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2

L’hiver dernier, j’ai fêté le Nouvel An avec sa famille. Lui est venu à la maison pour Noël. Mon père ne cesse de répéter qu’on se comporte comme un couple, mais entre Qlark et moi, tout est amical. Enfin, presque. Je sens bien qu’il éprouve un peu plus que de l’amitié. C’est évident, les soirs où je dors chez lui, quand il fait tout pour se coller à moi au maximum. Petit coquin.

Je lui saute au cou et l’inonde de bisous baveux sur la joue. Ça le fait rire. On partage bien le même verre parfois, alors les bisous, c’est du niveau débutant.

— Moi aussi tu m’as manqué, si c’est ce que tu veux dire par cette léchouille, dit-il en souriant.

— Ça fait deux jours qu’on ne s’est pas vus ! Tu te rends compte ? C’est une éternité ! m’exclamé-je en m’agrippant à une barre.

— Une vraie tragédie. J’en faisais des cauchemars, réplique-t-il, ironique.

— Méchant garçon.

— Oh, si tu savais à quel point, murmure-t-il.

Les seules personnes avec qui je plaisante vraiment, c’est Qlark et Luka. Même pas les autres garçons du groupe, sauf quand Zedd sort une vanne tellement nulle qu’elle en devient drôle. Je ne fréquente quasiment que des garçons.

D’ailleurs, j’ai hâte de retrouver Luka, mon petit ami. Oui, mon petit ami depuis quelques mois maintenant. Luka, c’est mon parfait contraire. Beau gosse jusqu’au bout des ongles, il a toutes les filles à ses pieds. Séducteur, sérieux en cours… Bref, le cliché du capitaine de l’équipe de basket, pas du quarterback, désolée de vous décevoir.

Moi aussi, au début, j’étais un cliché. La fille sérieuse, un peu coincée. Et Luka avait un faible pour ce genre de filles. Enfin, pour moi, plus précisément. On sait tous comment ça se termine, ce genre d’histoires ? Ils vécurent heureux, etc. Sauf que mon happy end s’est brisé il y a deux semaines. Elle n’aurait jamais dû mourir.

— Oh, bon sang, pourquoi tu pleures ? me demande Qlark en essuyant mes larmes du bout du pouce.

— Ame…, soufflé-je en reniflant.

Qlark me serre contre lui pendant tout le reste du trajet. Dans ses bras, je me sens en sécurité. Plus qu’avec n’importe qui, plus qu’avec Luka, mon père ou mon demi-frère. Qlark fait partie de mon univers. Je crois qu’en réalité, c’est la seule personne que j’aime vraiment. Amicalement, bien sûr, mais c’est de l’amour. Plus fort que tout. Et je compte bien le garder à mes côtés jusqu’à ce qu’on n’ait plus une dent pour rire ensemble.

Le bus se vide peu à peu. Bientôt, nous ne sommes plus qu’une dizaine. Je suis toujours contre Qlark, malheureusement son t-shirt est trempé. Heureusement, il garde toujours des vêtements de rechange dans son casier. D’ailleurs, il faut absolument que j’aille lui en emprunter un, ce sweat va finir par m’achever. Franchement, qui porte un sweat en septembre ? Toi, idiote, me souffle ma conscience.

— Euh, Heaven… c’est qui, « conscience » ? me demande Qlark, amusé.

Merde. J’ai pensé tout haut. Bravo, Heaven, maintenant il va te prendre pour une schizophrène.

— Personne ! Je disais « Constance », c’est une copine d’enfance à qui je pensais, dis-je en riant nerveusement.

— Ah, d’accord… On arrive, fait Qlark.

Le bus s’arrête enfin devant le lycée. Je descends rapidement. Il faut que je retrouve Luka, que j’aille piquer un t-shirt à Qlark, que je vérifie ma nouvelle classe et que je dise bonjour aux autres. Et accessoirement, que j’aille en cours.

Je cherche une tignasse blonde très claire dans la foule. Pour vous donner une idée, je suis brune, lui est blond. Très blond. Pour être précise, Luka est australien. C’est plus simple comme ça. Et je finis par l’apercevoir près de la fontaine.

Je me mets à courir si vite que mon prof de sport m’inscrirait sans hésiter aux JO. À quelques mètres de lui, je saute sur son dos, enroule mes jambes autour de sa taille et couvre sa joue de baisers. Il vacille un instant, se stabilise, puis attrape mes genoux pour me maintenir.

Je respire l’odeur de son cou. Il se tourne légèrement et m’adresse un grand sourire. Je redescends et me place devant lui.

— Ça va, l’enfer ? Tu m’as manqué depuis… quatre jours, je crois ? dit-il en entourant ma taille.

— Tais-toi et embrasse-moi.

Il s’exécute aussitôt. Alors que nos lèvres se rencontrent, une série de raclements de gorge retentit sur notre gauche. Sans interrompre le baiser, je tourne les yeux et me sépare brusquement de Luka. Zedd, Tyler, Cameron et Qlark nous observent, l’air dégoûté.

Zedd, cheveux noirs et yeux marron, style décontracté. Tyler, un géant aux cheveux châtain clair et aux yeux bleus. Cameron, lui, affiche des cheveux rouges. Oui, rouges. Ce type est fou. À chaque soirée, il participe à des actions ou vérités et finit souvent avec une nouvelle couleur de cheveux chaque semaine. Et Qlark, grand brun aux yeux vert émeraude, style simple : t-shirt, jean slim, boots, parfois une veste en cuir. Luka, lui, est blond – on l’aura compris –, aux yeux gris-bleu. En résumé, l’opposé de Qlark, mais avec le même style vestimentaire.

— Désolé de déranger les tourtereaux, mais il faut qu’on aille voir les classes. Qlark tient à ce qu’on y aille tous ensemble, alors ramenez vos jolis petits culs, annonce Cameron avec un clin d’œil.

— On y va, alors, dis-je, légèrement gênée.

Qlark prend les devants. Nous le suivons tandis que Zedd nous raconte une anecdote de soirée : une fille, complètement bourrée, lui aurait embrassé l’aisselle en croyant que c’était sa bouche. Tout le monde rit, moi y compris, pour une fois.

Il faut savoir qu’une fois au lycée, je deviens distante. Je sèche parfois les cours pour me réfugier dans cette vieille boutique de disques des années trente, ou pour aller au cimetière. Ici, je ne suis qu’Heaven. Celle qui ne parle pas, qui écoute de la musique toute la journée, traîne avec une bande de garçons adorables au look de durs. Celle qui n’a sa place nulle part.

C’est pour ça qu’une fois la nuit tombée, je ne suis plus cette fille. Je deviens Hell, comme m’appellent les autres. La déesse de la nuit et des platines. La lycéenne courtisée par des millionnaires, celle qui enflamme les pistes de dance. Ce n’est plus Heaven, mais Hell. Et ça fait bien trop longtemps qu’elle attend son retour. L’enfer est de retour.

La rentrée, quel calvaire. Franchement, qui a eu l’idée de forcer des ados à s’entasser dans des salles de classe ? Et personne ne m’a même demandé mon avis, à moi, Wazter, le maître du monde ! Ces types de l’époque devaient être des salopards, en plus ils écrasaient le raisin avec leurs pieds pour faire du vin. Dégoûtant. Enfin, peut-être que j’en aurais bu une gorgée, après tout. Ma famille est morte il y a deux semaines, et ce bon vieux Charlemagne commence à me gonfler.

— Wazter ! Tu m’écoutes ? Mon pote, tu bois comme un trou alors que les cours vont commencer. Faut pas déconner, lève-toi, me dit mon meilleur ami, dont la voix semble venir de loin.

— Fiche-moi la paix, chevalier. Je dois aller parler à Charlemagne. Tu te rends compte, Ulysse ? Ah merde, Ulysse, c’est pas la bonne époque… Bon, tu t’appelleras Pythagore, alors. Même si je crois qu’il n’était pas chevalier non plus, mais peu importe. Désormais, tu es Pythagore, Frist.

— Putain, Wazter, t’es défoncé, c’est ça ? Avec quoi ? Je te jure, si tu t’es encore shooté, je te botte le cul dès que t’auras fini avec Charlemagne.

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