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Chapitre 3

Chapitre 3 : L’ombre dans mes pensées

Je m’efforce de sourire.

Assise en face de mon grand-père, je coupe distraitement une bouchée de poisson, mais je ne la porte pas à ma bouche. Il parle, enthousiaste, les yeux brillants d’émotion. Il évoque les guirlandes, les fleurs blanches, les musiciens qu’il a réservés depuis des mois. Tout est prêt, dit-il. La salle, le traiteur, même la chorale de l’église.

Je hoche la tête. J’acquiesce. Je souris encore.

Mais à l’intérieur, tout est… flou.

— Tu es certaine que tu veux garder la décoration ivoire et or, ma fille ? Parce que Léonardo, lui, avait suggéré du rouge bordeaux, je crois.

Je hausse les épaules doucement, sans trop réfléchir.

— Ivoire et or, c’est très bien, Papy. C’est… sobre. Élégant.

Il me regarde avec tendresse. Il ne dit rien tout de suite, mais je sais ce qu’il pense. Il sent que je suis ailleurs.

Et il a raison.

Je suis là, physiquement. Assise à cette table que je connais par cœur. Entourée de murs rassurants, des odeurs familières de notre maison. Mais mon esprit est encore dans cette boutique.

Avec lui. Avec cet homme qui s’est effondré dans mes bras. Avec ce baiser arraché au milieu du chaos. Avec ce regard qu’il m’a lancé juste avant de tomber.

Je ferme brièvement les yeux.

Je ne sais même pas son nom. Et pourtant, j’y pense sans arrêt. J’ai revu la scène des dizaines de fois dans ma tête. Mes mains qui pressent son flanc pour tenter d’arrêter l’hémorragie. Et surtout… ce regard. Intense. Comme si j’étais sa dernière lumière dans le noir.

— Amaya ?

Je sursaute.

— Hein ? Oui ? Papy , j’étais distraite…

— Tu sembles fatiguée ces derniers jours. Si tu veux, on peut reporter certaines tâches. Je peux appeler ta tante pour qu’elle t’aide avec les tenues traditionnelles…

— Non, non. Je vais bien, c’est juste… les émotions.

Je souris. Mensonge.

La vérité, c’est que je me sens chamboulée.

Je soupire.

Je reprends ma fourchette et je mange en silence, essayant de chasser son image de mon esprit. Mais c’est inutile.

LE POINT DE VUE DE KAEL

Je suis encore à l’hôpital, mais je vais mieux. Le médecin n’arrête pas de me dire que j’ai eu de la chance. Une chance inespérée. La balle aurait pu me faucher net. Elle a manqué un organe vital de quelques centimètres. Mais ce n’est pas la chance qui m’a sauvé.

J’ai connu la mort, la trahison, la douleur. Mais jamais une femme ne m’a touché comme elle. Dans tous les sens du terme.

Et ce putain de baiser… je peux encore le sentir.

La porte s’ouvre. Lior entre, suivi de deux autres de mes hommes. Il s’approche du lit, l’air grave. Je pose mon téléphone et l’observe en silence.

— Alors ? je demande d’une voix calme, mais tranchante.

— On a son nom, patron. Amaya Dossou. Elle vit avec son grand-père dans une maison bourgeoise du quartier Nord. Famille respectée. Pas de dossier louche, pas d’histoire. Une fille… propre.

Je plisse les yeux.

— Et ? Continue.

Lior échange un regard avec Karim, puis il reprend.

— Elle est… promise à un homme. Un certain Léonardo Kossi. Fils d’un homme politique influent. Leur mariage est prévu pour la semaine prochaine.

Un silence glacial s’abat dans la pièce.

Je répète, lentement.

— Se marier ?

Lior acquiesce.

— Oui, patron. On a même vu les faire-part circuler. Elle préparait sa robe quand vous êtes tombé sur elle…

Un goût amer me monte dans la bouche. Mon regard se durcit. Je serre les dents. Un feu lent s’allume dans mes entrailles. De la jalousie ? Je ne sais pas. Mais ça me consume. Violent. Brutal.

Elle va épouser un autre.

Après m’avoir regardé comme elle l’a fait. Après m’avoir touché comme elle l’a fait. Après m’avoir sauvé… et après ce baiser.

Je me redresse sur mon lit, malgré la douleur.

— Elle va se marier… sans même me regarder une dernière fois dans les yeux ?

Lior reste muet.

— Ce mariage, je murmure en posant mes pieds nus sur le sol froid, n’aura pas lieu.

— Patron…

— Vous m’avez entendu. Je veux qu’elle sache que je viens. Qu’elle me doive plus qu’un morceau de tissu et une paire de mains tremblantes. Elle va devoir me revoir, face à face.

Je me lève, les jambes encore raides, mais le cœur brûlant.

— Elle me doit quelque chose, Lior. Et je ne parle pas que d’une dette de vie.

Lior acquiesce, le regard tendu.

— Que devons-nous faire ?

Je souris. Un sourire lent. Froid. Décidé.

— Rien de brutal… pour l’instant. Juste une petite visite, comme on dit. Je veux la voir. La faire douter. La troubler. Je veux voir dans ses yeux qu’elle m’a toujours en tête.

Je m’approche du miroir accroché au mur. Mon reflet est marqué, fatigué… mais vivant. Et affamé.

— Tu veux te marier, princesse ? Très bien. Mais tu vas d’abord me regarder dans les yeux… et me dire que tu m’as oublié.

Et si tu n’y arrives pas…

Alors ce mariage ne sera rien d’autre qu’un souvenir annulé.

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