Chapitre 4
L’assistante personnelle afficha un sourire discret. « Monsieur Leroux a dû partir précipitamment pour des affaires urgentes. Mademoiselle Dumas, pourriez-vous prévenir les aînés de la famille, je vous prie ? » Le patron ne fit aucun reproche à la jeune femme, ce qui signifiait qu’il n’était pas en colère contre elle. Maïa acquiesça aussitôt, reconduisant l’assistante avec courtoisie. Une fois la date du mariage fixée et le repas terminé, les membres de la famille Leroux prirent congé. Après avoir salué les invités, Samuel Dumas exprima son inquiétude : « Pourquoi M. Leroux est-il parti ainsi ? Aurions-nous commis une faute ? » Maïa, les yeux assombris, pensa à l’attitude étrange de Ayden, distrait comme s’il cherchait désespérément quelqu’un, puis au visage troublant de Alina. Elle serra les poings, le regard dur. « Papa, j’ai vu Alina importuner M. Leroux. Il était visiblement furieux en partant et a laissé un message… » « Quel message ? » demanda Samuel Dumas. « Il a dit que tu devrais mieux éduquer ta fille. » Maïa mordilla sa lèvre. « Si Alina continue ainsi, la famille Leroux pensera que nous manquons d'autorité… » Le teint de Samuel Dumas vira au blanc.
Pendant ce temps, Alina, à bord de son scooter électrique, quittait la villa. Elle avait perdu Nohan de vue et commençait déjà à regretter ses agissements. Son téléphone vibra. À l’autre bout du fil, la voix inquiète de son assistant Samuel résonna : « Chef, beaucoup de gens cherchent à savoir qui est vraiment le Dr Vega ces derniers temps. » Alina haussa un sourcil. « Ils n’ont rien découvert, j’espère ? » « Non, bien sûr. Qui soupçonnerait qu’une jeune femme tout juste diplômée, à l’air si inoffensif, soit la génie ayant résolu le casse-tête de l’hydrogène ? » « Autre chose ? » coupa-t-elle froidement. « Oui. J’ai trouvé des infos sur Nohan Leroux ! » « Je vous écoute. » « Il est le second fils de l’ancien patriarche Leroux. On dit de lui qu’il est d’une brutalité rare, ce qui expliquerait son exil précoce à l’étranger. Tout le monde croyait que l’héritage familial irait à son frère aîné, le père de Ayden. Pourtant, Nohan est revenu soudainement la semaine dernière et a forcé son père à céder la direction du groupe Leroux en employant des moyens radicaux. » Samuel s’interrogea ensuite : « N’aviez-vous pas prévu un mariage de façade aujourd’hui ? Comment le marié s’est-il révélé aussi redoutable ? Patronne, si votre situation conjugale vacille, l’introduction en bourse pourrait être compromise… »
Alina fronça les sourcils. « Trouve-moi ses coordonnées et son emploi du temps. Je dois lui parler. » La seule raison pour laquelle elle avait accepté cette mascarade de mariage, c’était parce que le statut marital d’une représentante légale consolidait l’image de l’entreprise en vue de son introduction en bourse. Mais elle s’était retrouvée mariée à un homme qu’elle ne connaissait pas, et l’ombre d’un piège planait autour d’elle. Nohan Leroux n’était pas un homme ordinaire ; la meilleure issue serait un divorce rapide. Après avoir raccroché, elle se massa les tempes. La situation était devenue plus complexe qu’elle ne l’avait anticipé. Nohan, en tant que chef d’entreprise, était constamment entouré de gardes du corps. Le revoir ne serait pas chose aisée. Elle se maudit d’avoir, sur un coup de tête, utilisé ce mot insensé — « chéri » — qui avait provoqué sa colère.
Soupirant, elle redémarra son scooter et quitta lentement le centre-ville pour rejoindre un vieux quartier en périphérie. Depuis le collège, elle avait fui la demeure familiale des Dumas avec peu d’argent, louant une vieille maison où elle s’était installée sans jamais déménager. En s’engageant dans un virage près de chez elle, une vieille dame surgit soudainement du bord de la route. Alina freina brusquement, évitant de justesse l’accident. Intriguée, elle observa la vieille femme. Malgré son apparence frêle, elle était bien habillée et portait un badge autour du cou. On y lisait : « Si vous trouvez cette dame, appelez ce numéro. Une récompense sera offerte. » Alina comprit aussitôt : cette femme était atteinte d’Alzheimer et s’était égarée. Elle s’empressa de composer le numéro.
À ce moment-là, la vieille dame, auparavant perdue dans le vide, attrapa brusquement son poignet. Ses yeux, soudain pleins de vie, s’illuminèrent. « Ma belle-fille ! C’est toi, ma belle-fille ! » Alina, figée, sentit les coins de ses lèvres se crisper. Vingt-deux ans de célibat et voilà qu’elle avait encore trouvé un mari sans le vouloir. Le Bureau des affaires civiles distribuerait-il des maris en série maintenant ? Trouvant la situation presque absurde, elle demanda calmement : « Grand-mère, qui est ton petit-fils ? »
La vieille dame chercha dans sa mémoire. Le nom lui échappait… puis un éclair : « Nohan Leroux ! » bredouilla-t-elle avec enthousiasme.
Un long silence. La vieille dame s’agitait. « Il s’appelle Nohan… Son nom… Son nom… » Mais le mot restait bloqué. Alina tenta de la rassurer. « Ce n’est pas grave, madame. Ne vous inquiétez pas. » Puis elle reprit l’appel.
Pendant ce temps, à quelques rues de là, Nohan Leroux était assis dans sa Bentley. Son regard sombre glaçait l’air. À ses côtés, Tom Davis tremblait. « Je… Je suis désolé, monsieur. J’ai perdu la vieille Mme Leroux ! » Aucun mot ne sortit de la bouche de Nohan, mais l’atmosphère devint lourde. Tom déglutit difficilement. Qui aurait cru que la vieille dame, d’ordinaire dans un état second, retrouverait soudain ses esprits et disparaîtrait ainsi ? Les caméras de surveillance révélèrent qu’elle avait pris un bus vers la banlieue. Seule.
