Chapitre 5
Chapitre 5
Arya parvint au lieu des répétitions avec une précision presque chirurgicale, deux minutes avant le top départ. Kay l’attendait de pied ferme, tapant du pied comme un chef d’orchestre contrarié.
— T’as décidé de t’entraîner à courir un marathon ou quoi ? Va vite en coulisses. Ne donne pas l’impression d’être une débutante à la ramasse pour ton premier passage.
Elle rit doucement, haussa les épaules, le teint encore un peu pâle des excès de la veille.
— Figure-toi que ma cuite d’hier m’a ouvert une porte inattendue. Une sacrée maladresse, mais… je crois que j’ai attiré l’attention de l’homme en question.
Kay, soudain curieux, l’attrapa par les épaules et lui fit face.
— Attends, quoi ? Tu viens de dire que tu avais ferré Ryu Ken ? T’es sérieuse ?
Arya lui lança un clin d’œil, mutine.
— Patience. Je te raconterai après le défilé. Promis. Alors, épargne-moi ton sermon : je suis à l’heure, non ?
Elle se glissa entre les rideaux, disparaissant avec un sourire au coin des lèvres.
Kay la suivit du regard, secouant la tête avec une expression amusée. Ce fichu tempérament — elle avait beau être une tornade, elle possédait un magnétisme rare. Il avait eu le nez creux en pensant à elle pour cette mission un peu tordue. Rita voulait une femme capable de piéger l’insaisissable Ryu Ken, et Arya cochait toutes les cases. Pas juste pour son allure, mais pour ce mélange de fragilité et de feu.
Dans son métier, Kay avait appris à lire les âmes comme on lit les scripts. Et quelque chose chez Arya le convainquait : elle saurait se faufiler dans les brèches du géant froid qu’était Ryu Ken.
Bien sûr, elle ne le ferait pas seule. Rita, en coulisses, avait tout manigancé, prévu même sa disparition au moment opportun. L’essentiel était qu’Arya n’éveille aucun soupçon. Si tout se déroulait comme prévu, elle serait loin avant que Ryu ne réalise ce qui s’est passé.
Kay soupira. C’était du gâchis, tout de même. Cette fille était née pour les projecteurs. Il aurait aimé l’aider plus ouvertement, la pousser sur le devant de la scène. Mais pour l’instant, il lui fallait jouer double jeu.
Et Ryu Ken, ce requin élégant et impitoyable, était au moins un homme de principes. Il ne se salissait pas les mains. Un prédateur de sang-froid, mais pas un monstre. Kay en était certain : même si Arya entrait dans son monde, elle ne finirait pas brisée.
— Parfait ! On coupe ici ! cria le metteur en scène.
Les mannequins quittèrent la scène un à un. Arya, elle, devait défiler deux fois. Kay la retrouva plus tard dans un café de l’avenue, entre deux gorgées de thé noir.
— Franchement, tu gères. Le podium, c’est ton royaume. Donne-moi un an, je t’ouvre les portes du cinéma.
Arya esquissa un sourire, mais ne répondit pas tout de suite. Elle semblait ailleurs, comme si une part d’elle hésitait encore à tout embrasser.
Puis, sans transition, Kay attaqua :
— Alors ? Ce fameux Ryu Ken ? Raconte-moi tout, maintenant !
Arya ne se fit pas prier.
Quand elle eut terminé son récit, Kay tapa du poing sur la table, sans trop de force pour ne pas faire tourner les têtes.
— Sérieux ? C’est presque trop beau pour être vrai. C’est carrément… épicé !
— Tais-toi, idiot ! Tu veux que tout le monde sache que je me suis déshabillée devant le type sans le savoir ? marmonna Arya, rougissante.
Elle se souvenait du moment précis. L’instant où, sortant à moitié nue de la salle de bains, elle l’avait aperçu, impassible, assis là, une tasse de café à la main. Son regard fixe, sans la moindre once de gêne. Ce souvenir lui serra le ventre.
Puis son téléphone vibra.
\[16h, hall de l’hôtel. Tu me dois un dédommagement. — Le mec que tu as laissé sur sa faim.]
Arya soupira.
— Franchement… Il est milliardaire, et c’est moi qui devrais le rembourser ?!
Elle pianota une réponse, puis hésita à l’envoyer.
— Je te l’avais dit. Tu es faite pour ce rôle. On dirait une scène de drama. Il va sûrement te réclamer ton corps ! lança Kay, hilare, en la voyant croiser instinctivement les bras sur sa poitrine.
— Dégage, Kay ! Tu veux que je fasse une attaque ? Il ne m’a rien fait cette nuit-là, et je lui en suis reconnaissante. Un autre à sa place… Jim, par exemple… je n’ose même pas imaginer.
Une sincère admiration filtrait dans sa voix. Elle avait été vulnérable, exposée, et pourtant Ryu Ken n’avait pas dépassé la limite.
Kay la regarda longuement.
— Peut-être qu’il ne t’a pas touchée… parce que tu n’es pas son genre ?
Arya le fusilla du regard.
— Qui vivra verra. Mais il y a un truc étrange… Chaque fois qu’il me regarde, j’ai une espèce de frisson glacé. Comme si…
Elle s’interrompit, hésitante.
— Comme si quoi ? Vas-y, dis-le.
— Laisse tomber, c’est idiot.
Ils plaisantèrent encore un moment, puis se séparèrent. Arya retourna à l’hôtel, prit une douche rapide et enfila des vêtements simples mais élégants.
En descendant dans le hall, elle aperçut Ryu, déjà là. En avance.
— Salut, lança-t-elle.
Il se tourna vers elle, l’observa sans rien dire. Même en jean et en tee-shirt, elle avait cette présence étrange, ce je-ne-sais-quoi magnétique.
Il se leva.
— On y va.
— Attends. Où ça exactement ? demanda-t-elle, intriguée.
Ryu l’ignora, puis lui lança, l’air de rien :
— Au fait, tu restes ici encore combien de jours ?
— Sept. Pourquoi ? Tu comptes réserver ma chambre ?
Il la fixa droit dans les yeux, un sourire à peine esquissé aux lèvres.
— Tu m’as promis une compensation, non ? Voilà ce que j’ai décidé : tu partageras mon emploi du temps pendant sept jours, et tu m’inviteras à tous les repas.
Elle resta interdite un instant, puis éclata de rire. Ce type était décidément… imprévisible.
