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Chapitre 1-B:La Promesse de ses hanches

Elle suivit le majordome dans le couloir qui longeait le salon. À chaque pas, elle percevait les conversations étouffées derrière elle : les rires secs des hommes qui venaient de la voir danser, le cliquetis d’un briquet qu’on allumait, les soupirs de ceux qui se demandaient déjà à quel prix ils pourraient s’offrir ses faveurs.

La villa Mancini ressemblait à un labyrinthe. Ils passèrent devant plusieurs portes closes. Elle devinait qu’à l’intérieur se négociaient des accords, se trafiquaient des cargaisons, se décidaient des assassinats. Tout ici respirait l’impunité.

Le majordome s’arrêta devant une porte de bois sombre, incrustée de ferronneries.

— Votre chambre. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, composez le 0.

Elle hocha la tête. Il lui tendit une clef ancienne, presque cérémonielle. Puis il disparut sans un mot de plus.

Elle inspira avant d’entrer.

La chambre était immense, décorée dans un style baroque d’un goût douteux : draperies pourpres, miroirs dorés, un lit colossal dont la tête sculptée représentait un serpent enroulé autour d’un sablier.

Un symbole parfait. Le poison et le temps.

Elle referma la porte derrière elle, puis posa sa main sur la poitrine. Son cœur battait à une cadence si violente qu’elle crut qu’il allait déchirer sa cage thoracique.

Elle retira ses escarpins, traversa la pièce pieds nus jusqu’au balcon. Le vent marin caressa sa peau échauffée. Elle s’y adossa un instant, laissant ses pensées dériver vers Palerme, vers la fillette qu’elle avait été. Cette fillette qui, parfois, chuchotait encore en elle : Tu vas trop loin. Tu ne reviendras pas.

Elle chassa la voix. Elle n’avait plus le droit d’être faible.

Son regard glissa sur les jardins, puis sur la baie silencieuse où les vagues brillaient comme un million d’yeux. Elle sut qu’en ce moment même, des hommes armés surveillaient la propriété. Ici, personne n’entrait ou ne sortait sans le vouloir de Massimo.

Elle se détourna, revint vers le lit. Sur la table de chevet, elle découvrit un petit coffret en cuir noir. En l’ouvrant, elle trouva un mot écrit à l’encre sombre :

Pour vous souhaiter la bienvenue. J’espère que vous aimerez la douceur du serpent.

— M.

Sous le papier, reposait un flacon de parfum précieux et une paire de menottes gainées de velours.

Elle sentit un frisson remonter le long de sa colonne vertébrale. L’érotisme ici n’était jamais innocent. Chaque cadeau était un avertissement.

Elle referma le coffret, s’assit au bord du matelas. Ses mains tremblaient légèrement. Elle se força à respirer profondément, plusieurs fois, jusqu’à ce que la panique reflue.

Quand elle rouvrit les yeux, son regard croisa son reflet dans le grand miroir mural. La robe écarlate soulignait ses hanches comme une déclaration de guerre.

Elle savait qu’avant l’aube, on viendrait frapper à cette porte. Peut-être Massimo lui-même. Peut-être un autre.

Elle savait aussi que ce serait le premier pas.

La première fois qu’elle vendrait un morceau de son âme.

Mais elle ne détournerait pas le regard. Pas maintenant. Pas après tout ce qu’elle avait sacrifié.

Elle se leva et se pencha vers le miroir. Ses prunelles brûlaient d’un éclat dur, presque cruel.

— Tu n’es plus la petite Dalia, murmura-t-elle. Tu es leur ruine.

Elle effleura la courbe de sa hanche, comme pour s’en convaincre.

Puis elle éteignit la lumière.

Elle ne dormit pas vraiment. Son corps restait tendu, comme un arc bandé. Chaque bruit dans le couloir lui faisait ouvrir les yeux. La respiration bloquée. L’angoisse et l’excitation se mêlaient dans un vertige qu’elle n’aurait jamais cru supporter.

Elle avait reçu des instructions claires : si l’un des Quarante venait, elle devait se montrer docile, attentive, mais jamais soumise. Leur offrir l’illusion d’un pouvoir qu’ils croiraient conquérir.

Vers deux heures du matin, elle perçut des pas lents approcher de sa porte. Une main gantée frappa trois fois, sans empressement.

Elle se leva. Ajusta la bretelle de sa robe, repoussa ses cheveux en arrière, comme si elle s’apprêtait à recevoir un amant et non un prédateur.

Elle ouvrit.

Vittorio “Il Re Nero” De Luca se tenait là, une coupe de cognac à la main. Ses prunelles grises reflétaient la flamme du couloir. Il la scruta de haut en bas, sans un mot, avant de franchir le seuil.

Elle recula à peine, respirant son parfum boisé et froid.

— Vous ne dormiez pas, constata-t-il.

— Je vous attendais peut-être.

Il esquissa un sourire qui n’adoucissait en rien ses traits de fauve.

— Peut-être.

Il posa la coupe sur la commode, ôta sa veste. Elle remarqua le tatouage noir qui courait le long de son avant-bras : un corbeau dont le bec s’ouvrait sur une rose. Elle avait lu son dossier. Chaque tatouage sur son corps correspondait à un meurtre qu’il avait commandité.

— Vous n’avez pas peur de moi ? demanda-t-il, sa voix grave effleurant le silence.

— Je n’ai peur de personne.

Il s’approcha jusqu’à effleurer son épaule de la main. Son toucher était à la fois délicat et possessif.

— Les jolies menteuses finissent toujours par se trahir. Vous le savez ?

Elle soutint son regard, consciente qu’à cet instant précis, il aurait pu décider de lui ôter la vie. Ses doigts frôlaient maintenant la ligne de sa clavicule, dessinant des cercles lents, presque caressants.

— Peut-être, murmura-t-elle. Mais certaines sont capables de se perdre si profondément dans leur rôle qu’elles ne savent plus ce qu’elles ressentent.

Il la fixa longuement, puis son autre main vint saisir sa taille. La pression était ferme, indiscutable. Son pouce trouva le creux de sa hanche, là où la soie s’était un peu détendue.

— C’est votre cas ? demanda-t-il d’une voix plus basse encore.

Elle sentit la chaleur monter à ses joues. Il jouait avec elle, la testait, cherchant la moindre faiblesse.

Elle ne céda pas.

— Je suis ce que vous voulez que je sois. Rien de plus.

Ses prunelles se plissèrent. Il se pencha, et son souffle effleura sa tempe.

— Un miroir, donc. Et que croyez-vous refléter ?

Elle s’autorisa un sourire.

— Votre vanité.

Il rit, un son bref et rauque, avant de reculer. Il reprit la coupe sur la commode, la vida d’un trait, puis reposa le verre. Ses doigts glissèrent une dernière fois sur sa hanche, traçant une ligne invisible de feu.

— Reposez-vous, Dalia. Nous parlerons demain.

Et il disparut.

Elle resta immobile un moment, les yeux fixés sur la porte close. Le parfum de son cognac et de sa peau flottait encore dans l’air.

Elle s’adossa au mur, le souffle court. Elle venait de survivre à la première rencontre. Mais elle comprit qu’il reviendrait. Et que la prochaine fois, il ne se contenterait pas de la frôler.

Elle regagna le lit, ses jambes légèrement tremblantes. Son corps la trahissait. Chaque nerf semblait prêt à céder sous une tension qu’elle n’avait jamais connue.

Dans l’ombre, elle ferma les paupières.

Tu es leur ruine, se répéta-t-elle encore.

Mais au fond d’elle, elle savait qu’ils étaient peut-être déjà en train de devenir la sienne.

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