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Chapitre 4

Chapitre 4 : La visite

LE POINT DE VUE D'Amaya

Je suis toujours à table avec mon grand-père, un doux moment suspendu entre les vapeurs parfumées du riz et nos rires partagés. On parle encore du mariage, de la robe, des invités... Je sens dans ses yeux une fierté qui me serre le cœur. C’est rare de le voir aussi joyeux, et ça me touche plus que je ne saurais l’expliquer.

Mais soudain… un vrombissement brutal vient casser la magie.

Je fronce les sourcils. Le bruit est sourd, agressif, mécanique. On entend des pneus crisser à l’extérieur, puis des portières claquer, une à une, comme une série de battements de guerre. Je me lève d’un bond, le cœur battant plus vite que je ne veux l’admettre. Mon grand-père se fige, puis tourne lentement la tête vers moi.

À travers les rideaux entrouverts, j’apercevais l’éclat des phares et les silhouettes menaçantes de grosses voitures noires. Des SUV blindés, vitres teintées. Le genre de voitures qu’on voit dans les films… quand les ennuis arrivent

— Tu attends quelqu’un ? me demande-t-il avec une gravité inhabituelle.

— Non… pas du tout, je murmure, confuse.

Il se redresse, pousse sa chaise en arrière, et jette un œil par la fenêtre.

— Alors pourquoi diable font-ils autant de raffut en se garant devant chez nous ?

Sans un mot de plus, il attrape sa canne et avance vers la porte. Moi, je le suis, le souffle suspendu, la gorge nouée d’un pressentiment étrange. Ensemble, nous sortons sur le perron pour voir qui sont ces visiteurs inattendus...

Une fois dehors, la scène semblait tout droit sortie d’un thriller politique. Une demi-douzaine d’hommes en costume noir impeccablement taillés se tenaient autour des véhicules. Oreillettes vissées aux oreilles, lunettes de soleil dissimulant leurs regards, visages fermés. Des gardes du corps. Et pas n’importe quels gardes. On aurait dit une escorte présidentielle.

Un des hommes s’avance et ouvre la portière arrière du véhicule central avec une lenteur théâtrale. Et là, il est sorti.

Vêtu d’un costume sombre dont la veste flottait ouverte, laissant entrevoir des bandages autour de son abdomen. Une canne dans la main droite, des lunettes de soleil sur le nez. Son allure était un mélange étrange de fragilité et de puissance. Je me suis avancée d’un pas, le souffle court, pour mieux voir son visage.

Il a retiré ses lunettes.

Et j’ai su.

C’était bien lui. L'inconnu qui pissait le sang.

Mon cœur a fait un bond dans ma poitrine.

— Don Kael ?! s’exclama mon grand-père, bouche bée. Que faites-vous ici… dans cet état ?

Je suis restée figée. J’avais l’impression que le sol venait de se dérober sous mes pieds. Mon grand-père connaissait… lui ?!

Don Kael. Ce nom résonna dans ma tête comme un avertissement. Un titre. Une menace voilée. Et tout à coup, tout devenait clair. L’homme qui m’avait embrassée cette nuit-là . Cet inconnu n’en était pas un. Il était Kael. Et visiblement, il n’avait rien d’un simple passant.

Il tourna son visage vers moi et dit, avec un sourire à moitié amusé, moitié douloureux :

— Je suis venu voir ma femme . Je ne savais pas que c’était chez vous, monsieur… le grand-père.

Il avait l’audace de me regarder droit dans les yeux et m'appeler sa femme comme si rien ne s’était passé entre nous. Je pris une inspiration, essayant de garder mon calme.

— Bonjour… dis-je en m’approchant un peu. Visiblement, vous allez mieux.

Il eut un léger rire qui le fit grimacer.

— Pas vraiment. J’ai encore les bleus de la gifle que vous m’avez donnée, répondit-il avec un avec un air arrogant .

Mon grand-père secoua la tête, partagé entre la surprise et la gêne.

— Ce n’est pas bien de discuter dehors. Entrons, s’il vous plaît. Nous serons plus à l’aise à l’intérieur.

Et c’est ainsi que je me suis retrouvée, dans un mélange d’incompréhension et de tension, à suivre mon grand-père et Kael… vers l’intérieur de la maison.

LE POINT DE VUE D'AMAYA

Nous nous sommes installés. Mon grand-père s’est redressé avec effort, posant ses deux mains noueuses sur le pommeau de sa canne, puis a fixé Kael d’un regard perçant.

— Je suis venu remercier votre petite-fille de m’avoir sauvé la vie, a déclaré Kael d’un ton solennel, presque théâtral.

Je me suis figée. Je n’avais jamais évoqué cette histoire avec mon grand-père.

— Te sauver la vie ? s’est exclamé mon grand-père, tournant vers moi un regard incrédule. Amaya, qu’est-ce que cela veut dire ?

Je cherchais mes mots, la gorge sèche. J’ai bredouillé :

— C’était… c’est compliqué… J’ai juste…

Mais Kael m’a interrompue, impassible :

— C’est une longue histoire. Mais ce n’est pas uniquement pour cela que je suis ici.

Mon grand-père s’est raidi. Moi aussi.

— Alors pourquoi es-tu là ? ai-je demandé, les bras croisés, sur la défensive.

Kael m’a fixée droit dans les yeux, sans ciller.

— J’ai appris que tu te mariais samedi.

— Oui, et alors ?

Sa voix est tombée, glaciale, autoritaire, tranchante comme une lame :

— Tu dois annuler ce mariage.

J’ai cligné des yeux, abasourdie. Mon grand-père s’est redressé brusquement, indigné.

— Annuler ? Mais pour quelle raison, jeune homme ?

— C’est absurde, ai-je soufflé. Pourquoi voudrais-tu ça ?

Kael a esquissé un demi-sourire, puis s’est levé. Il s’est approché lentement, s’appuyant sur sa canne, jusqu’à se retrouver juste devant moi.

— Parce que je te veux pour moi seul , Amaya. Tu m’as sauvé, et je compte t’épouser.

Je me suis reculée, choquée.

— Tu plaisantes, j’espère ? Je suis déjà amoureuse d’un autre homme. Ce n’est pas comme ça que ça fonctionne.

Il s’est penché, ses yeux ancrés dans les miens.

— Je m’en fiche de qui tu aimes. Ce que je veux, je l’obtiens. Et je te veux toi.

Son arrogance me donnait la nausée. Chaque mot qu’il prononçait me révoltait un peu plus.

— Jamais, a tranché mon grand-père d’un ton ferme. Cela n’arrivera pas. Vous ne déciderez pas de l’avenir de ma petite-fille.

Kael s’est tourné vers lui, impassible.

— C’est moi qui décide.

Mon sang n’a fait qu’un tour. Je l’ai fusillé du regard, la gorge serrée par la rage.

À cet instant précis, j’ai commencé à le haïr.

Et je me suis dit que si j’avais su à quel point il était arrogant, je l’aurais laissé ces types lui mettre une balle.

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