Chapitre 2-A:La Première Marque
L’aube avait balayé la baie de Naples d’un gris perle, discret, presque pudique. Mais dans la villa Mancini, la lumière révélait la vérité : le marbre n’était plus immaculé, les tapis portaient les traces de cigares écrasés et de pas impatients, comme si la nuit avait été un rite secret qu’on ne se donnait pas la peine de dissimuler.
Dalia émergea du lit, les traits tirés, le corps encore vibrant d’une fatigue nerveuse. Elle croisa son reflet dans le miroir mural : ses yeux étaient cerclés d’ombre, ses cheveux retombaient en désordre sur ses épaules. Pourtant, il y avait quelque chose dans sa posture qui dégageait plus de force qu’hier.
Elle s’était attendue à trouver un mot, un ordre, une convocation. Rien. Le silence régnait.
Elle se força à respirer profondément. Elle savait qu’il ne fallait jamais laisser un vide durer : dans cet univers, celui qui contrôlait le premier mot contrôlait la suite.
Elle tira de sa valise une robe de soie ivoire, plus sage que la précédente, mais qui soulignait toujours le galbe de ses hanches. Elle laissa la fermeture légèrement entrouverte dans le dos : une invitation à peine voilée.
Quand elle sortit de la chambre, deux hommes l’attendaient. Pas des domestiques : des gardes. Ils portaient des costumes anthracite et des oreillettes minuscules. L’un d’eux fit un signe de tête en direction du couloir.
— Monsieur Mancini souhaite vous voir.
Elle acquiesça, la gorge sèche. Ils la conduisirent à travers un enchevêtrement de pièces et de passages jusqu’à une aile qu’elle n’avait pas explorée la veille.
La porte devant laquelle ils s’arrêtèrent était massive, sculptée d’arabesques sombres. L’un des gardes frappa.
— Entrez.
La voix de Massimo, plus grave que la veille.
Elle franchit le seuil.
La pièce était plus intime qu’elle ne l’aurait cru. Un bureau, un divan de cuir brun, un bar où reposaient plusieurs bouteilles. Et lui, assis derrière un large bureau de chêne, la scrutant comme on examine une acquisition encore incertaine.
Il fit un signe de main. Le garde referma la porte.
Elle resta immobile, attendant qu’il parle.
— Vous avez fait bonne impression, murmura-t-il enfin.
Elle soutint son regard, sans sourire.
— J’en suis honorée.
Il se leva, fit lentement le tour du bureau. Elle perçut le froissement de son costume noir, l’odeur de son eau de toilette – musquée, dominatrice.
— Vittorio est venu vous voir cette nuit.
Ce n’était pas une question.
— Oui.
— Il vous a touchée.
Elle inspira, un frisson courant le long de sa nuque.
— Il m’a testée.
Massimo s’arrêta devant elle, si près qu’elle sentit la chaleur de son corps. Il leva la main, la posa contre sa joue. Son pouce traça un cercle sur sa pommette, descendit lentement vers sa mâchoire.
— Il vous teste toujours, murmura-t-il. Il aime croire qu’il est le premier à briser la glace.
Ses doigts poursuivirent leur chemin, effleurant la base de sa gorge. Il les fit glisser jusqu’à l’échancrure de la robe. Elle eut envie de reculer, mais elle se força à rester immobile.
— Vous n’êtes pas effrayée ?
Elle planta son regard dans le sien.
— Devrais-je l’être ?
Un sourire naquit sur ses lèvres, froid et presque tendre. Il se pencha jusqu’à ce que sa bouche frôle son oreille.
— Oui.
Sa main se referma sur sa nuque, non pas brutalement, mais avec une lenteur qui avait quelque chose de plus dangereux que la violence. Elle sentit ses ongles effleurer sa peau. Une possession silencieuse.
Elle comprit qu’il ne l’éprouvait pas seulement. Il la marquait.
Il relâcha sa prise au bout de quelques secondes qui lui parurent une éternité. Reculant d’un pas, il croisa les bras.
— Vous allez rester ici un moment. Vous n’êtes pas une invitée ordinaire. Vous êtes… un divertissement précieux.
Elle inclina la tête.
— Si tel est votre souhait.
Il fit un geste vague vers le divan.
— Asseyez-vous.
Elle obéit, croisant les jambes avec une lenteur calculée. Il se servit un verre de whisky et vint s’asseoir en face d’elle.
— Savez-vous pourquoi nous avons accepté que vous entriez ?
Elle se demanda s’il attendait une réponse honnête. Elle préféra un ton plus neutre.
— Parce que je suis nouvelle. Intéressante. Peut-être utile.
Il leva son verre dans un geste d’assentiment.
— Exactement. Mais vous devez comprendre une chose : ici, rien ne dure. Ni les alliances, ni la loyauté… ni la fascination.
Elle laissa un silence s’installer, puis releva les yeux.
— Et l’obéissance ?
Son sourire s’élargit.
— L’obéissance est toujours temporaire.
Il se leva, vint se poster derrière elle. Sa main glissa de son épaule à sa clavicule, puis se referma sur la bretelle de soie. Il tira légèrement, exposant un centimètre de peau.
— Vous êtes une distraction. Mais aussi une promesse.
Elle sentit son souffle chaud contre sa nuque.
---La promesse que même les plus puissants peuvent se laisser consumer.
Son doigt suivit la ligne de sa clavicule plus lentement, jusqu'à la naissance de sa poitrine.
Elle retint un frisson.
---A vous de décider murmura-t-il, si vous serez leur conquête...ou leur perte.
Puis il se redressa comme si rien ne s'était passé.
---Vous pouvez disposer. Nous dînerons ce soir,...soyez ravissante.
Elle se leva sans un mot. Quand elle franchit la porte, elle sut qu'il venait d'apposer sur elle une première marque invisible.Une possession qui n'était pas encore physique, mais qui contaminait déjà son souffle,son cœur, peur être son âme
