
Résumé
Dans la vie il y’a des amours pour tout une vie et les amours qui se construisent avec le temps, Solene doit jongler avec le fait d’aimer deux garçons qui sont très important dans sa vie. Fera t-elle le bon choix afin de trouver le grand amour ?
LE NOYAU
Le vendredi soir, c'est sacré. Depuis qu'on est gamins, on a ce rendez-vous que rien ne peut briser. Certains ont leurs soirées foot, d'autres leurs sorties en boîte... nous, on a la cabane.
On l'a construite à dix ans, avec des planches récupérées et des clous rouillés. À l'époque, c'était un château, un repaire secret, un monde à nous. Aujourd'hui, elle est un peu bancale, la peinture s'écaille, mais personne n'oserait la toucher. C'est notre cabane, notre quartier général.
Quand j'arrive, Émilie est déjà là, assise sur une caisse en bois. Noah farfouille dans son sac à dos, sûrement à la recherche de chips ou de cartes à jouer. Et Brady... Brady est debout, adossé au mur, les bras croisés. Dès qu'il me voit, il se redresse légèrement et son sourire éclaire son visage.
— Enfin ! fait Émilie en levant les bras. On croyait que tu t'étais fait enlever par des extraterrestres.
— J'aurais préféré, je dis en riant. J'ai dû supporter le bus rempli de gamins de seconde.
Noah ricane :
— Pauvre Solène. On devrait t'ériger une statue : martyre des transports publics.
Je m'avance, je m'installe comme toujours à côté de Brady. C'est instinctif. Personne ne s'en étonne, parce que ça a toujours été comme ça. Depuis le primaire, c'est lui et moi. Une évidence.
— Tu veux ? me demande-t-il en me tendant une canette de soda déjà ouverte.
— Merci, je dis, et nos doigts se frôlent.
C'est un détail. Infime. Mais je sens une chaleur bizarre remonter dans mes bras. Je bois une gorgée trop vite pour masquer mon trouble.
— Bon ! annonce Émilie. J'ai trop de trucs à raconter. Vous saviez que...
Et la machine se lance. Elle parle, parle, parle, avec cette énergie qu'on lui connaît. Noah la taquine toutes les deux minutes. Moi, je rigole avec eux, mais parfois, mon regard se pose sur Brady. Il ne parle pas beaucoup, mais quand il le fait, tout le monde l'écoute.
— Alors, c'est décidé, dit-il soudain. Demain, on révise ensemble pour le contrôle de maths ?
— C'est toi qui proposes ça ? demande Noah en feignant un malaise. On est foutus, les gars.
On éclate de rire, mais je sais que Brady me regarde. Toujours. Comme s'il attendait ma réponse plus que celle des autres.
— Ça marche, je dis en essayant de rester naturelle.
Un silence léger s'installe, avant qu'Émilie ne relance la conversation. Mais moi, je sens encore son regard accroché au mien, et ça me fait battre le cœur un peu trop vite.
La nuit est tombée, on allume une vieille lampe de poche qui traîne toujours dans la cabane. Les ombres dansent sur les murs, et d'un coup, je revois nos dix ans, quand on s'inventait des histoires de chevaliers et de sorciers. On riait déjà ensemble. On s'aimait déjà, peut-être, sans même le comprendre.
Je n'ai jamais dit à Brady ce que je ressens. Lui non plus. Mais tout le monde le voit. Émilie me jette parfois des regards malicieux, Noah se moque gentiment. Et malgré tout, on continue à faire semblant.
Sauf que ce soir, assise dans notre cabane, à dix-sept ans, je sens que ce "jeu" ne pourra pas durer éternellement.
