Chapitre 7
Chapitre 7 : L'appel
La maison des Moretti baignait dans une lumière douce, mais l’atmosphère, elle, était lourde comme un orage prêt à éclater.
Assis dans le salon, M. et Mme Moretti échangeaient des regards inquiets. Le dîner avait été préparé, la table dressée… mais Léonardo n’était jamais rentré.
— C’est étrange… murmura Mme Moretti en fixant l’horloge. Il est toujours ponctuel…
Son mari, plus nerveux qu’il ne voulait le montrer, se leva brusquement.
— Je vais l’appeler.
Il prit son téléphone, composa le numéro de leur fils. La sonnerie résonna dans la maison, provenant de l’étage. Ils échangèrent un regard confus avant de monter rapidement.
Dans la chambre de Léonardo, son portable était là, posé sur la table de nuit, écran allumé, vibreur actif.
Mme Moretti porta une main à sa bouche.
— Mais… pourquoi aurait-il laissé son téléphone ici ? Ce n’est pas lui…
M. Moretti fronça les sourcils, la mâchoire serrée.
— Ça ne me plaît pas du tout… Léonardo n’est pas du genre à disparaître sans prévenir.
— Tu crois qu’il est… ?
— Ne dis pas ça ! coupa-t-il sèchement, plus pour se rassurer lui-même que pour la calmer.
Ils descendirent au salon, le silence seulement troublé par le tic-tac de l’horloge. Puis Mme Moretti eut une idée.
— On va appeler Amaya. Peut-être qu’il est avec elle.
Elle composa rapidement le numéro. Après deux tonalités, une voix féminine répondit.
— Allô ? Amaya ? C’est la maman de Léonardo. Dis-moi, il est avec toi ?
Il y eut un petit silence, comme si Amaya cherchait ses mots.
— Non… je ne l’ai pas vu aujourd’hui. Pourquoi ?
Mme Moretti sentit un frisson lui parcourir l’échine.
— Parce qu’il n’est pas là . Et ce n’est pas dans ses habitudes.
— Vous… vous pensez qu’il lui est arrivé quelque chose ? demanda Amaya, la voix tremblante.
— Je ne sais pas… mais quelque chose cloche, répondit la mère en échangeant un regard inquiet avec son mari.
M. Moretti reprit le téléphone, sa voix grave et déterminée.
— Si jamais il t’appelle ou vient te voir, préviens-nous immédiatement.
— Bien sûr, promit Amaya.
Quand l’appel se termina, un silence pesant envahit de nouveau la pièce.
Mme Moretti, assise sur le canapé, triturait nerveusement ses doigts.
— Et si…
— On va le retrouver, coupa son mari. Quoi qu’il en coûte.
Mais dans ses yeux brillait une inquiétude profonde qu’il ne pouvait plus masquer.
LE POINT DE VUE DE KAEL
Je le regarde, là, sanglé à cette chaise comme un animal qu’on amène à l’abattoir. Ses poignets sont rougis par les cordes, ses yeux lancent des éclairs, et il respire fort, comme s’il pouvait me faire trembler rien qu’avec sa colère.
— Je ne renoncerai pas à mon mariage, lâche-t-il, la voix ferme, presque vibrante.
Je ricane. Un petit rire sec, celui qui annonce la tempête.
— Ton mariage… tu crois que ça m’intéresse ?
Il se redresse autant que ses liens le lui permettent.
— Ça fait des années que j’attends ce jour. Amaya est à moi, et dans quelques heures, je devrais être en train de prononcer mes vœux.
Je m’avance d’un pas. Ma canne claque contre le sol, chaque bruit résonnant dans cette pièce vide.
— Bordel, j’ai rien à foutre de tes vœux, de ta robe blanche et de tes alliances en or.
Je pose mes mains sur les accoudoirs de la chaise, mon visage tout près du sien.
— Tu crois vraiment que je t’ai sorti de ta petite vie de prince juste pour te regarder épouser la femme que…
Je m’interromps. Mes lèvres s’étirent en un sourire froid.
— … que j’ai décidé de garder pour moi.
Ses mâchoires se crispent.
— Tu rêves.
— Non, Leonardo. C’est toi qui rêves depuis trop longtemps. Et aujourd’hui, je t’arrache à ton conte de fées.
Il secoue la tête, souffle par le nez, presque un rire amer.
— Tu crois pouvoir m’obliger ? Même attaché ici, je ne céderai pas.
Je recule, me redresse, et laisse tomber ma voix dans un ton presque calme, mais glacé :
— Ce n’est pas une question de si… c’est une question de quand. Et crois-moi, je suis un homme patient.
Il se tait, mais ses yeux me défient encore.
Et moi, je savoure. Parce que ce petit jeu… cette résistance… ça me plaît de plus en plus.
Je m’arrête net, planté devant lui. Mon regard glisse sur ses mains attachées, ses épaules tendues, son menton relevé comme s’il refusait de plier.
Il veut jouer au dur… très bien.
Je saisis la chaise par les montants en métal et la fais basculer violemment en arrière. Les pieds claquent contre le sol, et il se retrouve à moitié couché, retenu uniquement par les cordes.
Il grogne, surpris, mais ne crie pas.
— Tu crois que je vais reculer parce que tu joues les chevaliers amoureux ?
Je m’accroupis à côté de lui, le visage juste au-dessus du sien. Ma voix se fait basse, presque calme.
— Tu ne sais pas encore ce que ça veut dire… perdre.
Sans prévenir, je lui balance un coup de poing dans l’estomac. Sec. Contrôlé. Pas pour le tuer, mais pour lui rappeler que c’est moi qui décide du rythme.
Il se plie en deux, ou du moins autant que les cordes le permettent, et crache un souffle rauque.
— Kael… tu peux me frapper autant que tu veux… je ne renoncerai pas …
Je sens un sourire tordu se former sur mes lèvres. Sa bravoure est admirable, mais dangereuse pour lui.
Je me relève et fais signe à deux de mes hommes qui se tenaient en retrait.
— Amenez-le dehors.
Ils le saisissent chacun par un bras. Il tente de résister, mais son corps est encore secoué par le coup que je viens de lui mettre.
On traverse le couloir sombre jusqu’à une porte métallique. Le froid de la nuit s’engouffre dès qu’on l’ouvre. Dehors, la lune éclaire à peine la cour, et au centre se trouve une bassine remplie d’eau glacée.
— Peut-être que ça t’aidera à réfléchir.
Mes hommes lui maintiennent la tête au-dessus de l’eau. Il comprend ce qui va arriver et se débat, mais je hoche la tête.
Ils plongent sa tête. L’eau clapote, ses jambes se contractent, il lutte. Au bout de quelques secondes, je lève la main, et ils le sortent, haletant, l’eau dégoulinant de son visage.
Je me penche.
— Alors ? Tu veux toujours jouer au héros ?
Il crache de l’eau, reprend son souffle et me fixe, les yeux brillants d’un mélange de haine et de défi.
— Plus que jamais.
Je serre les dents. Cet idiot a du cran… et ça, ça risque de le briser bien plus tard que prévu.
LE POINT DE VUE DE LÉONARDO
Je le fixe droit dans les yeux, le souffle court, mes poignets meurtris par les liens. Ma mâchoire est serrée à m’en faire mal. Il peut hurler autant qu’il veut, il peut menacer, me cogner, m’enfermer ici pendant des jours… je ne renoncerai pas à Amaya.
Jamais.
Ses pupilles s’assombrissent. J’y lis une ombre nouvelle, un calcul froid. Il se tait soudain, comme s’il venait de franchir une ligne dans sa tête. Ce silence… il est pire que ses cris. Je sens mon cœur battre plus vite.
Il ne recule pas, il ne s’énerve plus. Non. Il me détaille lentement, comme un prédateur qui observe sa proie avant de changer de tactique. Il incline légèrement la tête, esquisse un sourire mince… et là, je sais qu’il pense à autre chose. Quelque chose de pire.
— Tu ne veux pas plier, hein… souffle-t-il, presque amusé. Très bien… On va faire autrement.
Mon estomac se noue. Je m’efforce de garder la tête haute, mais je sens déjà que ses mots ne sont pas une menace en l’air. C’est un homme qui agit. Un homme qui frappe là où ça fait le plus mal.
Et soudain, pour la première fois depuis qu’il m’a enlevé, je me surprends à me demander :
Qu’est-ce qu’il va faire… et à qui ?
