Méfiez vous des apparences
NADINE MILA
C'était toujours le même scénario. Elle pleurait en me disant "tu sais que je suis innocente. Mes enfants sont orphelins de père. Qui les nourrira à présent? Je compte sur toi pour rétablir la vérité". Je faisais exactement le même songe toutes les nuits.
Fatiguée de cette situation et refusant de devenir folle, j'ai décidé de m'enfuir du village.
Je me suis levée au milieu de la nuit et j'ai pris ce qui me paressait essentiel avant de sortir de la maison. Vu que quasiment tout le village était endormi, je n'ai pas eu grande difficulté à atteindre la route. Papa m'avait menacée en disant que le car que j'emprunterais pour me rendre à Abidjan sans son accord ferait un accident. Pour ne pas mettre la vie des autres passagers en péril, j'ai préféré faire de l'autostop pour voyager. Ce que je n'avais pas prévu, c'est que les gens puissent être aussi méfiants. Aucun véhicule ne s'arrêtait malgré les grands signes de main que je faisais.
Épuisée et faible, j'ai dû changer mes plans. Il n'était plus question d'aller à Abidjan coûte que coûte. Mon but était désormais de m'arrêter à la prochaine ville et m'y installer.
C'est ainsi que je suis arrivée dans la ville de Daloa aux environs de 8h . Très affamée,je me suis arrêtée au premier stand de nourriture que j'ai vu. J'ai commandé mon plat d'attieke poisson que j'ai mangé avec tellement d'appétit que le jeune qui était assis en face de moi a fait une remarque du genre " hummm ma chérie! on te poursuit oubien?"
J'ai souri sans répondre et j'ai continué de manger.
LUI: Tu m'as l'air nouvelle dans le coin.
MOI: Oui! Je viens de Guibéroua!
LUI: Est ce que tout va bien? Tu manges on dirait quelqu'un qui vient d'être libéré de prison.
LUI: Tu peux te confier à moi! ça fait du bien de parler.
Etant méfiante de nature, je n'ai pas voulu lui dire le vrai motif de ma présence à Daloa.
MOI: J'ai perdu mes parents et ma tante chez qui je vis ne fait que me maltraiter. J'ai décider de m'enfuir et venir continuer mes études en ville.
LUI: Il te sera difficile de t'inscrire parce que nous sommes en plein milieu de l'année scolaire. Ce que je te conseille, c'est de trouver un travail qui te permettra de faire quelques économies et reprendre tes études l'année prochaine.
MOI: Quel travail pourrais-je trouver alors que je ne suis même pas formée? J'ai seulement le niveau terminale
LUI: Ma tante recherche une nounou pour son fils. Si tu veux, je peux te la présenter. Tu seras nourrie et logée gratuitement. En plus, elle te paiera à 50mil francs. C'est une femme généreuse ; tu seras à l'aise chez elle.
Même si ce n'est pas vraiment ce que j'avais en tête en quittant le village, son offre était bonne. Aucun établissement n'accepterait ma candidature à cette période de l'année. J'avais donc intérêt à suivre les conseils de ce jeune.
MOI: Je suis d'accord.
LUI: Moi c'est Isaac et toi?
MOI: Je suis Nadine...
Nous avons terminé de manger et il a réglé sa facture et la mienne avant de me conduire chez sa tante. Elle habitait une très coquette maison dans le quartier "Soleil 2 "de Daloa. Il a expliqué ma situation et sa tante s'est éprise de compassion pour moi.
TATA GHISLAINE: ohh ma pauvre petite!
Elle m'a expliqué qu'elle avait elle aussi été maltraitée à la mort de son père. Ce fut donc avec grand plaisir qu'elle accepta de m'embaucher.
J'avais pour mission de m'occuper de son fils Daniel de 4 ans.
Ma première journée de travail s'est bien passée dans l'ensemble. Daniel est un garçon adorable; un peu capricieux mais il est adorable. J'ai été présentée au mari de ma patronne, tonton Firmin.
Quand sa femme lui a dit que j'étais la nouvelle nounou, il a semblé ne pas vraiment s'y intéresser. il a juste lancé un Ok sans conviction.
Plus tard dans la soirée, pendant que lavais les assiettes, il est venu se servir à boire dans la cuisine et a maladroitement touché mes fesses.
MOI(sursautant): Mais tonton! Qu'est ce qui ne va pas?
T FIRMIN: Je n'ai pas fait exprès désolé.
Quand il sortait de la cuisine, je l'ai entendu murmurer " en tout cas c'est bien mou".
Hum! c'est toute confuse que j'ai terminé la vaisselle.
Ma chambre se trouvait en face de celle mes patrons. La nuit, j'ai entendu des bruits de pas dans le couloir. Ayant été alertée par le geste déplacé de mon patron, j'ai pris le soin de fermer à clé ma chambre. Lorsque j'ai entendu le poignet de la porte bouger, j'ai réalisé que j'avais bien fait d'être prudente.
Le lendemain matin, il m'avait l'air de très mauvaise humeur.
MOI: Bonjour tonton
T FIRMIN: Ce n'est qu'à cette heure là que tu te réveilles? Si tu es paresseuse, tu n'as pas ta place dans ma maison.
TATA GHSILAINE: Mais il n'est que 6h30 Firmin! Le petit dort encore
T FIRMIN: Et alors? et alors? Elle n'a rien à faire que de dormir? Je n'aime pas les filles paresseuses qui se comportent comme les gamines. C'est une grande fille , elle doit comprendre les choses.
Je savais pourquoi il était aussi dur avec moi mais j'ai feint de ne rien comprendre.
MOI: désolée tonton! demain je vais me lever plus tôt.
T FIRMIN: Tchiip! pardon tonton pardon tonton. Tu as intérêt à vite changer d'attitude si tu veux rester ici.
T GHISLAINE: hummm tu ne trouves pas que tu es un peu trop dur avec cette petite?
T FIRMIN: Qui te dit qu'elle est encore vierge pour que tu la traites de petite?
Je les ai laissé discuter de moi et je suis allée réveiller Daniel et l'apprêter pour l'école.
A mon retour , mes deux patrons étaient tous les deux allés au boulot. Après mon petit déjeuner, j'ai cuisiné le repas de midi que j'ai pris le soin de fermer avant d'aller me reposer. Par réflexe, j'ai essayé de verrouiller la porte quand j'ai constaté que la clé avait disparu.
MOI(parlant seule): Je suis certaine de l'avoir vue ce matin en sortant de la chambre .
Il ne m'a pas fallu beaucoup de temps pour que mes idées convergent vers mon patron. Jusqu'où irait ce vieux vicieux? Je n'ai pas quitté le village pour avoir des soucis ici.
J'étais en pleine réflexion quand ma patronne a sonné à la porte .
MOI: Bonne arrivée tantie
T GHISLAINE: Merci ma chérie. Je dois recevoir la visite d'une amie d'enfance et son ami aujourd'hui donc on va faire un peu de riz pour accompagner le foutou.
MOI: D'accord tantie.
J'ai mis le riz au feu et j'ai fait la table avec les couverts que m'a indiqués ma patronne.
T GHISLAINE: Vas te laver maintenant. Ils doivent venir te trouver propre.
Je ne me suis pas faite prier et j'ai pris une bonne douche froide qui m'a fait beaucoup de bien. J'ai porté une robe fleurie qui est simple mais très jolie.
Quand sont arrivés les invités, l'amie de ma patronne me regardait avec beaucoup d'admiration pendant que je leur servais à boire.
AMIE DE T GHIS: Ghissou c'est qui cette belle demoiselle?
T GHISLAINE: C'est la nouvelle nounou de Dani. Elle est très gentille.
ELLE: Et elle est surtout très belle! Elle ferait un excellent mannequin. Regarde ses jambes.
T GHISLAINE: Elle veut économiser un peu d'argent pour reprendre ses études l'année prochaine.
T MADIE: Viens par ici ma chérie. Ça ne t'intéresserait pas de participer à des défilés de stars partout dans le monde entier?
MOI: Je ne sais pas marcher comme les mannequins ow tantie
T MADIE: Mais ça c'est très facile d'apprendre. Tu as déjà ce qu'il y a d'important dans ce métier.... un beau visage, de belles longues jambes et du charisme. Je ferai de toi une star
T GHISLAINE: Tu es très chanceuse Nadine. Ma copine Madie vit en Europe depuis bientôt 10 ans. Même si elle vient chaque été en Côte d'Ivoire, c'est la première fois qu'elle vient à Daloa et elle a jetté son dévolu sur toi.
T MADIE: Je vois vraiment beaucoup de potentiel en elle.
T MADIE: Si tes parents sont d'accord, je me chargerai de tout et on sera à Londres dans un mois.
MOI(enthousiaste): Londres?? Moi Nadine à Londres? eeeh Seigneur!!
Pour une fille qui était bluffée par la ville d'Abidjan , c'était vraiment une occasion en or. J'aurais la possibilité de voyager partout dans le monde et être célèbre.
MOI(mentant): Mes parents sont décédés tantie
T MADIE: tu as quel âge?
MOI: 19ans
T MADIE: Dans ce cas tu es parfaitement capable de signer des documents administratifs.
Ma patronne Ghislaine est vraiment une personne adorable. Elle était très contente que Dieu soit passé par elle pour me faire goûter au bonheur. Elle n'a pas hésité à me laisser partir avec son amie. J'étais heureuse et soulagée de partir parce que j'échappais ainsi à son mari qui m'aurait fait vivre des misères.
Je suis arrivée à Abidjan avec tantie Madie aux environs de 21h. Après avoir dîné, elle m'a installée dans sa chambre d'amie et m'a souhaitée une bonne nuit.
Le lendemain matin, nous nous sommes rendues à la sûreté nationale pour établir mon passeport. T Madie connaissait quelqu'un de bien placé aux sûretés. Cela nous a évité de faire la queue.
Dans le bureau,
AGENT DES SURETES: Je sais que c'est toi mais c'est pas possible d'établir un passeport avec uniquement sa carte d'identité. Il faut aussi un certificat de nationalité et un extrait de naissance.
T MADIE: C'est vraiment pressé. Elle a perdu ses parents et nous sommes dans l'impossibilité de te fournir les documents que tu demandes.
AGENT DES SURETES: Faites la demande de certificat de nationalité au tribunal.
T MADIE: ça prendra trop de temps et nous sommes vraiment dans l'urgence.
AGENT DES SURETES: Il faudra que je convainque mes autres gars et ils vont "crier fort" (expression ivoirienne pour dire qu'une personne demande une somme importante)
T MADIE(lui remettant une enveloppe): Je m'y attendais. Tiens! voila de quoi les attendrir
AGENT DES SURETES(avec le sourire): Ce sont mes gars ,ils ne peuvent rien me refuser. Je t'appelle dès que c'est prêt.
T MADIE: Le plus tôt sera le mieux.
Il m'a fait faire quelques photos et nous sommes parties. Une fois rentrée, j'ai appelé ma maman pour lui expliquer les raisons qui m'ont poussées à quitter le village. Contrairement à ce que je m'imaginais, elle ne semblait pas très surprise. Elle m'a juste conseillé de rentrer au village parce que mon père était très fâché. Quand je lui ai dit que je voyageais bientôt, elle n'était pas contente du tout.
MAMAN: Tu n'auras ma bénédiction seulement quand ton père te donnera la sienne. Tu as intérêt à rentrer immédiatement si tu ne veux pas que le malheur s'abatte sur toi.
J'ai raccroché sans même lui dire aurevoir. J'en avais marre que mes parents pensent savoir ce qu'il y a de mieux pour moi. Je suis une grande fille et je peux me débrouiller sans eux. Dans tous les cas, quand je serai star, elle sera fière de moi et lui aussi d'ailleurs. Une chose est sûre, il est hors de question que je retourne au village.
Le lendemain,, tantie Madie est rentrée à la maison avec mon passeport.
T MADIE: J'ai bien réfléchi. L'ambassade d'Angleterre en Côte d'ivoire met trop de temps pour analyser les dossiers de Visa. Ce serait plus facile si on partait au Liban. L'ambassadeur de L'Angleterre au Liban est un ami personnel. Il nous faciliterait tout.
MOI: Tantie moi je ne sais pas ow! Si tu trouves que c'est ce qui sera meilleur, je te fais confiance.
T MADIE: On s'envole après demain pour Beyrouth.
MOI: Est ce qu'on aura un visa en si peu te temps?
T MADIE: Ne t'en fais pas! Les ressortissants ivoiriens peuvent obtenir le Visa à leur arrivée à l'aéroport de Beyrouth sous certaines conditions que nous remplissons largement.
Deux jours après, nous nous envolions pour l'Aéroport international de Beyrouth. C'était ma première fois de monter dans un avion. La joie que je ressentais est indescriptible. Je me sentais prête à conquérir le monde.
Une fois sur place, nous avons effectivement obtenu le Visa du Liban.
On était censé rencontrer l'ambassadeur d'Angleterre le lendemain mais....
T MADIE: Donne-moi ton passeport je vais garder. Il y a trop de voleurs ici!
C'est ainsi que tout a commencé.......
****ALICE KABLAN****
Je sais que je ne suis pas une sainte mais Cedric Nzola est un gros enfoiré.
Il ne fait rien au hasard. Tout ce qu'il fait, c'est dans le but de me mettre mal à l'aise. Depuis le début il savait qui j'étais mais a préféré jouer avec mes nerfs. Même si je lui suis reconnaissante de ne pas avoir porté plainte , je ne peux m'empêcher de lui en vouloir de me mettre la honte de cette manière.
DESIREE(entrant): Ma copine c'est qui ce bel étalon que je viens de croiser dans le palier? il est sorti d'ici?
MOI: Hum c'est mon nouveau patron
DESIREE: ton quoi?? Ton patron qui te dépose chez toi ton premier jour comme ça?
MOI(parlant moins fort): En fait c'est le monsieur que j'ai volé hier la dernière fois.
DESIREE: ahiiii c'est quelle histoire ça?? L'homme que tu as volé la semaine passée est
MOI(l'interompant): Tu es obligée de parler fort pour que tous nos voisins entendent??
DESIREE: désolée... mais comment ça se fait qu'il soit ton patron et qu'il te dépose chez toi comme si de rien était?
MOI: En fait il ne m'a pas reconnue....ou plutôt il m'a reconnue mais fait comme si de rien était
DESIREE: Hummmm c'est bizarre deh
MOI: Ah ça tu l'as dit!
Quand je lui racontais les détails de la journée, elle riait au point de couler les larmes
MOI: Je t'explique ma mésaventure et tu te moques??
DESIREE: C'est toi même qui a cherché. Si tu m'avais écouté, ça ne serait pas arriver. Bon!! Voyons le bon côté des choses.
MOI: Quel bon côté??
DESIREE: Il est amoureux de toi
MOI(m'exclamant): tchrrrrr amoureux?? Il prend son pied à me torturer à sa guise cest tout
DESIREE: S'il ne ressentait rien pour toi, il prendrait son pied à t'expédier en prison
MOI: Bref! j'ai besoin de prendre une douche
DESIREE(riant) : En tout cas tu en as vraiment besoin mademoiselle Esmel
Je regrette de m'être embarquée sans cette folie. Je sais qu'il me pourrira l'existence au boulot.
Voyons voir ce que demain nous réserve.
