Chapitre 6
Chapitre 6
Arya s’installa sur la banquette arrière de la voiture avec un calme apparent, mais son esprit bourdonnait. Ryu Ken était là, assis près d’elle, aussi impassible qu’une statue d’ivoire. Elle se demandait ce qu’il voyait vraiment en elle. L’événement de la veille, inattendu et troublant, l’avait poussée à baisser la garde. Il ne l’avait ni jugée ni profité de la situation. Un homme comme lui ? C’était presque incompréhensible.
Le silence fut rompu par sa voix grave :
— Je suis curieux… Tu ne m’as même pas demandé mon prénom. Tu sais qui je suis ?
Elle tourna lentement la tête vers lui, le regard franc.
— Évidemment que je sais. Tu es Ryu Ken. Impossible d’ignorer un visage qui hante les premières pages de la presse, les panneaux lumineux des grandes villes, les flux incessants des réseaux. Je ne vis pas dans une grotte.
Il rit doucement, comme amusé par sa répartie.
— Donc, tu savais depuis le départ ?
Elle haussa un sourcil, l’air moqueur.
— Tu m’as posé la question une première fois. Je t’ai répondu. Pas besoin d’un second interrogatoire. Tu es une célébrité, Ryu, et tu le sais mieux que personne. Maintenant, tu comptes m’emmener où ?
— Au centre commercial, répondit-il simplement.
Ses yeux s’écarquillèrent.
— Attends une minute… Tu veux faire du shopping ? Et tu comptes que je paie, c’est ça ? Sérieusement ? J’espère que tu plaisantes, je ne peux même pas me permettre les lacets de tes chaussures.
Elle croisa les bras, agacée, puis ajouta, pince-sans-rire :
— Et franchement, vu que tu as eu droit à une vue imprenable sur mon anatomie hier soir, je pense que ça fait de nous quittes.
Il éclata de rire. Il aimait sa franchise, brute, sans faux-semblant. Les femmes dans son entourage n’étaient que vernis et manières apprises. Avec Arya, il avait l’impression de respirer autrement.
— Tu crois que c’était facile pour moi de te voir dans cet état sans m’attirer d’ennuis ? répliqua-t-il, espiègle. Mais trêve de plaisanteries. Je veux juste un peu de compagnie, c’est trop ennuyeux de flâner seul.
— Pourquoi ne pas emmener ton assistante, alors ? Tu n’as pas peur d’un énième scandale ?
— Mieux vaut être vu avec une jolie femme qu’avec un de mes associés. Et puis, j’ai de quoi faire taire les rumeurs. Crois-moi, je gère.
Ils pénétrèrent dans le complexe commercial, un lieu baigné de lumière et de luxe ostentatoire. Arya suivait, dubitative. Elle fixa longuement une cravate étiquetée à un prix indécent. Elle soupira, secouant la tête.
— Ces gens ont vraiment trop d’argent et pas assez d’idées, pensa-t-elle.
Son téléphone vibra. Elle s’éloigna poliment, prétextant une pause aux toilettes. Sa mère l’appelait.
Pendant ce temps, Ryu flâna dans les rayons. Il tomba sur une collection de sacs raffinés. Il en choisit trois, des pièces élégantes, variées en teinte et en forme. Il s’imagina le regard qu’aurait Arya en les découvrant, et un mince sourire éclaira son visage.
Quand elle revint, elle le trouva les bras chargés de paquets.
— Tu veux que je t’aide ? proposa-t-elle, main tendue.
— Ce ne sera pas nécessaire. Mon assistant va arriver d’une minute à l’autre.
Elle hocha la tête. Puis, comme elle devait régler le dîner, elle choisit un petit restaurant discret, à l’abri des regards.
Après le repas, ils regagnèrent l’hôtel. Ryu l’accompagna jusqu’à la porte de sa chambre, voisine de la sienne. Elle le remercia d’un sourire avant de refermer derrière elle.
Elle composa aussitôt le numéro de Kay.
— Dis-moi franchement, tu ne sais vraiment rien de plus sur cette histoire ? Ce Ryu… il n’a pas l’air si terrible, tu sais.
— Je ne sais pas grand-chose, répondit Kay après un soupir. C’est Rita qui m’a contacté, sur les conseils d’un ami. Je devais seulement trouver quelqu’un qui pourrait convenir, et lui faire un retour régulier sur l’évolution des choses.
Il marqua une pause.
— On est engagés, Arya. Ta sœur sera opérée demain. Ton père aussi a besoin de soins. On ne peut pas faire marche arrière.
Il hésita, puis ajouta :
— À moins que tu choisisses de tout lui révéler. Mais on ignore encore comment il réagirait. Peut-être qu’il t’aiderait, ou peut-être qu’il romprait tout contact. C’est à double tranchant. Mais peu importe ta décision, je te soutiendrai.
Elle resta silencieuse un moment. Il était trop tôt pour décider. Ryu ne la connaissait presque pas. Elle n’était qu’un visage parmi tant d’autres.
Une sonnerie la tira de ses pensées. Elle ouvrit la porte. Un jeune homme en uniforme lui tendit des paquets.
— Monsieur Ryu m’a chargé de vous remettre ceci, dit-il poliment.
Il s’éclipsa aussitôt. Intriguée, Arya défit les emballages. Ses yeux s’agrandirent de stupeur en découvrant les sacs. Leurs valeurs avoisinaient des sommes extravagantes.
— Il est tombé sur la tête ou quoi ? murmura-t-elle, abasourdie.
Elle remit tout soigneusement dans les sacs et frappa à la porte voisine. Ryu ouvrit, visiblement ravi de la voir.
— Entre, fit-il avec un sourire.
Elle posa les sacs sur la table avec détermination.
— Qu’est-ce que c’est que ça ? Tu veux m’expliquer ?
— Tu ne les trouves pas jolis ?
— Évidemment qu’ils sont magnifiques. Et hors de prix. Mais ce n’est pas la question. Pourquoi me les offrir ? On n’a même pas de véritable lien.
— Je n’ai pas besoin d’une relation particulière pour offrir un cadeau, répondit-il tranquillement. Tu te souviens que tu voulais une compensation ? Eh bien, considère que c’est moi qui te rembourse, et non l’inverse. Ainsi, tu n’auras plus mauvaise conscience à chaque fois que je te proposerai une sortie ou un repas.
Il lui tendit une tasse de café, le regard tranquille.
Leurs doigts se frôlèrent un instant. Un simple contact, mais chargé d’une électricité discrète.
Ryu ne voulait pas se l’avouer encore, mais quelque chose le poussait vers elle. Et cette chose, il comptait bien l’explorer, pas à pas.
Elle prit la tasse, silencieuse. Peut-être pour la première fois depuis longtemps, elle se sentit vue autrement.
