JEU DANGEREUX
Le samedi, c'est plage. Depuis deux ans, c'est devenu notre rituel : on se retrouve toujours au même endroit, près du vieux ponton en bois, pour une partie de volley improvisée.
Quand j'arrive, le sable est encore tiède sous mes pieds nus. Émilie et Noah installent déjà le filet, et Brady jongle avec le ballon comme s'il était né avec. Forcément, il attire les regards. Même torse nu, avec le soleil qui accroche ses cheveux blonds et fait ressortir le vert de ses yeux, il a l'air de sortir d'un magazine. Je me sens ridicule à côté, avec mon short en jean et mon t-shirt large.
— Hé, princesse ! m'appelle Émilie. Tu te mets avec qui aujourd'hui ?
— Comme si on avait le choix, grogne Noah. C'est toujours Brady et Solène contre nous.
Brady se tourne vers moi, son sourire éclatant.
— Évidemment, dit-il. Je joue pas sans toi.
Je sens mon cœur battre un peu trop fort. Je me contente de hausser les épaules, comme si ça ne me faisait rien, mais au fond... ça me fait tout.
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Le match
Le jeu commence. Émilie hurle dès qu'elle marque un point, Noah se vante à chaque service, et moi j'essaie tant bien que mal de suivre. Mais avec Brady à mes côtés, je me sens invincible. À chaque fois que je manque la balle, il est là pour la rattraper. Quand je réussis un coup, il me tape dans la main avec un grand sourire.
— Bien joué, Solène !
— C'était un coup de chance, je dis, essoufflée.
— Non. C'était parfait.
Rien que ce mot, parfait, me donne l'impression de flotter au-dessus du sable.
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L'arrivée de Lucas
On est en pleine partie quand une voix familière retentit :
— Hey, Solène !
Je me retourne : Lucas, le joueur de l'équipe de foot. Il avance vers nous avec son air nonchalant, ses cheveux bruns décoiffés par le vent.
— Salut, lance-t-il. Désolé de débarquer comme ça... je voulais juste te parler deux minutes.
Je sens mes joues chauffer. Lucas ? Qui veut me parler, moi ? L'intello qui passe ses récrés à prendre des notes et qui n'attire jamais ce genre de garçons ? Forcément, je suis flattée.
— Euh... oui, bien sûr, je réponds, un peu hésitante.
Mais à peine ai-je fait un pas vers Lucas que je remarque Brady. Il serre le ballon entre ses mains, ses mâchoires crispées. Ses yeux verts ne quittent pas Lucas, comme si à tout moment il allait l'envoyer valser avec le ballon.
— On peut finir le point d'abord ? lâche-t-il d'une voix tendue.
— Euh... ouais, si tu veux, dis-je, surprise par son ton.
Lucas lève les mains, amusé.
— Je peux attendre. Pas de souci.
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La jalousie
On reprend le jeu, mais l'ambiance a changé. Brady frappe la balle plus fort, court plus vite, comme si chaque échange était un duel. Noah le remarque tout de suite.
— Doucement, capitaine, dit-il en attrapant le ballon. C'est un match amical, pas la Coupe du monde.
Brady hausse les épaules, mais son regard revient aussitôt sur Lucas, assis nonchalamment sur le sable, à me sourire.
Je me sens prise entre deux feux. Une partie de moi rougit d'être enfin remarquée, moi, la "fille sérieuse" que personne ne regarde. Mais une autre partie tremble devant l'intensité du regard de Brady.
Après le match, alors qu'on ramasse nos affaires, Noah s'approche discrètement de Brady. Je n'entends pas tout, mais j'attrape quelques bribes :
— Tu te rends compte que tu tires la tronche depuis que Lucas est arrivé ?
— N'importe quoi, répond Brady trop vite.
— Brady... arrête de faire semblant.
Je détourne les yeux, feignant de ne pas écouter, mais mon cœur bat à tout rompre. Alors... Noah avait raison. Brady est jaloux.
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Le trouble
Lucas finit par me rejoindre, me demandant encore une fois si je peux l'aider pour les cours. Je bafouille un "oui" maladroit, consciente que Brady nous observe de loin.
Quand je croise son regard, il détourne aussitôt les yeux, comme si de rien n'était. Mais je l'ai vu. Cette tension dans sa mâchoire, ce feu dans ses yeux verts...
Et moi, au milieu de tout ça, je ne sais plus si je dois me sentir coupable... ou juste terriblement vivante.
