Bibliothèque
Français
Chapitres
Paramètres

Chapitre 3

Enfant, Alina n’était qu’une ombre famélique dans les rues, le ventre toujours vide, les yeux trop grands pour son visage amaigri. Elle apprit à marcher au même moment qu’elle apprit à fouiller les sacs-poubelle derrière les maisons de banlieue. Un après- midi venteux, alors qu’elle tentait de récupérer une croûte de pain moisi, une silhouette douce mais ferme l’interrompit. Depuis ce jour, Mme Dumas déposa chaque matin une assiette de restes derrière sa clôture, sans jamais rien dire. Ce geste

devint un rituel silencieux pendant douze longues années. Sans cette main tendue, Alina n’aurait sans doute pas survécu.

Aujourd’hui, alors que Mme Dumas s’éloignait d’un pas fatigué, sa toux persistante la trahissant, Alina sentit son cœur se serrer. À cet instant, un vacarme résonna à l’entrée. Les Leroux venaient d’arriver, annonçant leur présence comme une fanfare. Samuel Dumas et Mme Dumas les accueillirent avec chaleur. Une brève conversation s'engagea, puis ils s'écartèrent pour laisser passer un cortège élégant. Parmi eux, Nohan Leroux, éblouissant dans un costume noir taillé sur mesure, avançait avec assurance, tel un roi parmi ses sujets. Il était encore plus impressionnant que sur les clichés : menton carré, regard profond, lèvres serrées, port altier. Son regard perça la foule et s’arrêta un instant sur Alina. Un frisson la traversa lorsque leurs yeux se croisèrent. L’instant fut bref, mais lourd de tension. Il détourna les yeux avant qu’elle ne puisse en déchiffrer le sens.

Samuel Dumas lança joyeusement : « Monsieur Leroux, votre épouse ne vous accompagne pas ? »

La question eut l’effet d’un électrochoc sur Alina. Elle sentit à nouveau le regard de Nohan se poser sur elle, plus insistant. Il répondit, d’un ton distant : « Elle n’a pas pu venir. »

Ils avancèrent vers le salon, discutant des préparatifs du mariage. Ayden Leroux suivait les aînés, plus élégant que jamais dans son costume. Loin de remarquer Alina, il parlait doucement à Maïa. Le salon s’anima autour de Nohan, installé à la place d’honneur.

Alina restait à l’écart, muette, observant les convives se perdre dans leurs bavardages frivoles. Poppy, surgissant de nulle part, l’agrippa violemment par le bras :

« Alina ! Pourquoi es-tu encore là ? Tu ne peux donc pas laisser Ayden tranquille ? C’est ton beau-frère, à présent ! »

Alina se dégagea avec un sourire froid.

« Inutile de t’agiter. Je ne suis pas là pour jouer les maîtresses. M. Dumas m’a invitée à boire un verre pour célébrer. »

Depuis l’adolescence, elle avait toujours appelé Samuel Dumas Dumas ainsi, signe de respect distant.

Linegrimaça.

« Tu prends ses paroles au pied de la lettre ? Tu ne vois donc pas que tu es déplacée ici ? Même moi, je n’oserais pas embarrasser les Dumas comme ça, et toi, bâtarde sans statut, tu crois avoir ta place à cette table ? Pars avant d’attirer la honte ! »

Alina fulminait intérieurement : Va-t-elle un jour se taire ?

Elle s’apprêtait à répondre quand elle aperçut Nohan Leroux se lever. Il montra son téléphone, s’excusa brièvement et s’éloigna vers le balcon. Les yeux de Alina s’illuminèrent.

« Très bien. »

Elle repoussa Lineet sortit discrètement du salon, sans pour autant quitter la maison. Elle grimpa à l’étage et rejoignit le balcon qui donnait sur le jardin. Nohan venait de terminer son appel. Quand il la vit, il la fixa d’un regard glacial. Alina hésita, puis murmura :

« Chéri ? »

Le balcon, isolé, masquait le tumulte du salon. Nohan, interloqué, la regarda sans un mot, ses yeux sombres impénétrables. Puis il fit volte-face, prêt à repartir. Alina se plaça devant lui. Il s’arrêta, fronçant les sourcils.

« Écartez-vous. »

Sa voix, grave et posée, résonna comme une caresse menaçante.

Alina sentit son estomac se nouer.

« Tu... tu ne me reconnais pas ? »

Nohan la scruta de haut en bas.

« Devrais-je ? »

Dès qu’il avait franchi le seuil des Dumas, il avait senti un regard brûlant l’observer. Ce n’était pas un de ces regards mielleux qu’il connaissait trop bien, mais un regard sincère, brut. C’est ce qui l’avait poussé à jeter quelques coups d’œil en retour. La jeune fille était magnifique, avec une allure tranquille mais rebelle, et ce grain de beauté discret au coin de l’œil, presque trop parfait pour être réel.

Mais elle avait osé l’appeler chéri.

Agacé, Nohan déclara sèchement :

« Mademoiselle, je suis un homme marié. Veuillez garder vos distances. »

Alina recula légèrement, déconcertée. Il ne se souvenait donc pas d’elle… mais comment pouvait-il affirmer être marié alors que... Elle sortit un document plié de son sac.

« Puis-je savoir qui est votre épouse ? »

« Ce n’est pas vos affaires. »

Il était glacial.

Elle lui tendit une copie de leur certificat de mariage.

« Monsieur Leroux, cet homme sur le document, c’est bien vous, n’est-ce pas ? »

Nohan baissa les yeux, lut les noms. La mariée s’appelait Alina Dumas.

Il releva la tête, sarcastique.

« Mademoiselle Dumas, un faux pareil ? Vous auriez pu faire un effort. Une copie professionnelle, ça ne coûte presque rien. »

Puis il tourna les talons, évitant le salon pour rejoindre directement le jardin et le parking.

Alina le poursuivit. Deux agents de sécurité en noir l’arrêtèrent.

« Monsieur Leroux ! Ce papier est authentique ! Vous pouvez vérifier au Bureau des affaires civiles ! »

Mais Nohan ne ralentit pas. Il monta dans sa voiture et disparut dans la nuit.

Son assistante, restée sur place, regagna le salon. Maïa l’intercepta, inquiète.

Elle avait vu la scène, sans comprendre les mots.

« Pourquoi M. Leroux est-il parti si brusquement ? Quelqu’un lui a manqué de respect ? »
Téléchargez l'application maintenant pour recevoir la récompense
Scannez le code QR pour télécharger l'application Hinovel.