Chapitre 16 : C’est le moment
Lisa n’avait pas osé retourner chez les Chevotet, et avait préféré rester avec Julenne jusqu’au soir. Sur le chemin de retour, elle a pensé d’abord à prendre un bain, et à se coucher rapidement, juste après.
« Avec la lumière éteinte, Yves ne la tirerait pas de la couette » pensa-t-elle.
Mais Lisa ne s’attendait pas à ce qu’il revienne aussi tôt. Quand elle entra dans la chambre, il venait juste de finir de se laver. Bastien se tenant derrière lui, était en train de lui essuyer les cheveux. Quand Yves vit qu’elle était enfin de retour, il lui jeta un coup d’œil, puis se tourna immédiatement, en l’ignorant complètement.
« C’était tout aussi bien ! » s’émerveilla Lisa en silence.
Elle se retourna à son tour, et se dirigea vers son coin à elle. Elle y trouva des vêtements de rechange, puis alla à la salle de bain. Elle y resta un bon moment, car elle avait peur de lui faire face de nouveau.
Ding-ding !
Perdue dans ses pensées, elle entendit la voix glaciale d’Yves.
— La salle de bain t’appartient peut-être ? balança celui-ci. Combien de temps, comptes-tu y rester ?
Décontenancée, Lisa faillit tomber. Heureusement, elle s’était appuyée sur le mur.
— Je vais sortir tout de suite ! lui fit-elle savoir, en coupant l’eau. Elle essora ensuite la serviette pour s’essuyer, puis enfila ses vêtements à la hâte.
Elle aurait bien voulu être une tortue et rentrer la tête dans sa coquille, mais Yves ne lui en donna pas l’occasion. Alors quand elle sortit, ses cheveux étaient encore humides, désordonnés le long de ses épaules, et l’eau coulait sur les vêtements qu’elle venait de porter.
— Tu... tu veux la salle de bain ? bafouilla-t-elle. J’ai fini !
Après cela, Lisa le contourna avec prudence.
Bang !
Quand elle s’approcha, Yves lui saisit soudainement le poignet. Lisa regarda innocemment d’abord ses beaux yeux, puis les baissa pour fixer sa main sur la sienne.
— Qu’est-ce... qu’est-ce que tu fais ? balbutia-t-elle nerveusement.
— Humm ! soupira-t-il comme réponse.
Yves tourna son fauteuil de l’autre main, et lui fit face.
— C’est le moment, femme remariée ! déclara-t-il.
Sa voix était calme, mais froide et stricte. Ses yeux étaient aussi profonds que la nuit, aussi vifs que ceux d’un fauve endormi. Lisa n’était pas douée pour mentir, et n’osa pas le regarder dans les yeux. Elle ouvrit les yeux et chuchota :
— Je sais ; j’ai déjà avorté !
En effet, elle était stupide. Elle n’avait pas trouvé d’idées, et ignorait comment persuader Yves d’accepter cet enfant. À cause de l’origine de cet enfant, qu’elle-même ignorait jusqu’alors, mais elle savait qu’il y avait une vie dans son ventre. Si elle l’abandonnait ainsi, n’était-elle pas une meurtrière ?
— Vraiment ? ricana calmement Yves à voix élevée.
Lisa était si nerveuse que ses cils tremblèrent, et que sa voix était devenue un peu plus basse :
— Je... je... je... je... je l’ai vraiment fait !
Puis, elle sortit en tremblant une liste de sa poche et la tendit à Yves.
— C’est la preuve de l’avortement ; regarde !
Yves ne bougea pas. L’atmosphère s’alourdit autour d’eux. Lisa baissa alors la tête, et des gouttes d’eau suintaient de ses cheveux.
— Je n’ai pas menti ! persista-t-elle dans son mensonge.
Elle insista, mais sa voix semblait manifestement manquer de confiance. Yves renifla froidement et prit soudainement la feuille.
— Qui a eu l’audace de t’accompagner falsifier un faux certificat, pour que tu puisses ensuite venir me duper avec ? grogna-t-il.
Il froissa le certificat d’avortement, et le jeta aux pieds de Lisa. Cette dernière releva soudainement la tête. Sa silhouette élancée et ses lèvres pâles, tremblèrent.
— Tu...
La poigne d’Yves augmenta soudainement, et Lisa sentit son poignet sur le point de se briser. Elle fronça les sourcils de douleur, mais se mordit la lèvre en silence.
— Hé ; je savais depuis longtemps que tu étais une femme malhonnête. L’accusa Yves.
Il la prit fermement dans ses bras sans qu’elle ne puisse se débattre, et posa une petite poche transparente dans sa main. Lisa baissa la tête et vit une pilule blanche dans la poche. En découvrant cela, son visage pâlit, ses mains tremblèrent, puis essayèrent de jeter la pilule. Mais Yves la serra plus étroitement.
— Ce que je déteste le plus dans la vie, c’est une femme comme toi ; égoïste et prétendant être innocente, mais pourtant détruit des familles. Lui cracha-t-il. Elle se marie avec les enfants d’autrui dans le ventre, parce que mal intentionnée, mais pense s’en sortir impunément ?
Yves ouvrit la poche avec un sourire diabolique et sanglant.
— Tu veux rester chez les Chevotet, n’est-ce-pas ? Hé ; avale cette pilule, et je te laisserai rester en tant que madame Chevotet.
Sans la peine de réfléchir, Lisa savait de quelle pilule il s’agissait. Son visage pâlit peu à peu, et son petit corps tremblait sous son étreinte.
— Non, je ne veux pas ! refusa-t-elle, avant d’essayer de le convaincre. Yves, crois-moi ; ce document n’est pas un faux ! J’ai vraiment avorté. Crois-moi ; d’accord ?
Les yeux d’Yves étaient si glaciaux, et ses doigts fins lui pincèrent la mâchoire, la forçant à ouvrir ses lèvres. De l’autre main, il fourra brutalement la pilule dans sa bouche. Lisa avait résisté de son mieux pendant tout le processus, mais la différence de force entre cet homme et elle, était trop grande. Sous l’étreinte d’Yves, elle ne pouvait pas même bouger, seulement le regarder mettre la pilule dans sa bouche.
Se fondant sous sa langue, le goût amer de la pilule lui remonta au cœur et lui retourna l’estomac.
— Lâche-moi ! tenta-t-elle à nouveau de se débattre.
— Avale ! la pressa impitoyablement Yves d’avaler la pilule, avec un regard diabolique et sans émotion.
Lisa ne put s’empêcher de laisser échapper un son de vomissement. Yves fronça les sourcils. Voyant qu’elle voulait vomir vraiment, il la relâcha. Aussitôt, Lisa fila comme l’éclair. Quand Yves vit sa petite silhouette au visage pâle se précipiter dans la salle de bain et cracher dans le lavabo, son regard se fit plus hostile. Lisa vomit avec un certain vertige. Le goût amer de la pilule persista un bon moment, affectant constamment ses papilles gustatives, et la faisant vomir encore et encore. Heureusement, elle réussit à tout vomir au bout d’un moment.
Lisa mit longtemps pour récupérer, et elle était épuisée. Elle avait nettoyé ensuite la salle de bain à contrecœur, et était assise mollement sur la cuvette. Elle venait de prendre une douche, mais à cet instant, elle avait le front et le cou, couverts de sueur.
« Ça faisait mal à l’estomac… » soliloqua-t-elle intérieurement.
De ses mains, Lisa recouvrit inconsciemment son ventre. Elle se souvint d’avoir recraché la pilule, alors pourquoi son estomac lui faisait mal ? « En l’avalant, avait-elle influencé la grossesse ? » se demandait-elle en secret.
En y repensant, elle eut un regard paniqué. Le visage pâle comme un fantôme, elle se leva des toilettes, trébucha, et sortit en se tenant le ventre. Yves en la voyant, pinça profondément ses lèvres fines.
— Où vas-tu ? lui demanda-t-il.
Lisa ne répondit pas et continua son chemin.
— Arrête ! cria Yves.
La petite silhouette de Lisa s’immobilisa alors un instant, avant de subitement s’écrouler sur le carrelage.
