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Chapitre 2-B:La Première Marque

‎Elle regagna sa chambre d’un pas mesuré, refusant de montrer qu’elle tremblait encore. Chaque pas sur le tapis lui rappelait le contact de la main de Massimo. Sa chaleur. La pression sourde de ses doigts.

‎Elle ferma la porte derrière elle, s’y adossa un instant, les paupières closes.

‎Elle savait que ce n’était que le commencement. Dans cette maison, chaque caresse cachait un avertissement. Chaque sourire un calcul.

‎Quand elle rouvrit les yeux, elle avisa le coffret noir qu’elle avait laissé sur la commode. Elle hésita, puis l’ouvrit à nouveau. Les menottes de velours semblaient plus menaçantes à la lumière du matin. Elle effleura le métal du bout des doigts, sentant une chaleur étrange envahir sa paume.

‎Un geste presque superstitieux : elle referma brusquement le coffret et le rangea sous le lit.

‎Elle s’approcha du balcon. Le soleil montait lentement au-dessus de la mer. En contrebas, les gardes se relayaient près des portails. Sur la terrasse voisine, Vittorio De Luca lisait un journal, jambes croisées. Il leva la tête et la vit. Leurs regards s’accrochèrent une seconde. Il inclina imperceptiblement la tête, comme un salut privé.

‎‎Elle recula d’un pas, le souffle un peu court.

‎‎Elle avait été formée pour séduire, manipuler, détruire. Mais elle n’avait jamais imaginé que sa propre vulnérabilité deviendrait une arme si difficile à contrôler.

‎‎Elle ferma les rideaux, refusant d’offrir davantage son image à leurs yeux.

‎Puis elle alla s’asseoir à la coiffeuse, se concentra sur sa respiration. Elle devait reprendre le contrôle avant le dîner. Avant la prochaine manche.

‎‎Elle ouvrit un petit carnet dissimulé dans une doublure de sa valise. Un répertoire de notes cryptées : détails, impressions, failles entrevues. C’était son bouclier. Chaque mot qu’elle couchait sur le papier la protégeait un peu plus du vertige.

‎Elle y nota :

‎Massimo – Dominant, dangereux. Aucune pitié. Cherche à marquer le territoire.

‎Vittorio – Observateur, tactique. Tension sexuelle probable.

‎Salvatore – En retrait. À surveiller.

‎‎Elle referma le carnet et le dissimula à nouveau.

‎‎Quand elle se redressa, elle sentit une résolution froide envahir sa poitrine. Elle devait se rappeler qu’elle n’était pas ici pour céder. Pas ici pour devenir leur jouet.

‎‎Elle se leva et traversa la pièce. Chaque pas était une affirmation : elle avait choisi cette mission. Elle avait choisi cette guerre.

‎‎Quand la nuit tomberait, elle serait prête.

‎Le crépuscule arriva plus vite qu’elle ne l’aurait cru. À dix-neuf heures, une domestique vint frapper à sa porte, l’informant que le dîner était servi.

‎‎Dalia prit le temps de passer une robe noire, simple mais provocante dans sa coupe : un dos nu profond, une fente sur la cuisse. Elle laissa ses cheveux libres, ondulant jusqu’au bas de son dos.

‎‎Dans le miroir, elle se força à sourire.

‎‎Tu es leur ruine.

‎‎Elle inspira. Puis sortit.

‎Le salon principal avait été transformé. La longue table de marbre accueillait une dizaine d’hommes déjà attablés, verres à la main. Des rires éclataient par moments, des saluts en italien ponctuaient la tension.

‎‎Massimo se leva à son arrivée.

‎‎— Messieurs, je vous présente Dalia Moretti.

‎‎Tous se tournèrent vers elle. Pendant une fraction de seconde, elle se sentit nue.

‎‎Elle avança d’un pas lent, contrôlé. Elle croisa le regard de Salvatore, celui de Vittorio, et quelques autres qu’elle n’avait pas encore identifiés.

‎‎Quand elle atteignit sa place – entre Massimo et Vittorio – elle sut qu’ils l’avaient déjà placée au centre du jeu.

‎La servante tira la chaise. Elle s’assit, croisa les jambes.

‎‎Le dîner commença dans un silence lourd.

‎‎Massimo se pencha vers elle, sa voix basse frôlant sa nuque.

‎‎— Vous comprenez maintenant où vous êtes ?

‎‎Elle ne tourna pas la tête.

‎‎— Oui.

‎‎— Et qui vous regarde ?

‎‎Elle sentit le frisson naître, malgré elle.

‎‎— Oui.

‎‎Il effleura le creux de son dos, un geste d’une intimité calculée.

‎— Alors soyez digne de notre attention.

‎Elle ferma les paupières une seconde.

‎‎Puis elle rouvrit les yeux, un éclat dur planté dans son regard.

‎‎Qu’ils me regardent, pensa-t-elle. Un jour, ils comprendront qu’ils se contemplaient eux-mêmes, au moment de leur chute.

‎Le repas avançait dans une lenteur cérémonieuse. Des plats somptueux défilaient : carpaccio de thon rouge, pâtes fraîches nappées de truffe, vin coulant à flot. Dalia mastiquait sans y penser. Chaque mouvement autour d’elle, chaque éclat de voix, semblait orchestré pour l’étudier.

‎‎Au milieu du dîner, Vittorio se pencha enfin vers elle. Ses lèvres s’arrêtèrent à quelques centimètres de son oreille.

‎‎— Vous semblez nerveuse.

‎Elle pivota légèrement, croisant ses yeux pâles.

‎— Je ne le suis pas.

‎Un sourire lent, presque paresseux, se dessina sur son visage.

‎‎— C’est fascinant. La façon dont vous essayez de garder le contrôle.

‎‎Il se redressa, posa sa main sur la table. Ses doigts effleurèrent les siens. Elle sentit un courant passer de sa peau à la sienne, un frisson qu’elle n’aurait jamais voulu admettre.

‎‎— Vous savez, murmura-t-il, je pourrais vous offrir quelque chose que personne ici ne possède.

‎‎Elle ne répondit pas. Elle se força à garder la respiration stable, à ne pas retirer sa main.

‎‎— Vous n’êtes pas curieuse ?

‎‎Elle pencha légèrement la tête, ses prunelles cherchant à le sonder.

‎— Et qu’est-ce que ce serait ?

‎Ses doigts se refermèrent sur les siens, pas tout à fait une étreinte, pas tout à fait une contrainte.

‎‎— La vérité.

‎‎Elle fronça imperceptiblement les sourcils.

‎‎— Quelle vérité ?

‎‎Il se pencha si près que son souffle se mélangea au sien.

‎— Que vous n’êtes pas ici pour nous divertir. Ni même pour vous sauver. Vous êtes ici parce que vous n’avez jamais connu la liberté. Et vous croyez que la trouver passe par l’abandon.

‎‎Elle sentit la chaleur envahir sa poitrine. Ses mots étaient comme une lame qui disséquait ses certitudes.

‎‎— Vous vous trompez, murmura-t-elle.

‎‎— Peut-être.

‎‎Il relâcha sa main. Pendant une fraction de seconde, elle crut qu’il allait s’écarter. Mais il se leva lentement, contourna la table et s’arrêta derrière elle. La conversation se poursuivait autour d’eux : rires, toasts, exclamations. Personne ne semblait remarquer qu’il venait de poser sa main sur sa nuque.

‎‎Elle retint son souffle.

‎‎— Vous êtes tendue, constata-t-il.

‎‎Ses doigts glissèrent lentement sur sa peau nue. Un frisson la traversa, incontrôlable.

‎‎— Détendez-vous.

‎‎Sa paume descendit le long de son épine dorsale, effleurant la soie de sa robe. Elle sentit la pression douce mais ferme, la lenteur calculée de son geste. Un contact qui n’était pas qu’un prélude : un acte de possession déguisé en caresse.

‎Elle ferma les yeux, tentant de contenir la vague de chaleur qui lui embrasait le ventre.

‎‎Il s’arrêta à la naissance de ses reins. Ses doigts restèrent là, immobiles.

‎‎— Vous avez compris ? murmura-t-il.

‎‎Elle eut un instant d’hésitation. Puis elle rouvrit les yeux, sa voix plus rauque qu’elle ne l’aurait voulu.

‎‎— Compris quoi ?

‎‎— Que vous êtes déjà à nous.

‎‎Elle inspira, cherchant à masquer le tremblement dans sa gorge.

‎‎— Je n’appartiens à personne.

‎‎Ses doigts pressèrent un peu plus fort. Pas au point de faire mal, mais juste assez pour qu’elle sache qu’il pouvait resserrer.

‎‎— Si vous le dites.

‎‎Il retira enfin sa main. Elle sentit le froid revenir sur sa peau, presque douloureux.

‎‎Quand elle osa tourner la tête, il avait repris place, son visage impassible. Comme si rien ne s’était passé.

‎‎Elle porta son verre à ses lèvres, mais ses mains tremblaient.

‎‎Au même instant, elle croisa le regard de Massimo, assis de l’autre côté. Ses prunelles sombres brillaient d’un éclat où elle lut autre chose qu’un simple intérêt.

‎‎Elle comprit que le jeu avait vraiment commencé.

‎‎Et que ce premier contact n’était qu’un prélude à une guerre plus intime.

‎Elle essaya de détourner les yeux, mais le regard de Massimo la clouait sur place. Un instant, elle eut la certitude qu’il avait tout vu. Peut-être même qu’il avait voulu que cela se produise.

‎‎Leurs prunelles se croisèrent, et elle lut dans la sienne une lueur de défi.

‎‎Puis Vittorio se leva à nouveau, posant la main sur le dossier de sa chaise.

‎‎— Si vous le permettez, dit-il en s’adressant à Massimo, j’aimerais emprunter votre invitée quelques minutes.

‎‎Un silence tomba sur la table.

‎‎Massimo ne répondit pas tout de suite. Il porta son verre à ses lèvres, l’observa par-dessus le cristal. Il semblait peser chaque mot, chaque souffle.

‎‎— Pourquoi pas, finit-il par dire d’une voix douce. Si mademoiselle Moretti est disposée.

‎‎Elle sentit son pouls accélérer. Refuser n’était pas une option.

‎Elle se leva, les mains croisées sur son ventre. Vittorio effleura son bras en la guidant vers une porte latérale. Un couloir silencieux, tapissé de velours grenat, les avala aussitôt.

‎‎Ils marchèrent sans dire un mot. La tension vibrait entre eux comme une corde prête à céder.

‎‎Il poussa une porte, la fit entrer. La pièce était petite, une bibliothèque aux murs couverts de rayonnages anciens. Au centre, un fauteuil de cuir et une table basse. Rien d’autre.

‎Il referma derrière eux.

‎‎— Asseyez-vous, ordonna-t-il d’une voix plus grave qu’au dîner.

‎‎Elle obéit, le souffle court. Ses mains se posèrent sur ses genoux, crispées.

‎‎Il ne s’assit pas. Il fit lentement le tour du fauteuil, comme un prédateur jaugeant une proie.

‎‎— Vous avez des nerfs solides, murmura-t-il.

‎‎Elle releva le menton.

‎— Il le faut, pour survivre ici.

‎‎— Oh, je n’en doute pas.

‎‎Il s’arrêta derrière elle, ses paumes se posant sur ses épaules nues. Elle frissonna sous le contact. Ses doigts glissèrent le long de ses clavicules, dessinant un chemin invisible jusqu’au creux de sa poitrine.

‎‎— Mais je veux savoir jusqu’où vous irez pour convaincre.

‎‎Elle inspira, mais sa voix sortit plus rauque qu’elle ne l’aurait voulu.

‎— Autant qu’il le faudra.

‎‎Ses mains se resserrèrent, la chaleur de sa peau traversant la fine soie.

‎‎— Même si cela vous consume ?

‎Elle ferma les yeux.

‎— Même dans ce cas.

‎Il se pencha, ses lèvres frôlant sa nuque. Sa respiration chaude fit se dresser une chair de poule qu’elle ne put contenir.

‎‎— Dites-le, murmura-t-il contre sa peau.

‎‎— Quoi ?

‎‎— Que vous êtes prête à tout.

‎‎Elle sentit sa gorge se serrer. Elle savait qu’elle aurait dû mentir, prétendre qu’elle n’avait pas peur. Mais à cet instant précis, la peur et le désir se mêlaient trop étroitement pour être distingués.

‎‎— Je suis prête à tout, souffla-t-elle.

‎‎Il ne répondit pas. Ses mains descendirent plus bas, effleurant la naissance de ses seins à travers la soie. Elle retint un gémissement, le cœur battant à s’en rompre.

‎‎— Bien, dit-il enfin.

‎‎Ses doigts remontèrent, s’arrêtant sur son cou. Ils restèrent là, posés, chauds et inéluctables.

‎‎— Quand je vous demanderai de me suivre, vous viendrez sans poser de questions.

‎‎Elle acquiesça, incapable de parler.

‎‎— Quand je vous demanderai de vous taire, vous vous tairez.

‎‎Un autre hochement de tête.

‎‎— Et quand je vous demanderai de me croire…

‎‎Il se pencha si près que sa bouche effleura le lobe de son oreille.

‎‎— …vous me croirez.

‎‎Elle ferma les yeux, une onde de chaleur déferlant dans son ventre.

‎‎Puis, brusquement, il retira ses mains.

‎— Allez-vous-en, dit-il.

‎Elle se retourna, le souffle court. Il ne la regardait plus. Il observait les reliures anciennes, comme si elle n’était qu’une distraction passagère.

‎‎Elle comprit que c’était volontaire : il venait de lui montrer qu’il pouvait la briser, et la repousser dans le même geste.

‎‎Elle quitta la pièce sans un mot.

‎‎Dans le couloir, elle dut s’arrêter un instant, la main contre la poitrine. Elle se sentait vidée, consumée, plus vulnérable qu’elle ne l’avait jamais été.

‎‎Elle ne sut pas combien de temps elle resta là, à tenter de reprendre contenance.

‎‎Quand enfin elle se remit en marche, elle sut qu’elle venait de franchir une limite.

‎‎Et qu’elle n’aurait plus la force de reculer.

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