Bibliothèque
Français
Chapitres
Paramètres

4

Nous passons rapidement devant le groupe de filles, mais Darla m’agrippe fermement par la bretelle de mon soutien-gorge.

— Qu’est-ce que tu me veux, Darla ?

— Je voulais te souhaiter une bonne rentrée, spécialement.

Avant que je puisse réagir, un liquide glacé m’inonde le sweat. Stupéfaite, je la gifle si fort que sa tête doit avoir fait un tour complet. Sans un regard pour ce qui m’entoure, je m’enfuis vers le gymnase et me précipite sous une douche, encore habillée.

Quelques minutes plus tard, j’entends des marmonnements dans la rangée voisine.

— Il y a quelqu’un ? crié-je.

***

En sortant du gymnase…

Il était beau. Vraiment beau. Wazter, un prénom qui sort de l’ordinaire. Il tenait si mal l’alcool que j’en avais mal pour lui, et pourtant, je m’y connais. Il était tellement ivre qu’il délirait sur Charlemagne et d’autres absurdités. Une fois dégrisé, il ne se souviendrait sans doute pas du début de notre conversation. Par contre, il se rappellerait certainement le moment gênant où je l’ai aidé à enlever son t-shirt.

Et si Monsieur Ivre-mort se mettait à raconter à tout le lycée ce qui s’était passé ? Luka n’apprécierait pas. Et puis, pourquoi un garçon aussi séduisant – brun, yeux noirs – sentait-il le besoin de se saouler un jour de rentrée ? Il devait en vouloir à Charlemagne…

Je marche encore lorsque la sonnerie retentit. Merde, mon sac ? Je ne l’ai pas laissé dans les vestiaires, au moins ? Je fais demi-tour en courant et me rue dans le gymnase.

La buée s’est dissipée, on y voit plus clair maintenant. Je me dirige vers le casier de Qlark, où j’ai pris un de ses t-shirts. Pauvre Qlark, tu ne le reverras sans doute jamais – j’adore l’odeur de tes affaires, mon coco.

J’ouvre le casier et m’interromps en entendant la voix de Wazter, non loin.

— Non… Je te jure, je viens ce soir !… Je serai sobre, promis… Pas d’accident, d’accord ?… À ce soir, Bast.

Un accident ? De l’ivresse ? Ce soir ? Comme toujours, je fais tomber mon sac sur mes pieds et pousse un cri.

— Qui est là ? lance-t-il.

— Euh… Personne !

— Si t’es personne, pourquoi tu réponds ? glousse ma conscience.

Ses pas résonnent sur le carrelage, et le voilà devant moi.

— C’est toi, Paradis. Qu’est-ce que tu fiches ici ?

— J’ai oublié mon sac. Je suis partie il y a vingt minutes, tu as dû bien décuver depuis.

— Ouais, cette douche m’a requinqué. Je ne me souviens même pas de comment je suis arrivé là. Je ne t’ai pas touchée, au moins ? Rassure-moi.

— Ivre-mort, tu ne m’as pas touchée. Tu m’as juste parlé de Charlemagne, que tu attendais et que c’était un salaud.

Je donne une petite tape sur son torse en riant. Une décharge électrique traverse mon poing. J’écarquille les yeux et retire ma main vivement. Wazter l’a ressenti aussi, il se fige. Avant que je ne m’y attende, il reprend ma main et la replace sur sa poitrine. La décharge est encore plus forte, mais je ne bouge plus. Seulement deux heures que je le connais, et cette connexion…

Il me regarde droit dans les yeux, sa main couvrant la mienne. Une voix masculine nous interrompt.

— Les amoureux dans les vestiaires, si vous ne dégagez pas tout de suite, c’est la colle ! Les cours ont commencé il y a quinze minutes !

Wazter lâche ma main comme si elle brûlait. Je rougis, fais un geste vague, attrape mon sac et m’enfuis. Qu’est-ce qui vient de se passer ? Je l’ignore, mais j’ai aimé ça.

Non, Heaven, tu es avec Luka. Tu ne peux pas tomber sous le charme d’un type que tu connais à peine et qui boit comme un trou, crie ma conscience.

Pour une fois, je suis d’accord avec toi, conscience.

Je marche calmement dans les couloirs – inutile de se presser – et me présente quelques minutes plus tard à la porte de ma salle d’histoire.

— Mademoiselle Drad, où étiez-vous ?

— Quelque part.

Je vais m’asseoir à côté de Cameron, visiblement seul. La prof ne réplique pas, et ça me convient. Les profs n’osent jamais me contredire ; ils ont tous peur de mon père. Ô grand avocat de Santa Monica, ô Greyz Drad, l’homme riche et influent. En bref, sa réputation me protège.

Pendant tout le cours, Cameron n’arrête pas de me demander où j’étais, si j’avais vu un pont ou un pistolet – des questions qui sous-entendent qu’il croit que je vais me suicider. Il n’a pas tout à fait tort ; après la mort d’Amethyst, j’y ai bien pensé.

— Cameron, je vais bien. Arrête de t’inquiéter et dors un peu. Ce soir, c’est un grand soir.

— Tu vas faire ce que je pense que tu vas faire, ou autre chose ?

— Si ce à quoi tu penses comprend les mots « boîte de nuit » et juste après « moto », alors on est sur la même longueur d’onde.

— Heaven, de quoi parliez-vous ? m’interrompt la prof, visiblement en colère.

— Du fait que vous avez couché avec le principal pour une augmentation ?

Ses yeux s’écarquillent, et elle écrase sa craie dans son poing.

— Je vais devoir avoir une conversation avec vous, Mademoiselle Drad.

Je l’ignore et retourne à mes pensées. Salope, jette ma conscience.

Deuxième fois aujourd’hui que je suis d’accord avec toi, conscience. Finalement, tu n’es pas si mal.

Le reste du cours se passe sans anicroche. Je m’endors presque, et à la sonnerie, Cameron me suit comme mon ombre.

— Donc, c’est d’accord pour ce soir ? Tu redeviens notre vraie Hell, et après, on va s’éclater à la course près des falaises ?

— Oui, Cameron. Ce soir, je redeviens Hell, et on ira au rallye ensuite. J’ai hâte de revoir Sept et Andraz.

Sept est la petite sœur de l’organisateur des courses. Elle est dans tout ce qui est illégal : drogues, courses, braquages… Mais c’est surtout une amie précieuse, qui m’a beaucoup soutenue après la mort d’Amethyst. Je ne l’ai pas revue depuis une semaine ; elle était en Allemagne avec Andraz, son copain et chef de bande, pour une histoire de coffre-fort à retrouver.

Avec Qlark et les autres, nous ne faisons pas vraiment partie de leur groupe – nous avons déjà assez de soucis sans nous mêler de vols. Nous sommes plutôt des amis proches qui participent occasionnellement.

— Oh, putain, j’ai trop hâte ! On part à quelle heure pour le Caliente ?

— Comme d’habitude, à 23 heures. Le temps que je prépare le matériel.

Nous arrivons près de mon casier. Cameron hoche la tête et file vers la cafétéria en trottinant. Que va-t-on faire de lui ?

Je range mes affaires et claque la porte.

— Bouh ! dit une voix derrière moi.

Je sursaute et me retourne, furieuse.

— T’es malade ? Tu m’as fait peur, Cam…

Je m’interromps en voyant Wazter, plié en deux de rire.

— Désolé, Paradis, je n’ai pas pu résister.

— Je te déteste, Monsieur Ivre-mort.

Je me dirige vers la cafétéria. Il marche à mes côtés et me donne des coups de coude pour m’embêter.

— Qu’est-ce que tu veux, Wazter ? Je t’ai assez aidé aujourd’hui. Je ne vais pas en plus te servir de distraction ?

— Tu es devenue ma distraction. Dommage pour toi, mais je vais te coller jusqu’à ce que tu me donnes ton numéro. Comme ça, je pourrai te remercier chaque jour pour ton altruisme.

Téléchargez l'application maintenant pour recevoir la récompense
Scannez le code QR pour télécharger l'application Hinovel.