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Chapitre 1-A:La Promesse des Hanches

La mer Tyrrhénienne étendait ses reflets d’ardoise jusqu’au port de Naples, comme un rideau glacé que rien ne semblait pouvoir troubler. Et pourtant, ce soir-là, la tranquillité n’était qu’un leurre.

Les yachts scintillaient, les voitures blindées défilaient dans l’allée privée de la villa Mancini, et chaque invité s’efforçait de masquer la tension qui plombait l’air plus sûrement qu’un orage. Car ce soir, Massimo Mancini recevait l’élite invisible : les membres du cartel des Quarante.

Dalia Moretti inspira profondément.

Elle savait que personne ici ne la connaissait vraiment. Elle avait changé de nom, de passeport, de silhouette même. Les services secrets qui l’avaient formée l’avaient métamorphosée, polissant chaque détail : le galbe de ses hanches, la cambrure de son dos, la manière précise dont sa voix vibrait dans le creux d’une oreille masculine.

Elle n’était plus la fille pauvre de Palerme qui volait pour survivre. Elle était devenue une arme. Une offrande vivante au vice de ces hommes.

Elle se glissa dans le hall, et le marbre poli refléta sa silhouette, longue et provocante. Sa robe en satin rouge semblait crier le danger plus fort que n’importe quelle alerte. Elle sentait déjà les regards sur sa peau : avides, calculateurs, brûlants.

— Mademoiselle Moretti ? murmura un majordome, la voix aussi glacée que les colonnes blanches de la villa.

— Oui. Dites à monsieur Mancini que je suis arrivée.

Elle croisa son reflet dans une glace encadrée d’or. Un reflet qu’elle avait appris à aimer et à craindre : son propre corps, devenu une promesse de dévastation.

Elle se souvenait des mots de l’agent qui l’avait recrutée :

« Ces hommes ont bâti un empire sur la peur. Ils n’imaginent pas qu’une femme puisse les faire tomber. C’est ta force. Et c’est leur faiblesse. »

Elle sourit en se rappelant cette prophétie.

Elle était prête.

Le majordome la guida à travers un couloir interminable où les tapisseries anciennes semblaient observer son passage. Enfin, il poussa une porte, et elle entra dans un salon qu’on aurait cru volé à un palais florentin.

Un groupe d’hommes se retourna. Leurs regards convergèrent sur elle comme des couteaux.

Le premier qui s’avança était grand, massif, le crâne rasé. Il portait une bague en or sertie d’un serpent d’émeraude. Massimo “La Vipera” Mancini en personne.

Il la détailla sans pudeur, comme s’il évaluait la qualité d’une marchandise. Puis son regard remonta lentement vers ses yeux, et quelque chose dans la profondeur de ses prunelles sembla la reconnaître. Ou la désirer. Ou les deux.

— Ainsi, c’est vous, murmura-t-il. La nouvelle perle de l’agence Moretti.

Elle inclina la tête.

— À votre service, monsieur Mancini.

Un sourire fendit ses lèvres fines, sans chaleur.

— Je ne doute pas que vous saurez me surprendre.

Elle sentit la sueur perler au creux de sa nuque. Elle devait se rappeler qu’elle était ici pour semer la discorde, pas pour devenir la captive de son propre désir. Pourtant, ce regard-là… Il promettait des plaisirs dangereux.

Elle détourna les yeux vers la baie vitrée, où la mer scintillait comme une lame.

Ce soir, elle faisait son entrée dans le royaume des prédateurs.

Et bientôt, l’un après l’autre, ils deviendraient ses proies.

Elle n’avait pas encore fait un pas qu’il leva la main, invitant un autre homme à s’approcher. Un valet surgit, portant un plateau d’argent où reposait une coupe de cristal. Le liquide carmin frémissait sous la lumière.

— Du Barolo, annonça Massimo, la voix aussi moelleuse qu’un velours vénéneux.

Il prit la coupe, la tendit vers elle.

— Le vin des conquérants. Vous permettez ?

Elle inclina légèrement le visage, l’effleurant à peine du regard.

— Je serais honorée.

Il approcha la coupe de ses lèvres, mais plutôt que de la lui donner, il la bascula assez pour qu’un mince filet de vin coule lentement dans sa bouche. Le goût du raisin, puissant et corsé, lui éclata contre la langue. Elle garda les yeux ouverts, soutenant le regard de l’homme. Un geste qui n’était ni purement galant, ni purement obscène : un test.

Quand elle eut dégluti, il essuya d’un doigt une perle écarlate restée au coin de sa lèvre. Elle sentit la brûlure de son contact.

— Délicate… et brave. Voilà une combinaison qu’on rencontre rarement.

Elle retint sa respiration. Derrière Massimo, plusieurs autres hommes s’étaient approchés, attirés par la scène. Elle les identifia presque instantanément : Salvatore “Il Fantasma” Romano, dont le visage restait partiellement masqué par la pénombre ; Vittorio “Il Re Nero” De Luca, assis plus loin, jambes croisées, qui la scrutait avec l’indolence d’un fauve repu.

Elle était cernée. Et chaque respiration, chaque battement de son cœur pouvait devenir une faille.

— Mademoiselle Moretti, dit soudain une voix rauque, vous savez pourquoi vous êtes ici ?

Elle tourna lentement la tête. C’était De Luca qui venait de parler. Son costume noir semblait absorber toute la lumière. Ses iris clairs, presque argentés, lui donnaient un air spectral.

Elle sourit, un pli discret au coin de la bouche.

— Pour vous servir, messieurs. Pour vous divertir, peut-être.

Un silence suivit sa réponse. Un silence qui, étrangement, ne contenait pas d’hostilité immédiate. Plutôt une sorte de curiosité carnassière.

— Servir, répéta De Luca, la voix basse. Il existe bien des façons de servir.

— Sans doute, admit-elle.

— Et de divertir, ajouta Massimo en approchant d’un pas.

Elle sentit la tension monter dans ses muscles. Ils jouaient avec elle. Ils jaugeaient sa résistance.

— Vous dansez ? demanda Massimo soudain.

Elle n’eut qu’une fraction de seconde pour comprendre. Le violoniste, tapi près de la cheminée, posa son instrument sur son épaule et commença à jouer une mélodie lente, troublante.

Elle se rappela l’entraînement. La danse faisait partie de l’arsenal. Tout comme le rire, les caresses, les regards prolongés. Elle prit une inspiration, puis se glissa vers le centre du salon.

Elle ne quitta pas Massimo du regard. Ses hanches commencèrent à onduler au rythme des accords. Chaque mouvement, chaque flexion de sa taille, chaque pas semblait programmé pour éveiller quelque chose d’interdit.

Elle vit Vittorio se pencher légèrement en avant, ses prunelles fixées à la naissance de ses cuisses. Salvatore recula d’un pas, comme pour mieux savourer le spectacle.

Elle n’était pas simplement en train de danser. Elle leur présentait la clé de leur perte.

Quand elle fit un dernier tour lent, sa robe écarlate épousant ses formes comme une seconde peau, Massimo l’applaudit doucement, sans cesser de la fixer.

— Parfait. Absolument parfait, murmura-t-il. Vous êtes ce qu’on nous avait promis.

Elle inclina la tête, consciente qu’elle venait de réussir son premier test. Mais elle savait que ce n’était qu’un prélude. Les véritables épreuves commenceraient bientôt.

— Je suppose que je vais avoir une chambre ? demanda-t-elle d’une voix neutre.

— Évidemment. Ici, dit Massimo, tout le monde a sa place.

Il se pencha si près que son souffle frôla la base de sa gorge.

— Mais vous… vous serez peut-être partout.

Il effleura son bras de deux doigts avant de s’éloigner.

Elle ferma les paupières un instant, le cœur battant si fort qu’elle crut qu’ils allaient l’entendre.

Elle venait de plonger dans la gueule du monstre.

Et elle n’en ressortirait pas indemne

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