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5

— Tu connais le mot « altruisme » ? Waouh, je suis impressionnée, Wazter. Tu es un garçon intelligent.

— C’est tout ce que tu retiens de mon discours ? Donne-moi ton numéro, s’il te plaît, Madame Paradis.

— Je te le donne si… tu me donnes le tien en premier.

— Si tu voulais mon numéro, tu n’avais qu’à demander.

Il sort son téléphone. Je fais de même, et nous nous arrêtons dans le couloir pour échanger nos contacts.

— La condition, c’était que tu donnes le tien en premier, Wazter. Dépêche-toi, j’ai faim.

— Passe ton téléphone, je le note.

Je lui tends mon portable, mais il met trop de temps. Je me penche pour voir : mais qu’est-ce qu’il fout ? Il regarde mes photos ?

— Rends-moi mon téléphone, tout de suite, Wazter !

Je tente de le lui arracher, mais il est plus rapide et le glisse dans son caleçon. Il n’a pas fait ça ?

— Je le garde un moment, ne t’inquiète pas. En attendant, tu peux prendre celui de Maxwell.

— Donne-le-moi tout de suite, ou je te jure que je te baisse ton caleçon en plein milieu du couloir !

Avant que je puisse réagir, il file entre les élèves et se dirige vers la sortie en courant. Je devrais aller à la cafétéria, manger et attendre sagement qu’il me le rende, mais c’est plus fort que moi : je cours jusqu’à la sortie.

À ma droite, une moto ronronne. Wazter est dessus et m’adresse un sourire victorieux. Mais je ne me laisserai pas faire. Je cours vers la moto de Tyler, garée un peu plus loin. Pas besoin de casque. Je sors le double des clés qu’il m’a confié – au cas où, disait-il – et je démarre si vite qu’un nuage de poussière s’élève derrière moi.

La moto de Wazter est déjà au bout du parking. Je la rattrape de justesse. Il se retourne, yeux écarquillés en me voyant sur une moto, sans casque. Lui, bien sûr, en porte un. Peureux.

Il démarre avant moi. Je le suis sur la route. Je ne sais pas où nous allons, je ne sais même pas ce que je fais, ni pourquoi. Mais c’est plutôt marrant.

Je m’engage sur la route, Heaven collée à mes basques. Putain, mais où a-t-elle appris à piloter comme ça ? Dans le rétro, je la vois serrer au plus près, son corps plaqué sur sa machine. L’adrénaline, c’est tout ce que je cherchais quand j’ai commencé les rallyes et la moto. Des rallyes illégaux, bien sûr. Il me fallait une occupation, quelque chose pour occuper mes nuits d’insomniaque. Fallait que je trouve un truc à faire de mes mains. Pas question de tricoter comme Grand-Mère Carla – elle avait essayé de m’apprendre quand j’étais gamin. L’horreur.

Puis un soir, First – mon pote de toujours, que j’appelle parfois Pythagore dans mes délires – m’a traîné à une course. J’ai été mordu tout de suite. First est le seul à connaître ma vie dans les moindres détails. Chaque émotion qui passe sur mon visage, il la lit comme un livre ouvert. Et c’est réciproque. Bon, First, c’est le coureur de jupons des temps modernes. Je crois qu’il a autant de tunes que de conquêtes. Avec un père juge, une mère médecin et un frangin footballeur pro, il est clairement la honte de la famille.

Mais assez parlé de First. Concentrons-nous sur l’Ange qui me suit. Je sais exactement où je veux l’emmener. D’ailleurs, son téléphone n’est pas dans mon caleçon, je ne suis pas un sauvage – je l’ai juste coincé dans la ceinture de mon pantalon.

Heaven serre au plus près et tente de me doubler, sans succès. Ma chérie est vraiment trop forte. Ma moto, bien sûr, pas Heaven. J’accélère et fais rugir le moteur. Heureusement que j’ai mon casque ; la Beauté, derrière, n’en porte pas. Une vraie folle.

Je longe la Promenade de Santa Monica et me dirige vers la plage, Pacific Park et tout le tintouin. Au dernier moment, Heaven me dépasse et lève sa roue avant. Mon Dieu, elle va tomber ! Et elle est sans casque ! J’accélère pour me maintenir à sa hauteur.

— T’es malade ? Tu aurais pu te tuer ! je hurle tandis que nous filons le long de la jetée.

Elle tourne la tête vers moi, me fait un clin d’œil, puis accélère en direction du parking de Pacific Park. Je la suis de près, et nous garons nos motos en vitesse.

À peine descendu, je l’attrape par le bras.

— Où as-tu appris à rider comme ça, Paradis ?

— Si je te le dis, ça gâchera tout le mystère, Wazter. Et puis, rends-moi mon téléphone.

Je sors l’appareil et le dépose dans sa paume. Elle le fourre prestement dans son sac et me sourit.

— À cause de toi – ou grâce à toi –, on a loupé les cours et le déjeuner, mon cher. Maintenant, excuse-moi, mais je vais manger.

— Parfait ! On y va ensemble, je meurs de faim aussi. Et tu ne vas pas traîner seule dans les rues comme ça, tu sais, il y a des types bizarres partout, et tu es plutôt mignonne, avec tes cheveux courts les mecs vont se retourner sur toi, il ne faudrait pas que tu te fasses agres…

— Wazter, arrête tes bêtises, s’il te plaît. Je traîne toujours seule dans ces rues. Et tu veux que je te dise ? Les gens se retournent parce que…

Elle s’interrompt quand un téléphone sonne. Ce n’est pas le mien, c’est le sien. Elle fouille dans son sac, essuie l’écran – elle croit sans doute qu’il était vraiment dans mon caleçon.

— Allô ?… Oui, je sais… Écoute, on se voit ce soir au Caliente de toute façon… Oui, oui, j’ai compris, Luka… Tu passes me prendre à quelle heure ?… D’accord, je t’aime. À ce soir.

Je t’aime ? Luka ? Caliente ? Elle est en couple, gros malin, c’est évident, me souffle ma conscience.

Grr… Pour une fois qu’une fille s’intéresse à moi, juste pour rigoler et passer du bon temps, il faut qu’elle soit casée. Ou peut-être que Luka, c’est le deuxième prénom de Maxwell ? Arrête de déconner, Waz’, grogne ma conscience.

Bon, d’accord, c’est pas Maxwell.

— Alors, on mange, oui ou non ? lance Paradis.

— Ouais, viens.

Je me mets en marche, mais quand je me retourne, plus de Ciel. Je jette un coup d’œil à droite et la voilà en train d’enlever ses baskets pour marcher dans le sable. Une gamine dans l’âme, ça me plaît.

Je la suis et retire mes boots. Elle court sur la plage comme une enfant, le sable volant derrière elle. Je marche lentement, observant les enfants jouer au ballon, d’autres construire des châteaux de sable. Des adultes lisent, se baignent ou font du bronzette. Le Ciel s’est assise dans le sable, le regard perdu au loin. J’aurais aimé avoir mon appareil photo pour la capturer ainsi, de profil.

Je m’approche doucement et m’assois à côté d’elle.

— À quoi tu penses ?

— À ma meilleure amie. Elle adorait cette plage. On allait toujours à Pacific Park quand elle était là.

— Elle est partie… genre, elle a déménagé ? Ou elle est… ailleurs ?

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