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Chapitre 4

Chapitre 4

Ryu observait la silhouette inerte qu’il venait de déposer sur le matelas, ses bras repliant la couette avec précaution autour d’elle. Son souffle était calme, régulier, et ses traits, relâchés, semblaient appartenir à une héroïne de conte figée dans un sommeil enchanté. Il la fixait, perplexe, comme s’il tentait de déchiffrer ce que ce visage endormi disait de sa vie, de ses rêves, ou de ses blessures.

Il s’apprêtait à appeler le service médical de l’hôtel quand un léger frémissement anima le corps allongé. Ses paupières tremblèrent sans s’ouvrir. Ses bras bougèrent à tâtons jusqu’à ce qu’ils trouvent un oreiller qu’elle étreignit aussitôt, comme un enfant s’accroche à une peluche contre ses cauchemars. Ryu se crispa légèrement. Ses jambes, dans un mouvement inconscient, s’étaient entrouvertes dans sa direction, révélant plus qu’il n’aurait voulu voir. Son regard s’y attarda un quart de seconde, avant qu’il ne détourne les yeux avec une brusquerie intérieure, attrapant la couette et la tirant vers elle pour recouvrir ce corps imprudent.

Il recula et s’assit sur le canapé. Son ordinateur portable sur les genoux, il tenta de se replonger dans ses dossiers, mais son esprit vagabondait. L’image de cette femme, paisible et désarmée dans un espace qui n’était pas le sien, revenait sans cesse troubler sa concentration.

Le vibreur de son téléphone coupa court à ses réflexions. Un appel. Numéro inconnu. Il hésita, la mâchoire serrée, avant de décrocher.

« Encore un abruti ou le père angoissé ? » pensa-t-il.

La voix, au bout du fil, était tout sauf courtoise.

— Qui êtes-vous ? Pourquoi vous répondez à ce téléphone ? Où est Arya ? Passez-la-moi, tout de suite !

Ryu leva les yeux au plafond, exaspéré. Il soupira longuement avant de répondre, d’un ton glacial :

— Elle dort dans ma chambre. Elle n’a manifestement pas envie de discuter avec toi. Cesse de l’importuner.

Il coupa la communication sans attendre de réponse, l’envie de jeter le téléphone traversant l’ombre d’un instant son esprit.

Il resta quelques secondes silencieux, songeur.

« Depuis quand est-ce que je me mêle des histoires des autres ? » pensa-t-il. Ce genre de comportement ne lui ressemblait pas. Il n’avait jamais eu l’habitude de s’occuper de ceux qui n’appartenaient pas à son univers. Mais cette femme, là, sur son lit, avait déclenché quelque chose d’inhabituel en lui.

Elle se mit à sourire en dormant, comme si elle répondait à une blague muette, avant de froncer les sourcils avec cette même spontanéité enfantine. Ryu esquissa un sourire discret. Même inconsciente, elle restait étonnamment expressive. Il retourna à son travail, le cœur encore légèrement agité.

Un peu plus tard, ce fut le bruit caractéristique d’un téléphone qui résonna dans la chambre. Arya, toujours à moitié engourdie, décrocha sans réfléchir. Une voix familière, celle de Kay, résonna dans son oreille, pressante.

— Tu es attendue à la répétition, Arya. On t’attend déjà.

Elle ouvrit un œil, paniquée en voyant l’heure affichée sur l’écran. En un éclair, elle bondit hors du lit et fit tomber sa robe, ne gardant sur elle que ses sous-vêtements.

Elle se dirigea vers l’armoire, l’esprit encore embrouillé, cherchant de quoi se vêtir à la hâte. Elle ne réalisa pas tout de suite que quelque chose clochait. Les vêtements suspendus n’étaient pas les siens : des chemises impeccablement repassées, des costumes de grande marque, un parfum masculin flottant encore dans les fibres.

— C’est quoi ce bordel ? lâcha-t-elle, en écarquillant les yeux.

Puis, elle se retourna lentement, et là, elle le vit. Assis nonchalamment dans un fauteuil, une tasse de café à la main, Ryu la fixait avec calme. Son visage, neutre, n’exprimait aucune surprise.

Arya, elle, faillit hurler.

Elle se précipita vers le lit et tira la couverture pour cacher son corps presque nu.

— Mais… que fais-tu ici ?!

Il haussa un sourcil, amusé.

— Dans ma chambre ? Je prends mon café. Qu’y a-t-il d’étrange à ça ?

Le rouge lui monta aux joues, violacé de honte. Les souvenirs de la veille lui revinrent en désordre : l’alcool, l’ascenseur, des bras qui la soutenaient… C’était donc lui, le mystérieux inconnu de la veille. Il l’avait raccompagnée jusqu’ici. Jusqu’à sa chambre. Et elle… elle y avait dormi.

Elle se sentit nauséeuse, mais cette fois de gêne.

— Je suis désolée. Je vais me changer, murmura-t-elle en attrapant ses vêtements pour disparaître dans la salle de bain.

Quand elle reparut, habillée à la hâte, elle s’inclina plusieurs fois.

— Je m’excuse, vraiment. Pour tout.

Il eut un léger sourire.

— Tu peux te racheter, lança-t-il, taquin.

Elle ouvrit son sac, sortit un stylo et chercha désespérément un papier. Ne trouvant rien, elle se saisit d’un carnet posé à côté de lui, griffonna rapidement un numéro et quelques mots.

— Appelle-moi ici. Je suis en retard, je dois y aller. Je rembourserai tout ce que je t’ai fait subir. Merci encore.

Sans lui laisser le temps de répondre, elle s’élança hors de la pièce, presque en courant.

Ryu resta un moment, le carnet dans les mains, les sourcils levés.

« Elle s’est littéralement enfuie, cette fille… »

Un rictus étira ses lèvres. Elle l’avait laissé là, après avoir dormi dans son lit, perturbé sa nuit, perturbé son esprit… et maintenant, elle prétendait régler tout cela avec un simple numéro de téléphone gribouillé à la hâte ? Il aurait mérité une médaille, pas une fuite embarrassée.

Il se revit, assis ici toute la nuit, son café tiède à la main, la regardant dormir sans oser la réveiller. Il avait hésité, à plusieurs reprises. Elle dormait d’un sommeil si profond, si tranquille, qu’il s’était senti coupable à l’idée de l’interrompre.

Et puis ce matin… ce moment où elle avait ôté sa robe sans réaliser qu’elle n’était pas seule. Ce moment suspendu où il avait cessé de respirer. Il se mordit l’intérieur de la joue. Il avait failli recracher son café.

Il n’avait pas bougé. Avait tenté de garder une contenance. Mais à l’intérieur, c’était la tempête.

Il posa sa tasse, soudain lassé de la chaleur qu’elle dégageait. Il avait besoin d’un verre d’eau glacée, ou peut-être… d’une bonne douche froide.

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