Chapitre 6
Chapitre 6 : Le futur époux
LE POINT DE VUE DE LÉONARDO
Je ne me suis jamais senti aussi serein qu’en ce moment précis. Assis devant le miroir de la chambre d’hôtel que mon père m’a réservé pour les préparatifs, je peaufine les derniers détails de mon costume. La cravate bleu nuit, parfaitement repassée, contraste élégamment avec la chemise blanche immaculée. Je souris, me regardant attentivement. C’est aujourd’hui. Enfin.
Je me lève, fais quelques pas dans la pièce, puis reviens devant la glace. Je passe ma main dans mes cheveux, légèrement ondulés, que j’ai fait tailler exprès pour l’occasion. Tout est parfait. Tout doit l’être. Amaya mérite ça. Amaya… Rien que de penser à elle, un frisson me parcourt. Elle est la femme dont j’ai toujours rêvé. Belle, douce, brillante, forte. Et aujourd’hui, elle va devenir ma femme.
Je m’approche du petit coffret posé sur le lit, l’ouvre avec soin, et observe les alliances. Deux anneaux simples, élégants, gravés à l’intérieur : “Pour l’éternité.” C’est moi qui ai choisi cette inscription. Parce que c’est ce que je ressens. Avec Amaya, c’est pour l’éternité, il ne peut en être autrement.
Je repense à notre rencontre, aux premiers échanges timides, à ses sourires un peu nerveux au début, à la façon dont elle s’ouvrait lentement à moi, comme une fleur méfiante mais curieuse du soleil. Elle avait mis du temps à me faire confiance, mais je n’ai jamais cessé d’y croire. J’ai été patient, respectueux. J’ai voulu mériter son cœur. Et aujourd’hui, je suis fier. Fier qu’elle m’ait choisi. Fier qu’elle ait dit oui.
Je m’assois sur le bord du lit et attrape mon téléphone. Une vibration, une notification. C’est un message de ma mère. “Ton père et moi sommes déjà en route pour la cérémonie. On t’aime, fiston. Tu vas être un mari merveilleux.” Je souris doucement. Oui, je veux l’être. Je veux être l’homme qu’Amaya mérite.
Je ferme les yeux quelques secondes, inspirant profondément, visualisant son visage au moment où elle remontera l’allée. Je l’imagine dans sa robe. Sublime. Majestueuse. Mon cœur bat plus fort.
J’entends frapper à la porte. Je me lève rapidement, pensant que c’est peut-être mon témoin venu m’aider avec ma boutonnière. Mais à la seconde où j’ouvre, je sens que quelque chose cloche. Ce ne sont pas les visages familiers de mes amis ou de ma famille. Deux hommes en costume sombre pénétrèrent dans la pièce, lunettes fumées, oreillette à l’oreille. Je reste figé un instant, surpris.. Je ne les reconnus pas immédiatement. Ni famille, ni amis proches. Peut-être une erreur ? Ou des agents de sécurité engagés par mon père ?
L’un d’eux me toise brièvement.
— Monsieur Leonardo… quelqu’un souhaiterait vous parler.
— Qui êtes-vous ? demandai-je, un peu déconcerté.
Ils ne répondent pas. Mais s’écartent légèrement. Et là, je le vois. Un homme, grand, imposant, vêtu d’un costume de grande classe, un pan de veste ouvert laissant deviner des bandages au niveau de l’abdomen. Il s’avance lentement, une canne à la main, des lunettes de soleil qu’il retire en me fixant intensément.
Je fronce les sourcils, ne reconnaissant pas tout de suite ce visage. Mais une étrange sensation s’installe en moi. Quelque chose me dit que cet homme ne vient pas avec de bonnes intentions.
Il s’arrête à un mètre de moi. Me dévisage. Et esquisse un sourire qui n’a rien de chaleureux.
— Tu es Leonardo, le futur mari d’Amaya… ?
Je me redresse, tentant de garder contenance malgré le malaise qui m’envahit.
— Oui. C’est bien moi. Et vous êtes… ?
Il tend légèrement sa main.
— Don Kael.
— « Puis-je vous aider ? » demandai-je, les sourcils froncés.
Ils ne répondirent pas.
Le cœur me serra d’un coup. Quelque chose clochait.
Je reculai d’un pas.
L’un des hommes sortit un mouchoir blanc, imbibé d’un liquide étrange.
— « Hé ! Qu’est-ce que vous foutez ?! »
J’eus à peine le temps de réagir.
Je tentai de fuir, de hurler, de repousser leurs bras, mais trop tard… le torchon s’écrasa contre mon visage. Une odeur forte, chimique, me frappa les narines. Je luttais. Mes bras battaient l’air. Mon souffle se raccourcissait.
— « Arrêtez… bande de… »
Tout tournait.
La pièce. Les voix. Ma vision se brouilla. Mon corps se fit lourd.
Puis, plus rien.
Le vide.
Le noir.
(...)
Tout d’abord, ce fut un bourdonnement. Un sifflement lointain dans mes oreilles, comme si mon cerveau peinait à se reconnecter à la réalité. Puis, la douleur. Une migraine sourde, pulsante, me martelait le crâne.
J’essayai de bouger… mais mes poignets me brûlèrent.
Putain.
Mes paupières papillonnèrent dans le noir complet. J’étais éveillé. Mais où ? Et pourquoi ?
Je tirai sur mes bras, mais ils étaient solidement attachés. Je bougeai mes jambes, la même chose. Une chaise. Une foutue chaise en métal, froide et rigide, et des cordes autour de mes poignets, trop serrées, qui me coupaient la circulation.
— « Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?! » grognai-je, la voix rauque, étranglée.
Je tirai, je me débattis, la colère grondant dans ma poitrine. Les liens grinçaient, mais ne cédaient pas. Mon cœur battait à tout rompre. Je haletais.
— « Hé ! Espèce de lâche ! Qu’est-ce que vous foutez ?! Libérez-moi, merde ! »
Ma voix résonna contre les murs… Des murs que je ne voyais même pas. Tout était noir.
Puis, d’un coup…
Un choc glacial me frappa au visage.
Je hurlai, pris par surprise. Une eau glacée. Un seau entier, versé sans avertissement. L’eau dégoulinait le long de mes cheveux, de ma nuque, trempant ma chemise. J’étais trempé. Grelottant. Enragé.
Et là… le sac noir qui couvrait mon visage fut arraché brutalement.
La lumière vive m’aveugla un instant. Je clignai des yeux, haletant comme une bête traquée. Je distinguai enfin la pièce : murs en béton brut, une simple ampoule pendue au plafond, et cette puanteur… un mélange de moisissure, de métal et de sang séché.
Et puis… lui.
Il entra comme dans un film de cauchemar. Lentement. Boitant légèrement. Le corps enveloppé de bandages jaunis. Une canne en métal frappant le sol à chaque pas. Tac. Tac. Tac. On aurait dit un mort sorti de sa tombe.
Il me fixait, même à travers ses bandelettes.
Et moi, l’estomac retourné, j’ai craché :
— « Tu sais qui je suis, espèce de fils de chien ?! J’ai un mariage aujourd’hui ! T’as compris ça ?! UN MARIAGE ! »
Ma voix tremblait, mais pas de peur.
De rage.
J’étais en costume de marié, putain. J’étais censé tenir la main d’Amaya à cette heure. L’embrasser devant tout le monde. Pas croupir ici, comme un animal.
— « Tu vas me le payer, espèce d’ordure. Je sais pas qui t’es, ni ce que tu veux, mais t’as fait la plus grosse erreur de ta vie. »
L’homme ne disait rien. Il s’approchait lentement. Tac. Tac. Tac. Chaque pas faisait vibrer ma patience comme un fil prêt à se rompre.
Je serrai les poings malgré la douleur. Le regard planté dans le sien ou du moins, ce que je pouvais voir à travers ces foutus bandages.
Il y avait dans l’air… une odeur de menace. Un silence lourd, comme avant une explosion.
Et dans mon esprit, une seule chose tournait en boucle : Amaya… où es-tu ? Est-ce qu’elle va bien ? Est-ce qu’elle sait ce qui m’est arrivé ?
Je devais sortir d’ici.
Et je devais le faire vite.
