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Chapitre 3 : Elara s’adapte à la Cour

Elara

Les journées au palais étaient longues et monotones pour moi. Je passais mon temps à accomplir des tâches diverses : nettoyer les salles, préparer les repas, veiller à l'entretien des chambres royales. Chaque geste semblait régi par des règles invisibles, une danse silencieuse où il n’y avait aucune place pour les erreurs. La hiérarchie était strictement respectée, et chaque domestique, aussi humble soit-il, savait que sa place était inférieure à celle des nobles, et encore plus à celle du roi.

Le palais, immense et labyrinthique, était aussi un lieu d’intrigues et de murmures. Les nobles se croisaient dans les couloirs, échangeant des mots à voix basse, et chaque regard pouvait être chargé de significations dissimulées. Je ne comprenais pas toujours toutes les subtilités de ces jeux de pouvoir, mais je savais instinctivement que mon rôle était de rester discrète, invisible. Cependant, il y avait un aspect de la cour que je ne pouvais ignorer : la tension palpable qui émanait du roi Aldric.

Chaque fois que je croisais son regard, même brièvement, une sensation étrange s’emparait de moi. Un mélange de crainte et de curiosité. Je savais que j'étais une simple servante et ne me permettais pas de fantasmer sur des rencontres plus intimes, mais une partie de moi ne pouvait s'empêcher de ressentir une étrange attraction envers cet homme. Je le voyais tous les jours, assis sur son trône, dictant des ordres, impitoyable et distant, mais parfois, dans ses moments de solitude, il semblait si vulnérable, presque humain.

Les serviteurs du château murmuraient souvent des histoires sur le roi. Ils parlaient de son ascension au trône, des batailles qu'il avait menées, des ennemis qu'il avait écrasés. Mais ils parlaient aussi, parfois, de sa solitude, de la manière dont il s’était enfermé dans une forteresse de glace depuis la mort de sa femme, il y a plusieurs années. Son cœur, disait-on, s'était durci à ce moment-là, et il n’avait plus jamais cherché à aimer.

Je n'avais jamais connu l’amour comme les nobles en parlaient, mais je savais ce que c'était que de ressentir la chaleur d’un regard, la douceur d’une main, même si cela était rare. Et bien que le roi ne semblait pas être un homme qui puisse offrir ce genre de sentiments, je ne pouvais m’empêcher de m'interroger. Peut-être qu'un jour, quelque chose changerait. Peut-être que sous cette carapace d’acier, il y avait un homme capable de sentiments profonds.

Un jour, alors que je traversais la grande cour pour apporter des rafraîchissements aux membres du conseil royal, un événement inattendu se produisit. Un groupe de nobles était réuni autour de la fontaine, discutant vivement de questions politiques. Je passais près d'eux, concentrée sur ma tâche, mais un éclat de voix me fit m'arrêter net.

« Vous avez entendu parler du roi ces derniers jours ? » demanda l'un des seigneurs, un homme de grande taille et au regard dur. « On dit qu'il est de plus en plus… solitaire. Il ne fait plus confiance à personne. »

Je m'efforçai de ne pas prêter attention, mais les mots que j’entendis me frappèrent. Le roi, seul, replié sur lui-même. C’était exactement ce que j’avais ressenti en le voyant, ces moments où il se tenait seul sur les terrasses du château, regardant les étoiles ou le paysage lointain avec une expression d’inquiétude et de mélancolie.

« Vous ne croyez pas qu’il pourrait se débarrasser de cette… faiblesse ? » continua un autre noble. « Un roi qui doute est un roi qui perd son trône. Il doit apprendre à être plus ferme. »

Les murmures continuèrent, mais je détournai les yeux. Je savais que mes pensées n'avaient pas leur place dans ces discussions. J’étais une simple domestique. Je n’avais pas le droit d’imaginer que le roi, cet homme impitoyable, pouvait être plus qu’un souverain distant. Et pourtant, une petite voix au fond de moi me murmurait que peut-être, derrière la façade dure du roi, il y avait quelque chose de bien plus complexe et fragile.

Les jours suivants se déroulèrent dans la même routine. Je m’acquittais de mes tâches, veillant toujours à garder une distance respectueuse avec le roi, ne le regardant jamais plus longtemps que nécessaire. Cependant, je commençais à percevoir des détails que je n'avais jamais remarqués auparavant. Le roi semblait souvent fatigué, ses traits tirés, comme s’il portait un fardeau invisible. Je le voyais se rendre dans la grande salle de guerre, seul, avant de rejoindre son trône. Il restait là, parfois des heures, à regarder les cartes et les lettres des différentes régions du royaume. Même quand il était entouré de conseillers, il y avait cette distance, cette froideur qui le séparait des autres.

Je me demandais ce qui pouvait bien se cacher derrière ces yeux glacés. Je savais que j’étais qu’une simple domestique, mais je sentais que j'avais vu quelque chose, que j’avais perçu une part de lui que peu d’autres avaient vue. Une part de solitude et de douleur qu’il masquait avec sa cruauté et son autorité.

Un après-midi, alors que je préparais un repas pour la cour, j’eus une nouvelle occasion de croiser le roi, cette fois en dehors de mon rôle de servante. Le banquet était organisé pour célébrer une victoire militaire, et la salle du trône était remplie de nobles et de soldats. Aldric, tel un roi imposant, était au centre de l'attention, mais il semblait plus distrait que d’habitude. À un moment donné, il s’éloigna du groupe, cherchant visiblement à s’échapper de la chaleur étouffante de la fête.

Je le suivis des yeux, la main tremblante alors que je m’apprêtais à servir un plat au duc d’Andros. Puis, sans que je ne puisse me contrôler, je me retrouvai à marcher discrètement dans sa direction. Je m'arrêtai à quelques mètres de lui, cachée dans l'ombre d’un pilier. Le roi était là, seul, une coupe de vin à la main. Ses yeux se perdaient dans l’horizon, comme s’il cherchait à fuir la réalité du palais.

C’était un instant de vulnérabilité rare, un moment où Aldric semblait être un homme et non un roi. Un homme qui, dans la lumière tamisée du château, paraissait moins puissant qu’à l’accoutumée, plus humain, plus fragile. Mais, consciente de ma place, je me détournai et retournai rapidement à ma tâche, mon cœur battant la chamade. Je savais que ce moment ne signifiait rien, que tout cela ne faisait partie que de la complexité du monde dans lequel je vivais. Mais au fond de moi, une nouvelle question s’éveillait : et si ce roi, ce tyran, n’était pas si inaccessible après tout ?

J’aurais aimé le savoir, mais pour l'instant, je me contentai de garder ce secret dans mon cœur, un secret que je ne partagerais avec personne.

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