait tromper. Elle l'avait appris par le carnet de Becca. Mais ça, ce n'est rien comparé à ce que je vais te dire. Dave Thompson avait un secret. Il n'était pas gay, il n'avait pas "couché" avec un ours en peluche... Rien de tout ça. Son secret: sa mère alcoolique le battait et il ne savait pas se défendre. Tu sais ce que les autres ont dit en l'apprenant? Ils l'ont insultés de tapette, de mauviette, de tout ce que tu veux, bref. David Thompson s'est pendu quelques temps après. »
J'étais complètement bouché bée. Je n'en revenais pas. Alors, voilà, le terrible secret de Becca. Terrible est si peu pour un acte qui se résume à ça. Certes, Becca ne l'a pas, à proprement parler, tuée. Cependant, elle l'a poussée au suicide d'une certaine manière. Un frisson de dégoût m'a parcourue. Et cette fille avait osé proposer une deuxième "liste"? Elle était complètement cinglée.
« J'imagine que ce pauvre gosse a beaucoup souffert. On a dû l'intimider sans cesse à cause de cette histoire. » poursuivit Johnny. « En fait, son suicide a fait réagir la plupart d'entre nous.
Surtout ses amis. Ensemble, nous avons signé un traité comme quoi plus jamais il n'y aurait de liste dans cette école. Becca a été forcé de signé... Les deux meilleurs amis de Dave l'ont obligés. Une fois signé, la vie habituelle du lycée a recommencée. Tu dois comprendre pourquoi on en veut autant à Becca d'avoir fait cette nouvelle liste. T'as pas de chance d'être embarqué dans cette histoire. »
Je respirais de manière saccadée. Maintenant je savais. Je savais ce qui nuisait à Becca depuis un certain temps. L'idée de m'assurer quel soit en sécurité et de la récupérer pour fuir cet endroit était devenu moins attirante. Je dévisageai le garçon aux yeux verts qui étaient devant moi.
J'ignorais si je pouvais lui faire confiance, mais j'étais convaincue qu'il disait la vérité sur le sujet. J'agrippai l'ourlet de mon chemisier, pour essuyer mes mains qui devenaient moites.
« Je dois m'en aller, Johnny. Merci de m'avoir dit la vérité. »
Je tournai la poignée de la porte, mais Johnny me retint par le bras, m'empêchant de sortir de la salle de bain.
« Ne prends pas la peine d'attendre Becca. Pars immédiatement. Oh, et je suis sincèrement désolé que Becca t'es embarqué là-dedans. Je crois que tu es une bonne personne. »
Il me jeta un regard plutôt sincère, avant de défaire son emprise et de me laisser partir. Je traversai le salon, alors que la musique devenait de plus en plus lourde et que les corps étaient beaucoup plus près les uns des autres. Je jetais un coup d'œil à Dan qui se tenait au même endroit que tout à l'heure, l'air frustré. Becca n'était plus avec lui. Ils devaient s'être disputés.
Je secouai la tête, chassant mon désir de fuir en sa compagnie. Je devais écouter Johnny.
Je crois que tu es une bonne personne.
Ne pas sauver mon amie qui avait commis de terribles actes des griffes de ces fous faisait-il de moi une bonne personne? J'en doutais. Je grognai, sachant que je ne pourrais pas laisser Becca seule ici. Je fonçai vers Dan d'un pas pressée - mon temps était peut-être bien compté. Le gars soupira en me voyant arriver.
« Que veux-tu, Lucy? »
« Où est Becca? » crachais-je voyant qu'il semblait s'en ficher pas mal.
« Je sais pas... Je viens de rompre avec elle, alors... Je m'en fiche. »
Je l'agrippai par le collet de son t-shirt et le plaquai contre le mur violemment. Quelques personnes se retournèrent pour nous dévisager, mais personne n'intervint.
« Eh bien pas moi! C'est une question de vie ou de mort, Dan, alors tu vas me dire où elle est.
IMMÉDIATEMENT. » menaçais-je le plus sévèrement possible.
Dan écarquilla les yeux, soudainement effrayé par ma personne. Il leva les mains, signe de paix.
« Je crois qu'elle est à l'étage. Elle doit fumer ou baiser un autre mec, tu vois... »
Dan me jeta un regard nostalgique. Je ne m'en préoccupai pas et lâchai immédiatement le collet de Dan. Je pris la fuite aussitôt fait. Un grand escalier, où plusieurs couples s'embrassaient, au point que certains avaient de la difficulté à respirer, menait à l'étage.
Cependant il était plutôt long et étroit. J'évitai les corps des amants qui aimaient faire des démonstrations publics, quand soudain, j'heurtai quelqu'un. Je levai les yeux pour découvrir Conley. Il était en compagnie d'une rouquine qui semblait toute excitée.
« Lucy... »
« Pousse-toi, Conley! » lui dis-je méchamment.
Le garçon me dévisagea. La rouquine perdit son joli sourire et plissa les yeux, se demandant probablement d'où je le connaissais. Elle passa sa main sous le chandail de Conley, près à lui faire une démonstration d'affection. Je fis la grimace, ne voulant pas voir ceci. Elle me dégoûtait. Conley y compris. Mais je n'avais pas le temps pour ce genre de bêtise.
« Jacob, on va le faire dans la chambre d'ami? » demanda la rouquine en direction de Conley.
Parfois, j'oubliais que Conley n'était que son nom de famille. J'oubliais qu'il s'appelait Jacob.
Tout comme le loup-garou dans Twilight. Ce stupide film où la fille - l'actrice aussi, selon moi
- semblait toujours confuse dans ses choix. Sauf que Jacob Conley n'était ni un loup-garou, ni un prétendant. Ce n'était qu'un salopard qui couchait avec des filles comme cette rouquine.
« Euh, non... Plus tard peut-être, Cat, ok? » répondit Conley - ou plutôt Jacob - en direction de la dénommée Cat.
Cette-dernière me jeta un regard venimeux. Elle s'assura que je regardais dans sa direction lorsqu'elle déposa un baiser sur les lèvres de Conley en guise d'au revoir. Je ne cillai même pas. En quoi ça pourrait me déranger? Ce n'était pas moi qui avait interrompu sa partie de plaisir, c'était bien Conley. Je n'y étais pour rien.
Cat descendis les escaliers, quittant la place.
J'allais me remettre en route mais Conley me rattrapa.
« T'as un sacré cran de venir ici, tu sais? »
Je plissais les yeux, essayant de décoder Conley.
Rien. Il restait de marbre. Il devait en venir droit au but. Mon temps était compté. Celui de Becca aussi.
« Que veux-tu Conley? »
« Je veux savoir ce qui ne va pas. Tu n'as pas l'air en très bonne forme. » répondit-il d'une voix douce qui se voulait bienveillante.
« En quoi ça te regarde? »
Le Conley qui me parlait n'était certainement pas le Conley que je connaissais. Au grand jamais, il ne se serait inquiété pour moi de cette manière.
Enfin, je le croyais.
« Je veux t'aider, Lucy. Fais-moi confiance pour cette fois. Tu ne le regretteras pas. »
Je soupirai, mais finit par lui cracher le morceau. Autant lui dire, je n'avais plus de temps à perdre de toute manière.
« Becca est en danger. On doit quitter cet endroit dans les plus brefs délais. Son copain m'a dit qu'elle était à l'étage. Tu veux toujours m'aider? »
Conley hocha la tête. Il prit ma main et je me glaçai sur place. Que faisait-il, nom de Dieu?
Mais cela ne sembla pas le déranger. Il m'entraîna à l'étage, ma main toujours dans la sienne. Il avait sûrement compris la gravité de la situation. Était-il au courant pour le suicide de Dave Thompson? Là, n'était pas la question.
Nous arrivâmes à l'étage, le plancher craquant sous notre poids. J'ouvris la première porte et tombais sur trois garçons qui en tabassait un autre. L'un d'eux me jeta un regard menaçant.
Je refermais la porte, ce n'était pas à moi de m'en occuper. Conley ouvrit la seconde porte. Il s'agissait d'une salle de bain. Une fille était dans le bain, nue, un verre de whisky à la main, les joues baignées de larmes. Lorsqu'elle nous vit, elle se mit à nous crier dessus:
« ALLEZ-VOUS EN! ALLEZ-VOUS EN! VOUS ÊTES TOUS DES SALAUDS! ALLEZ-VOUS EN!
»
Conley referma aussitôt la porte, les sourcils froncés. La fille continua tout de même d'hurler tel une hystérique.
« Prochaine porte. »
Le garçon qui m'accompagnait ouvrit une troisième porte. Celle-ci n'était même pas éclairé. Le lit était défait, les draps éparpillés un peu partout au sol. Un cadre avait la vitre brisé, comme s'il y avait eu trace de lutte dans cette pièce. Mais ce n'était pas la seule chose qui était brisé dans cette pièce. Becca la petite colère aurait-elle passée par ici? J'essayai l'interrupteur pour mettre un peu plus de clarté dans cette pièce, mais celui-ci ne marcha pas.
Conley sortit donc son téléphone de sa poche et réussi à éclairer certains endroits. Je m'avançai et contournai le lit. J'écarquillai les yeux devant l'affreuse réalité qui se trouvait devant moi.
« Becca? »
Je n'eus aucune réponse. Difficile d'en avoir une lorsqu'on fait face à un cadavre.
A suivre…
