#Chapitre 7️⃣
Becca m'avait donné rendez-vous chez elle, après l'école. J'avais dit à mes parents que je me rendais chez Alicia, pour un travail que nous avions à faire pour la radio étudiante.
Heureusement, ils m'avaient cru et j'étais parti de chez moi avec une énorme boule de culpabilité coincée dans la gorge. Mais, je devais parler à Becca. J'avais un énorme sac en bandoulière qui contenait plusieurs vêtements.
Mes parents n'avaient rien remarqué à mon grand bonheur. Ils m'avaient même proposés de m'amener «chez Alicia» mais j'avais refusé prétextant que le transport en commun était plus écologiste. J'avais été surprise de constater qu'ils me croyaient puisque j'avais toujours dit que le transport commun était la pire chose qui pouvais exister - j'essayais de convaincre mes parents de me donner des cours de conduite à seize ans et non à dix-huit, en vain. Peu de gens se trouvaient dans le bus alors que nous étions en pleine heure de pointe, un vendredi. Le chauffeur s'arrêtait à divers arrêts en fredonnant une chanson d'AC/DC. Un homme d'une trentaine d'année s'apprêtait à sortir au prochain arrêt alors qu'une vieille dame était assise tout près. Il y avait également un jeune de mon âge, assis tout au fond, les cheveux relevés par l'arrière et des écouteurs dans les oreilles.
Ses doigts tapaient au rythme de la musique.
J'esquissais un mince sourire dans sa direction et il me le rendit, un peu plus hésitant. Je pris à mon tour mes écouteurs et les enfonçaient dans mes oreilles, près à animer ma vie d'un peu de musique. Dès que mon lecteur se mit en route, une bouffée de joie m'envahit et je me sentis libérée d'un lourd poids. Certes, ce n'était que passager. J'avais une idée en tête. Une idée complètement folle. J'y avais pourtant pensé hier soir et toute la journée d'aujourd'hui. La proposition de Mary Ann était un piège... Ou peut-être bien un test.
L'autobus de la ville s'arrêta dans un crissement de pneus. L'homme dans la trentaine regarda sa montre et sortit par la porte, une mallette à la main, dans un tuxedo de fortune. Il semblait avoir beaucoup d'argent alors que faisait-il dans cet autobus? Je secouai la tête. Je m'égarais dans mes pensées. L'autobus redémarra après quelques secousses, alors que le conducteur entamait une énième chanson.
Je montai le volume de mon lecteur mp3 et je fermai les yeux l'espace d'un instant. Une dizaine de minutes plus tard, le transport en commun s'arrêta à nouveau, mais cette fois à mon arrêt. J'agrippai mon sac et sortit à l'extérieur. Je me mis en marche jusqu'à la maison de Becca, qui n'était pas très loin, heureusement, car mon sac était plutôt lourd. Avant même que je n'aille franchi le seuil de la porte à l'arrière de la maison, Becca m'ouvrit et me tira à l'intérieur. Je m'agrippai à son chandail, essayant de garder l'équilibre.
« Merde, mais qu'est-ce-que tu fais? » lui demandai-je une fois certaine d'être en équilibre.
« Oh, ça va. » elle jeta un coup d'œil à mon sac.
« C'est quoi ce sac? »
Je n'esquissai pas le moindre sourire, sachant que mon plan était extrêmement risqué. Au lieu de cela, je jetai mon énorme sac sur le sofa et l'ouvrit pour en sortir plusieurs ensembles de vêtements. Becca me dévisageai avec incrédulité.
« Ok, tu as une sorte de rendez-vous et tu as besoin de mon aide pour l'amener rapidement dans ton lit? Je croyais qu'on devait faire un énième compte-rendu de la liste. »
« NON, BECCA! C'est sérieux là. » dis-je en secouant ma tête.
« Alors, tu comptes m'expliquer...? »
Je soupirai. Mes yeux se posèrent sur les marques bleus qui se trouvaient dans le cou de Becca. Deux jours après s'être fait étranglé, elles étaient toujours aussi frappantes. Cela me fit à nouveau réfléchir à mon idée. Était-ce trop risqué? Ce n'était certainement pas une bonne idée. Qui se ferait étranglé cette fois? Moi? À moins qu'y aller signifierait passer le test et refaire parti du Tout le monde. Étrangement, cette idée était plutôt alléchante. Deux semaines auparavant j'aurais tout donné pour être connue de toute l'école, mais certainement pas de cette manière. Mais cette liste avait tout changé.
« Je vais tout t'expliquer, mais tu dois me promettre que tu ne m'interrompras pas.
D'accord? »
« C'est d'accord. » lâcha Becca en me faisant les gros yeux, signifiant son impatience.
« Hier, Mary Ann Aberline m'a invité à une fête qui a lieu ce soir. Elle m'a dit que tu devais venir. » je fis une pause en voyant l'expression dégouté de mon amie. « Je sais qu'il y a un plan malsain derrière tout ça. Mais je me demande s'il ne s'agit pas d'un test. Un test pour que l'on prouve que cette liste c'est n'importe quoi. On devrait aller à cette fête. »
« Woah, un instant! Tu veux que je me fasse étrangler à nouveau ou quoi? Je te signale que tu étais la première à dire qu'il ne fallait pas rigoler avec cette liste. On évite tout le monde depuis que la liste est apparue sur les réseaux sociaux... Et là, tu voudrais qu'on aille à une fête chez cette idiote pour se mêler à nos congénères qui nous détestent? » récapitula Becca le visage déformé par la perplexité, brisant ainsi la promesse qu'elle avait faites quelques minutes auparavant.
« J'y ai justement pensé. Peut-être n'est-ce-pas la bonne technique. Peut-être faudrait-il mieux affronter ces gens et leur montrer le bon exemple. Leur montrer que ce n'est qu'une stupide liste. » rétorquai-je.
« Tu te prends pour Jésus ou quoi? »
Je ne souriais pas. Au lieu de cela je lui lançai un regard noir. Becca roula sur le côté et elle examina mes tenues, essayant possiblement de déterminer laquelle m'irait le mieux. Au moins, cette fois, on ne se disputerait pas.
Au bout d'un instant, Becca dénicha une jupe ainsi qu'un chemisier, tout les deux de couleurs neutres comme si je m'apprêtais à aller à un enterrement, qu'elle me tendit aussitôt.
« Tiens, ça devrait bien t'aller. Va mettre ça, pendant que je me trouve quelque chose à mettre, moi aussi. » dit Becca d'une voix tendue.
Je fis semblant d'ignorer son ton de voix et m'enfermai à double tour dans la salle de bain, un ensemble de vêtements à la main. J'eus un peu de difficulté à entrer dans mes vêtements, puisque la dernière fois que je les avais mis, je devais avoir quatorze ans. Je remarquai une brosse à cheveux qui traînait sur le comptoir et je la prit aussitôt pour démêler mes cheveux blonds. Puis, j'ouvrit la trousse de maquillage de Becca que j'avais trouvé dans l'une des armoires près de la douche. Une dizaine de minutes plus tard, je me trouvais dans le vestibule, méconnaissable, patientant pour Becca. Elle dévala les escaliers au bout d'un moment.
Comme à son habitude, Becca était très osée.
Elle portait une jupe à taille haute, un haut à manche longue très moulant et transparent à certains endroits. Des bottines à talons hauts accompagnaient le tout.
« Alors, on y va? » me demanda-t-elle en sortant son paquet de cigarette de son minuscule sac à main.
« Ouais. Ta voiture peut nous y amener? »
Becca hocha la tête, alors qu'elle s'apprêtait à allumer une clope. Ensemble, nous partimes dans la vieille voiture cabossée de mon amie, la fumée secondaire intoxicant mes poumons, contre mon gré. Étonnement, Becca semblait savoir où nous devions allées. Le trajet en voiture fût très silencieux, jusqu'à ce que nous arrivions près d'un dépanneur.
« Habituellement, c'est moi qui ai de mauvaises idées. » lâcha-t-elle en inhalant une bouffée de fumée.
« Peut-être que ça va tout régler, tu sais. »
« Ou pas. » Becca marqua une pause. « Tu vois, j'ai toujours l'impression que c'est une mauvaise idée. »
« Parce que tu crois que tu as eu de meilleures idées jusqu'ici? » lui fis-je remarquer en pensant aux «choses» qu'elle avait faites, autrefois.
Allez savoir pourquoi , mais elle ne me jeta
aucun de ses regards qui «tuent». Elle se contenta de peser sur le frein, alors qu'un panneau arrêt faisait face à la voiture. Je pourrais profiter de ce petit moment où nous étions toutes les deux ensemble pour lui demander ce qu'elle avait fait qui avait bien pu choquer les gens de cette manière. Pas seulement quoi, mais pourquoi, comment et quand. Je voulais tant savoir, mais une partie de moi se retenait de lui poser dix milles questions.
May aurait très bien pu me renseigner, mais je savais qu'elle ne me dirait rien de toute manière.
La seule personne dans cette école qui ne me détestait pas à cause de la liste et qui pouvait me donner des réponses c'était Becca. Ou bien Conley. Peut-être me donnerait-il des infos sur le sujet. Il ne m'appréciait pas énormément et le marché que j'avais conclu avec lui n'incluait pas ça. Ça ne m'avançait en rien... À moins que je ne m'informe subtilement. Ce que je pouvais être idiote! Conley n'était pas stupide à ce point. Il se douterait de quelque chose. Pourquoi ne pas le demander à Becca, directement? Après tout, j'étais son amie depuis cinq ans.
j'étais son amie depuis cinq ans.
Nous n'avons jamais été de vrais amis.
Cette pensée me fit grincer des dents, sachant qu'elle n'était pas totalement fausse. Je n'avais jamais vraiment été à l'aise en sa compagnie.
Becca pesa sur l'accélérateur et je m'enfonçai brusquement dans mon siège.
« J'espère au moins qu'il y aura de l'alcool. » je jetai un regard qui en disait long à Becca. «
Quoi? J'ai besoin de décompresser. »
Je roulai des yeux, alors que Becca se garait près d'un lampadaire, face à la maison appartenant probablement à Mary Ann. Elle était énorme.
Du style victorienne situé dans un quartier plutôt sympa. Le sol tremblait presque au rythme de la musique forte qui s'échappait de la maison. Des lumières rouges, bleus et jaunes éclairaient l'intérieur. Plusieurs voitures étaient garés, tout comme celle de Becca, aux alentours de la maison. Je sortit de l'automobile en compagnie de Becca qui jetait un coup d'œil à l'endroit, toujours aussi incertaine. Je n'étais pas allée si souvent à des fêtes, mais je savais très bien que généralement ça se finissait par la police qui venait nous avertir que le bruit était beaucoup trop fort pour le reste du voisinage.
« Ça m'a l'air plus sympa que ce que je croyais, tout compte fait. » lança Becca.
« Allons-y. »
J'agrippai Becca par le bras et la traînai jusque sur le seuil de la porte d'entrée. Pour une fois que j'étais à la tête de notre petit duo. Peut-être que ça allait être plus amusant, comme le disait si bien mon amie. Cependant, aucune de nous deux ne savaient s'il valait mieux frapper à la porte avant d'entrer pour dire que nous étions là où tout simplement entrer et se mêler à la masse. Alors que j'échangeais un drôle de regard avec Becca, Mary Ann Aberline ouvrit subitement la porte de sa demeure. Je sursautai alors que Becca la dévisageait de la tête au pied.
« Vous êtes venus finalement! » s'écria-t-elle en me sautant dans les bras.
Je me raidis à son étreinte. Que faisait-elle?
Honnêtement, je la connaissais tout juste. Elle jouait le jeu de l'amie sympa qui se fiche de la liste. N'importe quoi. Je sentis le regard de Becca peser sur moi. J'haussai délicatement les épaules, ne sachant plus quoi faire. Elle roula des yeux.
Au bout d'un instant, Mary Ann se décolla et nous sourit, tout en replaçant une mèche de ses cheveux longs et bouclés.
« Vous pouvez entrer! Ne vous gênez pas. » nous assura Mary Ann.
« Je n'allais pas me gêner, non plus. » lâcha
Becca avec un rire sec en guise d'accompagnement.
La grande brune garda son sourire, mais rien ne semblait vrai. Ses yeux trahissaient son mépris.
À quoi jouait-elle? Était-ce vraiment un test?
Aucune réponse ne me venait à l'esprit et Mary
Ann n'allait certainement pas y répondre.
Mary Ann nous guida jusque dans le vestibule, là où se trouvaient plusieurs manteaux. La musique qui jouait était lourde et désagréable à mon goût. Je jetai un coup d'œil à Becca qui semblait déjà embarquer sur le rythme de la musique. La brunette nous traîna jusque dans le salon, où plusieurs personnes se trouvaient. La majorité dansaient au rythme de la musique soit dans une ambiance lourde.
Les corps s'entrechoquaient dans des mouvements gracieux. Des fronts trempés de sueurs et des corps si proches les uns des autres, c'était ce qui me faisait face. Quelques adolescents dans un coin, appuyés contre un mur, tandis que d'autres échangeaient de longs baisers langoureux. Deux personnes semblaient discuter sur le canapé. Tous avaient des boissons à la main. Dans la pièce qui suivait le salon, à espace ouvert, se trouvait un grand escalier où plusieurs jeunes étaient assis et fumaient des joints. Johnny Greene, le dealeur le plus connu de l'école, se trouvait parmi eux.
Je croisai son regard l'espace d'un instant. Mais cela suffit pour que ses yeux se verrouillent sur moi. Je me sentais intimidé face à lui et à ses imposants yeux vert olive. Il détourna le regard, voyant que son petit ami - Johnny était homosexuel et il l'assumait complètement - lui offrait à nouveau le joint qu'ils s'échangeait chacun leur tour. Je suivis Mary Ann jusque dans la cuisine, Becca sur les talons. Des friandises ainsi que des boissons alcoolisés se trouvaient étalés un peu partout. Des gens se servaient, d'autres discutaient, bières à la main.
« Ça semble plutôt chouette. » dis-je dans le but de détendre l'atmosphère lourd qui pesait autour de nous.
« Ouais. Au fait, vous pouvez également aller sur le patio. Je crois que mon petit copain fait un barbecue. » nous informa Mary Ann.
« Et on peut aller dans les chambres? Si tu vois ce que je veux dire. » lança Becca sarcastiquement.
Je donnai discrètement un coup de coude à Becca qui me lança un clin d'œil en retour. Mary Ann, quant à elle, ne semblait pas du tout embêté par la question, comme si on la lui avait posé plusieurs fois.
« C'est une fête pas un bordel. »
Becca resta sonnée pendant un instant, alors qu'un petit rire était retenu dans ma gorge. Rare était ceux qui pouvaient - ou osaient - boucher un coin à Rebecca Travis. Cependant, Mary Ann ne s'était pas gênée. La réaction de mon amie était plus qu'hilarante.
« Bon, je dois vous laisser. Profitez bien de la soirée! » Mary Ann marcha en direction d'une fille, puis se retourna pour ajouter: « Au fait, Becca, tu as de jolis marques dans le cou. »
La brunette fit un clin d'œil suivit d'un regard arrogant à mon amie. Cette-dernière devint tout rouge, la rage déformant ses traits. Elle allait se mettre à ses trousses, mais je la retint. Becca se débâtit pendant un instant mais elle finit par abandonné.
« Pourquoi tu fais ça? » me demanda-t-elle les sourcils froncés, toujours aussi fâchée.
« C'est peut-être un test, je te rappelle. Ce n'est pas la violence qui nous aidera sur ce coup. »
Becca me jeta un regard insistant. « Je dois l'admettre, Mary Ann a jeté ça comme une vraie salope, mais... »
« C'est une salope! » corrigea Becca.
Je ne répondis pas, sachant que ça n'arrangerait rien. Au bout d'un moment, Becca se calma.
« Je vais aller voir Dan, je crois l'avoir vu dans le salon. Si la fête est un test, il faut sûrement s'amuser avec ses pairs. »
« D'accord. Je... Je vais essayer d'obtenir des infos de Mary Ann. » mentis-je en cherchant plutôt Conley du regard.
« Fais gaffe. »
Becca tourna les talons et se dirigea dans le salon pour rejoindre son amoureux. Je me mordis les lèvres, sachant que peut-être Dan profiterait de cette tête pour rompre avec mon amie. Je me dirigeai sur le patio dans l'espoir d'y trouver Conley. Je pouvais peut-être essayé d'obtenir des informations sur les «choses» qu'avait fait Becca. Je jetai un regard circulaire à l'endroit. Personne ne semblait se soucier de ma présence, étonnement. Personne ne me lançait de petits regards de mépris. Personne ne semblait se plaindre de ma présence. Ils dansaient tous, des boissons à la main, ne faisant que s'amuser. Certains dégustaient même des hot dogs avec leurs amis. Je posai mon regard sur celui qui se trouvait en train de cuisiner sur le barbecue, soit le copain de Mary Ann. Ma bouche faillit tomber lorsque je remarquai qu'il s'agissait de Thomas Grant dit l'Étrangleur. Était-ce parce qu'une partie du test consistait à pardonner à ceux qui nous avaient offensés? Ou bien fallait-il éviter de ce faire étrangler? Grant croisa mon regard. Il fronça les sourcils, puis se fit interpeller par l'un de ses amis qui lui demanda un hot dog. Ce qui était le plus étrange dans tout ceci, c'était que tout le monde semblait avoir mis sur pause l'histoire de la liste. Inquiète de cette situation, je rentrais à l'intérieur, plus précisément dans le salon.
C'était pareil qu'à l'extérieur. Les gens nous ignoraient complètement. C'était comme si mon ancien statut était revenu. Sans parler du fait que Becca semblait occuper à se disputer avec Dan, et personne d'autres ne semblait s'en préoccuper. Plutôt étrange. Je me mis à chercher Conley du regard, mais une main s'abattit subitement sur ma bouche et me traîna dans une pièce sombre. J'aurais voulu hurler. La main de mon agresseur couverte d'un gant bloquait tout son venant de ma bouche.
Ma tête heurta le torse de mon agresseur par accident. Ce-dernier gémit, cependant. Je profitai de ce me moment pour me débattre. Je poussai mon agresseur contre le mur et cherchai l'interrupteur. La lumière éclaira la pièce - qui se trouvait à être une salle de bain. Le visage de mon agresseur se dévoila enfin et je dus me retenir de ne pas faire un bond par l'arrière.
Aussi surprenant soit-il, ses yeux vert olive me fixaient, comme si quelque chose de grave allait se produire. Il semblait plus inquiet que malsain. C'était ce qui m'inquiétait le plus.
« Johnny Greene. » l'interpellai-je.
À suivre…
