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Chapitre 3

Cette fois ce n'est pas mon majordome mais moi qui jette cet impertinent dehors. Je claque la porte derrière Sébastian et je sens mes nerfs prêts à se rompre. L’air du salon est saturé de tension. Constance et Florence se taisent, me regardent comme on regarde une bombe à retardement.

- C’est terminé ! hurlé-je en arrachant mes talons d’un pas sec sur le marbre. Fini ces entretiens ! Assez de ces singes qui défilent devant moi en croyant pouvoir me protéger. Tous incompétents, tous médiocres !

Florence lève timidement la main.

- À part peut-être le dernier ?

Je me retourne d’un bloc, mes yeux lançant des éclairs.

- Surtout pas le dernier.

Elle éclate de rire, amusée par mon emportement. Moi, je n’ai aucune envie de rire. Ma gorge brûle encore de ce qu’il m’a dit. Insolent. Arrogant. Et pire que tout : il a osé voir au-delà de mon masque. Je jette un regard à mon majordome.

- Faites-les tous partir. Tous. Je ne veux plus voir personne aujourd’hui.

Il s’incline et s’éclipse. Constance soupire, lasse.

- Victoria, tu exagères…

- Je n’exagère jamais, je coupe sèchement. Je mets fin aux choses inutiles.

Le silence pèse quelques secondes. Puis mes deux amies comprennent qu’il est inutile de discuter davantage. Elles me connaissent : quand je suis dans cet état, rien ne m’arrête. Le soir venu, je crois enfin retrouver un semblant de calme quand mon chef de sécurité, un costume taillé et impeccable, demande à me voir. Je l’accueille dans mon bureau, déjà fatiguée de devoir encore écouter quelqu’un.

- Madame , commence-t-il avec une prudence exagérée, nous avons pris l’initiative de poursuivre la sélection en interne.

Je plisse les yeux.

- Pardon ?

Il avale difficilement sa salive.

- Nous avons trouvé… les meilleurs du pays. Des gardes du corps triés sur le volet, experts, fiables, infaillibles. Vous serez en sécurité comme jamais.

Un rire froid m’échappe.

- Les meilleurs du pays ? Je lève mon verre de vin et le fais tourner lentement. On m’a déjà servi cette phrase des dizaines de fois. À chaque fois, le résultat est le même : incompétence, lenteur, ou… ridicule.

Il tente de soutenir mon regard, mais je vois la sueur perler à sa tempe.

- Pas cette fois, Madame. Ceux que nous avons retenus… sont différents. Vous serez satisfaite.

Je me lève, contournant mon bureau pour le toiser de près.

- Écoutez-moi bien. Je ne veux pas de ''meilleurs du pays''. Je veux la perfection. Et si vous m’amenez encore un seul incapable dans cette maison, c’est vous que je vire.

Il incline la tête.

- Bien, Madame.

Je le regarde sortir, une fureur glaciale battant toujours dans mes veines. Ils croient vraiment pouvoir m’imposer leurs choix. Ils croient que je n’ai pas déjà vu défiler toutes les caricatures d’hommes armés du pays. Je me verse un autre verre, les doigts tremblants malgré moi. Mais alors que je porte le cristal à mes lèvres, une pensée me traverse, fugace, agaçante : Et si… parmi ces prétendus meilleurs… il y avait cet impertinent. Je chasse aussitôt l’idée. Impossible. Je ne le veux pas. Je n’ai besoin de personne comme lui. Je n’ai besoin de personne, point.

Le lendemain matin, on m’informe que mes « nouveaux gardes du corps » sont arrivés. Je serre les dents. On croit vraiment pouvoir m’imposer des choix ? Moi ? Victoria ? Mais puisque je suis d’humeur à me divertir, je descends les escaliers de marbre, chaque pas claquant comme une déclaration de guerre.

Ils m’attendent dans le grand salon. Quatre hommes alignés, impeccablement vêtus de noir. Des gabarits d’élite, rigides, sérieux, l’air de statues. Parfaitement ennuyeux. Mon chef de sécurité me regarde avec l’air satisfait de celui qui croit avoir accompli un miracle.

Je fais mine de les examiner un à un. Premier, trop raide. Deuxième, trop nerveux. Troisième, transparent. Je vais ouvrir la bouche pour les congédier tous quand mes yeux tombent sur le quatrième. Et mon cœur rate un battement. Lui. Sébastian. Il se tient là, mains croisées derrière le dos, son éternel sourire insolent accroché aux lèvres. Son regard, clair, me transperce avec une assurance insupportable. Comme si ma présence n’était qu’un détail dans sa journée. Mes doigts se crispent autour de ma coupe de champagne.

- Qu’est-ce que… cette chose… fait ici ? Ma voix est glaciale, un couperet.

Mon chef de sécurité déglutit, mal à l’aise.

- Madame… M. Blake a été recommandé par plusieurs agences. Son dossier est… irréprochable.

- Irréprochable ? Je ris, un rire sec qui résonne dans toute la pièce. Cet homme est une provocation ambulante !

Sébastian lève légèrement les épaules, faussement modeste.

- On dit de moi que je suis polyvalent.

Florence, assise dans un coin du salon, explose de rire.

-Oh mon Dieu, il est parfait.

Constance secoue la tête, inquiète.

- Victoria, calme-toi…

Je pivote vers elles, furieuse.

- Je suis parfaitement calme Constance... très calme.

Je me tourne de nouveau vers mon chef de sécurité, les yeux brûlants.

- C’est une plaisanterie ?!

- Non, Madame. C’est une nécessité. Vous avez exigé les meilleurs. Voici les meilleurs.

Je suffoque de rage. Les meilleurs. Ils osent. Ils osent me défier. Sébastian, lui, ne dit rien. Il se contente de me regarder. Pas comme les autres hommes. Pas avec cette avidité ou cette crainte. Non. Avec une sorte de calme amusé, comme si déjà… il savait qu’il avait gagné. Je serre les poings.

- Très bien, dis-je d’une voix glacée. Puisqu’il paraît que je n’ai pas le choix, je tolérerai sa présence. Mais qu’on soit clair…

Je m’approche, mes talons claquant, et je plante mon regard dans le sien, à quelques centimètres seulement.

- Le premier faux pas… et vous disparaissez de ma vie. Définitivement.

Un silence électrique s’abat sur le salon. Sébastian sourit. Lentement. Irritant. Irrésistible.

- Alors j’imagine que je vais devoir être parfait.

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