Chapitre 3-A L'indice oublié
1. L'Indice Oublié
Jael resta là un moment, prostré, le regard vide.
Le silence du manoir semblait maintenant plus oppressant, comme s’il le jugeait, comme si les murs eux-mêmes se réjouissaient de sa peur.
Mais au milieu de ce vide, quelque chose attira son attention.
Un détail.
Un frémissement dans l’air.
Une sensation étrange, comme si une présence persistait encore malgré l’absence physique de Velyaeh.
Son regard glissa lentement vers le sol, juste à côté de la chaise où elle se tenait.
Quelque chose y brillait faiblement, à moitié dissimulé sous un pan de poussière et un éclat de bois.
Il se pencha lentement, tendit la main avec prudence, comme si l’objet pouvait lui mordre les doigts.
Ses doigts se refermèrent sur un petit médaillon ancien, à la chaîne rouillée.
Il le souleva doucement.
Le médaillon était froid, lourd malgré sa petite taille. Il le retourna du bout des doigts.
Sur la surface ternie, une inscription gravée, à peine lisible à l’œil nu.
Il s’approcha de la lumière de la fenêtre.
Plissa les yeux.
Et lut, gravé à l’arrière du pendentif :
"31/12/1810 – Que la vérité repose dans le sang des nôtres."
Son cœur se serra violemment.
Il ouvrit le médaillon.
À l’intérieur, une minuscule peinture, à peine plus grande qu’un ongle : le portrait d’une femme jeune, aux yeux graves et aux cheveux noirs relevés.
Elle portait la même robe noire.
Et le même poignard planté dans la poitrine.
— Velyaeh…
Elle avait laissé une trace.
Elle voulait qu’il continue.
Jael referma le médaillon dans sa paume.
Il savait ce que cela signifiait.
Il ne pouvait plus reculer.
Quelque part dans cette maison se trouvait la vérité sur ce qui s’était passé en 1810.
Et peut-être… sur les 5000 âmes dont elle avait hérité.
Parfait. Voici la suite, où Jael répond à l'appel et descend dans le lieu interdit — un moment charnière où le mystère s'épaissit dangereusement.
2. La Descente
Le souffle suspendu, Jael resta figé un instant devant l’ouverture noire.
L’escalier descendait dans un gouffre sans lumière, étroit et voûté. Les murs étaient couverts d’une mousse sombre et humide, et l’air y était glacial, presque impossible à respirer.
Mais la voix, dans son esprit, douce et spectrale, continuait de l'appeler :
— Descends… Jael.
— Tu dois voir. Tu dois comprendre.
Il serra le médaillon dans sa main, comme pour s’ancrer à quelque chose de tangible.
Puis il fit le premier pas.
Puis un deuxième.
À chaque marche, la lumière du rez-de-chaussée s’éloignait, comme aspirée par la noirceur.
Il descendait lentement, chaque pas résonnant comme un écho venu d’un autre siècle.
Ses doigts effleuraient les parois trempées de sueur ancienne, et un frisson lui parcourait l’échine.
Il aurait voulu allumer son téléphone pour y voir clair, mais la batterie était morte depuis la veille.
Il était seul avec l’obscurité.
Mais alors qu’il descendait encore, une lueur apparut en bas des marches.
Faible. Tremblante. Comme celle d’une chandelle oubliée.
Il approcha.
La lumière venait d’un chandelier posé au sol, allumé comme par magie. À côté de lui, une porte de pierre entrouverte, couverte de symboles gravés dans la roche.
Les mêmes signes que sur le livre.
Les mêmes que sur l’assiette.
Les mêmes que sur la couverture du cauchemar.
Jael tendit la main.
Poussa la porte.
3. Le Sanctuaire
La pièce qui s’ouvrit devant lui était une crypte.
Les murs étaient couverts de tapisseries noircies par le temps. Au sol, une mosaïque en spirale semblait converger vers un autel de pierre au centre.
Sur cet autel…
Un livre.
Pas le même que celui trouvé dans la bibliothèque.
Un autre, plus grand, plus ancien, relié en cuir craquelé et orné de chaînes d’argent brisées.
Jael s’avança, lentement.
Une gravure sur l’autel attira son regard :
"Ceci est la mémoire des 5000."
Et au moment même où ses doigts frôlèrent la couverture du livre, une bourrasque invisible souffla dans la crypte.
Et la voix revint, plus proche que jamais.
— Tu as ouvert la porte, Jael.
— Maintenant, tu vas entendre leurs noms.
4. Le Couloir Oublié
Jael glissa le médaillon dans sa poche intérieure, comme un talisman.
Il se leva lentement, rassemblant ce qu’il lui restait de force et de lucidité.
La pièce était silencieuse, mais quelque chose avait changé. L’air était plus lourd, presque chargé d’électricité.
Il ressentait une tension étrange, comme un murmure qui ne se disait pas avec des mots, mais avec les murs.
Il fit quelques pas vers le centre du salon, scrutant les alentours.
Puis il l’entendit.
Un grincement.
Léger. Lointain.
Pas un cri, ni une plainte.
Juste le son d’une porte qui s’ouvre lentement, quelque part dans le manoir.
Jael tourna la tête.
Il n’avait ouvert aucune porte aujourd’hui. Et il était seul.
Un deuxième bruit se fit entendre.
Un claquement sec, suivi d’un froissement léger, comme si un courant d’air avait déplacé un rideau qu’il n’avait jamais vu.
Son cœur battait plus vite, mais la peur se transformait maintenant en quelque chose d’autre. Une intuition. Un appel.
Il quitta le salon et s’engagea lentement dans le couloir principal. Le plancher craquait sous ses pas, résonnant comme un avertissement.
Le manoir semblait s’allonger devant lui.
Il arriva devant un mur qu’il avait déjà croisé la veille. Il était persuadé qu’il n’y avait rien là.
Mais maintenant, une porte était visible.
Ancienne, rongée par l’humidité, mais bien là.
— Non… murmura-t-il, troublé. Elle n’y était pas. Je l’aurais vue.
Il tendit la main vers la poignée de fer, glacée. Il hésita, le souffle court.
Puis il ouvrit.
L’intérieur était plongé dans une obscurité profonde. Une odeur de bois pourri, de livres anciens, et de quelque chose de plus métallique — le sang séché — s’en échappait.
Il y eut un murmure.
Pas dans ses oreilles.
Dans sa tête.
Une voix douce. Féminine. Connue.
— Descends… Jael.
— Tu dois voir ce que nous avons caché…
5. Le Livre des Âmes
Ses doigts tremblaient lorsqu’ils touchèrent la couverture.
Le cuir était dur, craquelé, mais chaud — comme s’il palpitait.
Comme s’il respirait.
Jael n’aurait pas dû l’ouvrir.
Chaque instinct le suppliait de reculer.
Mais il l’ouvrit.
Le silence se brisa net.
Une onde de choc invisible parcourut la crypte, faisant vibrer les murs. Les chandelles vacillèrent comme si un vent ancien passait entre les pierres.
Et les voix commencèrent.
Pas une.
Pas deux.
Des centaines.
Des milliers.
Un chœur d’ombres, murmurant, pleurant, hurlant, récitant à l’unisson une prière venue d’outre-tombe.
Le livre brillait d’un rouge sombre, chaque page écrite à l’encre de sang, chaque nom gravé dans une écriture tourmentée.
Jael recula d’un pas, pris de vertige.
Mais son regard se fixa sur une page au centre du grimoire, marquée par une tâche séchée et un symbole entouré de flammes noires.
Et au milieu des noms, il en lut un.
Clair. Net.
"Velyaeh Turquoir"
Juste en dessous, en lettres plus petites, à peine lisibles :
"Sacrifiée. Non libérée. Porteuse de l’appel."
Et un second nom, inscrit à l’encre encore fraîche :
"Jael M. Ranas — L’Éveilleur."
Jael sentit le sol fuir sous ses pieds.
Il referma brutalement le livre et recula, effaré, haletant.
— Non… non… c’est impossible… comment mon nom… ?
Le livre tomba au sol dans un fracas sourd.
Et derrière lui, dans l’ombre glacée de la crypte…
